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S’engager envers les collectivités

Des professeurs et des représentants de syndicats et de groupes communautaires ont partagé leurs réflexions sur la mission sociale des universités.

Par Claude Gauvreau

12 février 2019 à 16 h 02

Mis à jour le 15 février 2019 à 9 h 02

Lyne Kurtzman, agente de développement du Service aux collectivités, rend compte des discussions dans son atelier. Photo: Nathalie St-Pierre

Valoriser davantage la mission sociale des universités et lui donner plus de visibilité, partir des besoins des citoyens afin de développer des projets de recherche et de formation, diversifier les approches pour mobiliser et diffuser les connaissances… Voilà autant de défis qui ont été identifiés lors d’une rencontre de réflexion tenue à l’UQAM, le 4 février dernier.

Se déroulant sous le thème de «L’engagement des universités envers les collectivités. Pour qui? Pourquoi?», la rencontre était organisée par le Service aux collectivités (SAC). Elle a réuni des représentantes et représentants de syndicats (CSN et CSQ) et de plusieurs groupes communautaires (voir encadré), ainsi que des professeurs provenant de diverses universités (UQAM, McGill, Concordia, Université du Québec à Trois-Rivières, Université du Québec à Rimouski et Université Carleton).   

Tant au Québec qu’au Canada, les universités sont de plus en plus interpellées à propos de leur engagement auprès des collectivités, notamment des groupes et populations marginalisés. Mais quelles voies cet engagement doit-il emprunter sur le plan de la recherche? Comment favoriser l’expression de points de vue différents et le partage d’expériences et de savoirs variés, incluant ceux de groupes communautaires, de femmes ou d’organisations syndicales? Les participants se sont penchés sur ces questions dans le cadre d’ateliers de discussion animés par des agentes de développement du SAC.

Reconnaître tous les savoirs

Comment reconnaître les différents savoirs pour mieux les mobiliser? Plusieurs participants ont exprimé leur préoccupation relativement à la faible reconnaissance de la valeur du savoir dit «expérienciel» – expertise et compétences – des groupes partenaires qui, sur le terrain, interviennent quotidiennement auprès de diverses populations: femmes, travailleurs, communautés immigrantes et autochtones, etc.

L’importance de reconnaitre, y compris financièrement, le travail souvent invisible de ces groupes et leur contribution à l’avancement des connaissances a été soulevée dans tous les ateliers de discussion. Une participante s’est aussi interrogée sur la reconnaissance au sein même des universités du travail des professeurs engagés dans des projets de partenariat avec des collectivités. «Ce travail est-il valorisé? Comment est-il perçu par les instances dirigeantes et  par les autres professeurs?», a-t-elle demandé.

Organismes participants

Plusieurs groupes de la société civile étaient représentées à la rencontre organisée par le SAC:

– Femmes autochtones du Québec

– Fédération des maisons d’hébergement pour femmes

– Relais-femmes

– Groupe de recherche et de formation sur la pauvreté au Québec

– Parole d’excluEs

– Réseau québécois de l’action communautaire autonome

– Regroupement intersectoriel des organismes communautaires de Montréal

– Alliance des communautés culturelles pour l’égalité dans la santé et les services sociaux

– Comité pour les droits humains en Amérique latine

– Réseau d’action des femmes handicapées (Dawn Canada)

 Transférer les connaissances

La question du transfert des connaissances devrait être intégrée dès le départ, au moment où s’élabore un projet de recherche. À ce chapitre, plusieurs participants ont souligné l’importance d’impliquer les groupes partenaires tout au long du processus de transfert, de diversifier les outils de diffusion des résultats de recherche, de vulgariser les contenus des rapports et études pour que les collectivités concernées puissent se les approprier et, enfin, d’évaluer les impacts des recherches sur les populations.

Des représentantes d’organismes communautaires ont exprimé, par ailleurs, leur intérêt pour un meilleur accompagnement par les chercheurs, hors des murs des universités, aux différentes étapes des projets.  

Favoriser l’engagement citoyen

Julie Dirwimmer, conseillère au bureau du Scientifique en chef du Québec, a annoncé qu’un projet pilote visant à favoriser l’engagement citoyen en recherche serait mis en place à compter de l’automne 2019. L’engagement citoyen peut prendre différentes formes – recherche-action, recherche communautaire –, mais l’important est que les projets soient portés à la fois par les citoyens et les membres de la communauté de recherche. Le projet pilote, soutenu par les Fonds de recherche du Québec, pourrait servir de levier pour obtenir des fonds supplémentaires auprès de divers ministères, a observé Julie Dirwimmer.

La conseillère a souligné qu’il ne suffit pas de rendre accessibles les données et les résultats de recherche aux groupes partenaires. Il faut aussi les consulter et les  impliquer à chaque étape du processus de recherche. Elle a aussi insisté sur l’importance d’assurer la qualité méthodologique de la recherche réalisée en partenariat avec les collectivités.

Quant à la reconnaissance financière de la contribution à la recherche des organismes communautaires et autres groupes de citoyens, Julie Dirwimmer a indiqué qu’il s’agissait d’un défi de taille. «Traduire les principes d’équité et d’inclusion par un meilleur soutien financier aux groupes sociaux sous-représentés dans la communauté de recherche implique des changements structurels et culturels», a-t-elle noté.

Un modèle unique

Des formes de soutien aux groupes intervenant auprès de populations marginalisées ou discriminées se développent dans les universités, mais elles reposent trop souvent sur l’engagement individuel de professeurs. À l’exception de l’UQAM, qui peut compter sur le SAC, les établissements universitaires n’ont pas de structure institutionnelle pérenne, dédiée spécifiquement au développement de partenariats avec les collectivités.

Modèle unique au Québec, le SAC a été créé à la suite de l’adoption par l’UQAM, en 1979, d’une politique institutionnelle de services aux collectivités afin de démocratiser le savoir universitaire auprès de communautés qui n’y avaient pas traditionnellement accès: organismes communautaires, groupes de femmes, syndicats. Jouant un rôle d’interface, le SAC vise à favoriser l’arrimage des besoins des groupes sociaux et des expertises professorales pour produire collectivement de nouvelles connaissances porteuses d’innovations sociales.