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Reconnecter BAnQ avec le Quartier latin

Des chercheurs de l’UQAM organisent un exercice de codesign portant sur l’îlot de la Grande Bibliothèque.

Par Pierre-Etienne Caza

14 novembre 2019 à 9 h 11

Mis à jour le 15 novembre 2019 à 11 h 11

Ouverte au public depuis 2005, la Grande Bibliothèque occupe un îlot névralgique au cœur du Quartier latin. En plus du bâtiment abritant ses nombreuses collections, elle possède un «jardin», largement sous-utilisé, qui s’étend jusqu’à la rue Ontario. «Cet espace public, qui fait partie intégrante du quartier, a fait l’objet d’un exercice de codesign visant à proposer une vision collective d’aménagement qui tienne compte des besoins de tous les utilisateurs potentiels», explique la professeure Priscilla Ananian, qui a réalisé ce projet avec son collègue du Département d’études urbaines et touristiques de l’ESG UQAM, François Racine, initiateur de la démarche, et Sinisha Brdar, de l’École de design.

Le projet a été mené en collaboration avec la Direction des communications et de la programmation de Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ) et sa chargée de projet en médiation sociale, Marie-Pierre Gadoua. «Le Service aux collectivités (SAC) de l’UQAM a eu vent de l’intérêt pour une réflexion sur ces espaces extérieurs dans le cadre d’échanges à la Table de concertation du faubourg Saint-Laurent, et nous a approchés pour proposer un projet, raconte Priscilla Ananian. L’exercice est intéressant parce qu’il s’inscrit dans une approche ascendante (bottom-up) plutôt que descendante (top-down).»

Quatre ateliers

Lorsque l’aménagement des espaces extérieurs de la Grande Bibliothèque a été réalisé à l’issue d’un concours d’architecture, en 2004, les concepteurs avaient la volonté de faire le lien entre les équipements de BAnQ et leur environnement. Faute de budget, le projet a toutefois été amputé, rappelle Priscilla Ananian. L’espace jardin a finalement été divisé en deux parties entrecoupées de l’entrée pour le stationnement souterrain: un parterre d’œuvres d’art, adjacent à la bibliothèque, et un «carré vert», qui sert de pépinière depuis quelques années.

Vue aérienne de la Grande Bibliothèque et de ses espaces extérieurs.
Image: Google Maps

Afin de proposer un nouvel aménagement des lieux, les chercheurs ont réuni au printemps dernier une douzaine de participants – spécialistes, usagers de la Grande Bibliothèque et intervenants œuvrant dans le quartier – qui ont pris part à quatre ateliers. «L’idée maîtresse de cet exercice de codesign était de reconnecter les équipements de BAnQ avec le quartier», souligne Priscilla Ananian, qui dirige l’Observatoire des milieux de vie urbains.

Afin de nourrir la réflexion des participants, les chercheurs leur ont présenté une trentaine d’exemples d’aménagements extérieurs de bibliothèques à travers le monde. «Les espaces extérieurs de la New York Public Library, adjacente à Bryant Park, ont retenu l’attention des participants. On y a, entre autres, aménagé des stands de prêt de livres et on y retrouve du mobilier urbain adapté selon les saisons», note Priscilla Ananian.

Les participants devaient s’assurer de proposer un projet différent de celui de la place Émilie-Gamelin, qui s’est métamorphosée au cours des dernières années pour accueillir une programmation culturelle originale, à deux pas de BAnQ. Il fallait également tenir compte de la présence de nombreuses personnes en situation d’itinérance sur le terrain de la Grande Bibliothèque. «BAnQ ne veut pas expulser les personnes itinérantes de son périmètre, mais elle exige qu’elles se conforment au code des usagers, souligne la professeure. Un intervenant de Spectre de rue, un organisme œuvrant auprès des personnes vulnérables, figurait parmi les participants à l’atelier et ses réflexions ont été éclairantes à ce chapitre.»

Au début de la démarche, chaque participant a partagé sa vision des lieux, raconte la professeure. «Nous avons ensuite regroupé les gens en trois groupes au sein desquels ils ont spatialisé leur vision. Pour éviter que les équipes ne se braquent sur leur projet, nous avons remanié les groupes pour les deux derniers ateliers afin que toutes les propositions soient rediscutées et remaniées au besoin.»

Priscilla Ananian et ses collègues n’ont pas pris part aux discussions, agissant uniquement à titre d’observateurs. «Les ateliers étaient animés par trois assistants de recherche, le candidat à la maîtrise en design de l’environnement Jacob Éthier, la candidate à la maîtrise en études urbaines Maude Jetté-Lalonde et l’étudiant au baccalauréat en urbanisme Samy Kaaniche.»

Une proposition en trois temps

Les résultats de cet exercice de codesign ont été présentés par les trois professeurs, le 31 octobre dernier, dans le cadre d’une conférence organisée à la Grande Bibliothèque par le Centre de recherche sur la ville, l’antenne uqamienne du Réseau Villes Régions Monde. «Les participants proposent une gradation de l’espace en trois temps, révèle Priscilla Ananian. Près du bâtiment, ils suggèrent d’aménager un espace minéralisé où l’on pourra déployer des animations culturelles et éducatives en lien avec les missions de BAnQ, et peut-être même installer la terrasse d’un café. Tout au nord, près de la rue Ontario, on envisage un havre de paix, un espace de verdure plus calme, telle une forêt urbaine. Et entre ces deux espaces, on propose un lieu de transition et de rassemblement, avec fontaine ou jets d’eau, qui pourrait aussi accueillir des œuvres d’art.»

La prochaine étape: présenter officiellement le projet aux directions de BAnQ. «Si un projet concret est mis en branle et que BAnQ engage des concepteurs, nous aimerions que notre exercice de codesign soit pris en considération ainsi que les préoccupations des acteurs du milieu, mentionne Priscilla Ananian. Bien sûr, tous les participants et tous les amis de BAnQ peuvent aussi jouer un rôle d’ambassadeurs et porter ce projet significatif pour l’ensemble du quartier.»