Un récent rapport du ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur (MEES) démontre que les élèves du secondaire obtiennent de meilleurs résultats au critère syntaxe et ponctuation qu’au critère orthographe grammaticale et lexicale, lors des épreuves de production écrite en français. On serait donc porté à croire que l’enseignement du français devrait être axé sur l’orthographe, notamment sur l’accord du participe passé, l’une des sources les plus fréquentes d’erreurs en orthographe grammaticale. Ce serait toutefois faire fausse route, estime Reine Pinsonneault, professeure au Département de linguistique. «Pour accorder correctement les mots, il faut avoir des assises syntaxiques solides, soutient la linguiste. Les accords grammaticaux, par exemple ceux des participes passés, traduisent des relations syntaxiques entre les mots ou les groupes de mots dans la phrase.»
Avec la professeure Marie-Claude Boivin de l’Université de Montréal, la linguiste a publié un article à ce sujet dans la Revue canadienne de linguistique appliquée. Les chercheuses ont analysé près de 1000 textes d’élèves, de 4e et 6e primaire et de 2e et 5e secondaire. Marie-Josée Daviau, étudiante et chargée de cours au Département de linguistique, et la diplômée Marie Bellavance Courtemanche (M.A. linguistique, 2016) ont également collaboré à cette étude. Selon l’étude, les erreurs les plus fréquentes des élèves relèvent de la syntaxe – et sont donc classées comme telles -, même si elles touchent l’orthographe grammaticale. «Par exemple, les erreurs liées aux homophones grammaticaux (ces/ses, sont/son, on/ont) ont été classées erreurs de syntaxe dans notre étude, alors qu’elles sont classées erreurs d’orthographe selon le MELS, explique Reine Pinsonneault. Or, les homophones grammaticaux constituent une source importante d’erreurs.»
Une vue d’ensemble
Les auteures insistent donc sur l’importance de travailler la syntaxe, qui traite principalement de l’ordre des mots et de la structure interne des groupes de mots dans la phrase. «C’est la clé pour maîtriser le français écrit, affirme Reine Pinsonneault. Les élèves doivent savoir qu’on ne peut pas uniquement faire l’accord avec le mot à gauche ou à droite; il faut avoir une vue d’ensemble de la phrase et comprendre les relations entre les groupes de mots.»
Le programme de formation de l’école québécoise du MEES stipule que l’accord du participe passé avec l’auxiliaire être devrait être maîtrisé dès la fin du troisième cycle du primaire. La maîtrise de la règle générale d’accord du participe passé employé avec avoir et être devrait, quant à elle, être acquise lors du premier cycle du secondaire. «Il n’est donc pas normal que des étudiants universitaires ne maîtrisent toujours pas ces accords», déplore la professeure.
Trop tôt?
Ces notions sont-elles enseignées trop tôt dans le cursus scolaire? «Il faut maîtriser beaucoup de notions de base avant de réussir l’accord des participes passés, surtout avec avoir: il faut comprendre ce qu’est le participe passé et dans quel contexte on doit l’accorder. Le problème survient lorsque les accords sont enseignés seuls, sans faire de liens avec le reste de la phrase.»
Outre les accords, d’autres éléments de la langue écrite pourraient être améliorés par une meilleure maîtrise de la syntaxe. «Pour ponctuer adéquatement une phrase et mettre les virgules aux bons endroits, il est obligatoire d’avoir fait une analyse syntaxique de la phrase», précise Reine Pinsonneault.
La linguiste est d’avis que la structure des phrases devrait être étudiée très tôt et de façon systématique. «Il faut commencer par la structure des phrases simples, puis passer à la construction de phrases complexes. Les accords devraient être enseignés uniquement lorsque la base est maîtrisée.»