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Vers une thérapie anti-vieillissement?

La surexpression de la protéine Parkin peut contrer les effets délétères de l’âge sur les muscles squelettiques.

Par Marie-Claude Bourdon

21 janvier 2019 à 11 h 01

Mis à jour le 21 janvier 2019 à 15 h 01

Parkin pourrait avoir un effet pour contrer le vieillissement, pour lutter contre les pathologies musculaires comme les myopathies et pour améliorer les performances musculaires.Photo: Getty images

Le vieillissement s’accompagne inexorablement d’une perte de masse musculaire, la sarcopénie. C’est l’un de ses effets les plus délétères. Avec l’âge, les muscles squelettiques s’atrophient et perdent de leur force, entraînant une foule de complications médicales. Pour contrer ce processus, une équipe de chercheurs vient de découvrir une nouvelle  cible thérapeutique. Ils ont démontré que la surexpression de Parkin, une protéine surtout connue pour son implication dans la forme juvénile de la maladie de Parkinson, a un effet protecteur contre la perte de masse musculaire reliée à l’âge. Leurs résultats, publiés dans le prestigieux Journal of Physiology sous le titre «Parkin overexpression protects from ageing-related loss of muscle mass and strenght», pourraient constituer un pas de géant dans la lutte contre le vieillissement.

 «On va maintenant pouvoir tenter de mettre au point des composés chimiques de synthèse spécifiquement conçus pour activer Parkin», indique Gilles Gouspillou, professeur au Département des sciences de l’activité physique et cosignataire de l’article avec des collègues de l’UQAM et de McGill. «Jusqu’à la publication de cette étude, ajoute-t-il, cette protéine n’était tout simplement pas sur le radar des moyens de lutte contre le vieillissement musculaire.»

Dans une société où l’espérance de vie ne cesse d’augmenter, cette recherche s’avère extrêmement prometteuse. Au Canada seulement, au moins un demi-million de personnes sont affectées par des problèmes de faiblesse musculaire. La prévalence de la sarcopénie, qui touche 14% des personnes âgées de 65 à 70 ans, augmente à plus de 50% chez les personnes de 80 ans et plus. «Les problèmes associés à la perte musculaire entraînent des chutes, réduisent l’autonomie et sont associés à de nombreuses maladies chroniques», observe Gilles Gouspillou.

«Les problèmes associés à la perte musculaire entraînent des chutes, réduisent l’autonomie et sont associés à de nombreuses maladies chroniques. »

Gilles Gouspillou,

Professeur au Département des sciences de l’activité physique

Ce jeune professeur, qui utilise la course à pied pour se rendre à son laboratoire du Complexe des sciences, travaille depuis plusieurs années à élucider les mécanismes impliqués dans les pertes de masse et de fonction musculaire associées au vieillissement. C’est en se penchant sur les mitochondries des cellules musculaires vieillissantes qu’il a commencé à s’intéresser à Parkin. Les mitochondries sont de petits organites qui jouent un rôle crucial dans la respiration cellulaire et dans la production énergétique nécessaire aux fonctions de la cellule.

Apoptose et atrophie musculaire

«Quand une mitochondrie devient dysfonctionnelle, explique Gilles Gouspillou, elle déclenche l’apoptose, un mécanisme qui entraîne la perte d’un ou plusieurs noyaux dans la cellule musculaire, réduisant ainsi sa capacité à synthétiser les protéines et menant ultimement à une atrophie de la fibre musculaire.»

Selon la théorie du vieillissement en vigueur au moment où le chercheur a entrepris ses recherches, on croyait que les mitochondries vieillissantes se mettaient à produire énormément de radicaux libres et que ceux-ci étaient responsables de leur dysfonctionnement, donc de l’apoptose. Cette théorie ne tient plus. «Nos recherches ont montré que la production de radicaux libres par les mitochondries n’était pas plus élevée chez les sujets atteints d’atrophie musculaire, dit-il. Il fallait donc trouver une autre explication.»

Parkin et mitophagie

Gilles Gouspillou et ses collègues se sont alors tournés vers la mitophagie, un mécanisme récemment décrit par lequel la cellule se débarrasse de ses mitochondries défectueuses ou devenues inutiles. «Nous avons fait l’hypothèse que la mitophagie ne fonctionnait pas correctement dans les muscles vieillissants et que cela expliquait l’accumulation de mitochondries dysfonctionnelles. Or, on sait que le processus de mitophagie est en bonne partie régulé par la protéine Parkin, dont le rôle consiste à reconnaître et sélectionner les mitochondries dysfonctionnelles pour qu’elles soient dégradées.»

« Nous nous sommes dit que si on surexprimait Parkin dans le muscle, il y aurait moins de mitochondries dysfonctionnelles, donc moins d’apoptose et moins d’atrophie musculaire. »

Les chercheurs ont donc eu l’idée d’augmenter l’activité de la protéine Parkin.  «Nous nous sommes dit que si on surexprimait Parkin dans le muscle, il y aurait moins de mitochondries dysfonctionnelles, donc moins d’apoptose et moins d’atrophie musculaire», résume le chercheur.

Un gain musculaire

La recherche a porté sur des souris: des sujets jeunes, de 3 mois, et des sujets de 18 mois, un âge où les problèmes associés au vieillissement commencent à apparaître chez ces petits mammifères. Pendant quatre mois, on leur a injecté un virus adéno-associé qui surexprime la protéine Parkin. Quatre mois, dans la vie d’un rongeur, c’est long; à 22 mois, une souris accuse l’âge d’un humain d’environ 75 ans.

«Nous pensions que nous allions freiner le vieillissement chez les souris âgées et qu’il ne se passerait rien chez les jeunes, rapporte Gilles Gouspillou. En effet, si la mitophagie fonctionnait correctement chez les jeunes, comme nous l’avions supposé, Parkin n’aurait pas dû avoir d’effet sur ces sujets. Mais nous avons obtenu un gain de la masse et de la force musculaire chez les sujets âgés et chez les plus jeunes!»

« Nous avons obtenu un gain de la masse et de la force musculaire chez les sujets âgés et chez les plus jeunes! »

Pour l’instant, les chercheurs ne s’expliquent pas l’hypertrophie musculaire observée chez les jeunes souris, dont les muscles ont réagi comme si elles avaient été soumises à un entraînement physique. «Il y a des étudiants de mon laboratoire qui auraient bien voulu s’en injecter, blague le professeur. Mais à 10 000 dollars le virus, ils ont renoncé.»

En fait, il semble que Parkin ne se limite pas à sélectionner les mitochondries dysfonctionnelles en vue de leur dégradation. La protéine joue probablement d’autres rôles. L’étude confirme d’ailleurs chez la souris ce qui avait déjà été montré chez la mouche, à savoir que la surexpression de Parkin a un effet positif sur le nombre de mitochondries. Parkin entraîne aussi une augmentation des enzymes mitochondriales.

Effets anti-vieillissement

Outre l’atténuation de la sarcopénie, les chercheurs ont observé d’autres signes anti-vieillissement dans les muscles des souris traitées: une diminution de l’apoptose, moins de fibrose et une réduction du stress oxydant (donc moins de radicaux libres). «La présence de radicaux libres, même s’ils ne proviennent pas des mitochondries, demeure associée au vieillissement, explique Gilles Gouspillou. Or, on a montré qu’il y avait moins de stress oxydant dans les muscles âgés des souris injectées avec Parkin que dans ceux du groupe contrôle.»

Selon lui, Parkin est maintenant une cible thérapeutique à considérer. «Nous apportons, avec cette étude, la preuve de concept montrant que Parkin pourrait avoir un effet pour contrer le vieillissement, pour lutter contre les pathologies musculaires comme les myopathies et pour améliorer les performances musculaires.»

L’article paru dans le Journal of Physiology est cosigné par Jean-Philippe Leduc-Gaudet (M.Sc. kinantropologie, 2016), Olivier Reynaud (M.Sc. kinanthropologie, 2018), Gilles Gouspillou et son collègue de McGill Sabah N. Hussain. Aujourd’hui étudiant à McGill, Jean-Philippe Leduc-Gaudet fait son doctorat sous la supervision des professeurs Gouspillou et Hussain, tandis qu’Olivier Reynaud travaille comme assistant de recherche dans le laboratoire de Gilles Gouspillou, spécialisé dans la physiologie musculaire et mitochondriale.