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Un homme de vision

Lauréat 2019 du prix Reconnaissance pour la Faculté des sciences, Luc Couillard milite pour une mobilité urbaine durable.

Par Claude Gauvreau

23 avril 2019 à 14 h 04

Mis à jour le 30 avril 2019 à 16 h 04

Série Prix Reconnaissance UQAM 2019
Sept diplômés de l’UQAM seront honorés à l’occasion de la Soirée Trajectoires 2019 pour leur cheminement exemplaire et leur engagement. Ce texte est le deuxième d’une série de sept articles présentant les lauréats.

Le diplômé Luc Couillard. Photo: Nathalie St-Pierre

En 2013, le transport était responsable au Québec de 43 % des émissions de gaz à effet de serre (GES) et de 76 % de la consommation de produits pétroliers, selon la Société de transport de Montréal (STM). La Ville de Montréal vise à réduire ses émissions de GES de 30 % par rapport au niveau de 1990. Comment atteindre cet objectif? «En misant, notamment, sur l’électrification des transports ainsi que sur la mobilité urbaine durable et intelligente», répond Luc Couillard (B.Sc. urbanisme, 1985; M.Sc. sciences de l’environnement, 1991).

Avant de se joindre à la Ville de Montréal en 2003, où il est commissaire à l’électrification des transports et aux véhicules intelligents, Luc Couillard a œuvré pendant sept ans à l’Agence métropolitaine de transport (AMT). Aujourd’hui, il est membre du conseil d’administration de Voyagez futé, un organisme qui fait la promotion des alternatives à l’automobile auprès des employeurs de la région métropolitaine, des Tables d’expertise en transports collectifs et en mobilité durable de l’Association québécoise du transport et des routes (AQTr). Il a été représentant de la Ville de Montréal à la National Association of City Transportation Officials et à Mobilité électrique Canada. Il a aussi représenté le Québec à l’Association mondiale de la route.

«Plutôt que de militer dans un groupe de pression, j’ai décidé tôt dans ma vie que je me ferais l’écho au sein d’organismes publics de tous ceux qui œuvrent en faveur de nouvelles formes de mobilité urbaine», souligne Luc Couillard.

Ce passionné de transport et d’environnement est aussi un amoureux de sport. Adepte de vélo et de ski, il est directeur technique du Tour cycliste CIBC Charles-Bruneau, directeur de course du Gran Fondo Mont-Tremblant, a été encadreur de la Grande Traversée – un relais cycliste national dont la mission était d’encourager la population et les jeunes à adopter de saines habitudes de vie –, directeur d’un club cycliste, formateur à l’Alliance des moniteurs de ski du Canada et moniteur de télémark. «Mon bénévolat sportif s’inscrit dans le prolongement de mon engagement en faveur de l’environnement, en plus de créer un équilibre dans ma vie personnelle», dit le diplômé.

De l’urbanisme à l’environnement

Au début des années 1980, Luc Couillard s’inscrit au bac en urbanisme à l’UQAM. «Comme j’ai toujours considéré la ville, en particulier Montréal, comme un laboratoire, le fait d’étudier dans une université située au cœur même de ce laboratoire ne pouvait que m’attirer», dit-il. À la fin de son bac, le diplômé est embauché pour élaborer le schéma d’aménagement de la MRC du Témiscamingue, avant d’obtenir un poste d’inspecteur en urbanisme et en environnement à Lac Nominingue. «Les enjeux environnementaux devenaient de plus en plus importants, se rappelle Luc Couillard. On ne parlait pas encore de réchauffement climatique et de GES, mais il était beaucoup question de pluies acides.»

Au cours de ses études de maîtrise en sciences de l’environnement, le diplômé développe un intérêt pour le transport, qu’il s’agisse de transport de passagers ou de marchandises. «Tous les spécialistes prédisaient que la moitié de la population vivrait en milieu urbain dans les années 2000, entraînant des impacts majeurs sur le plan du transport, de la mobilité et de la pollution.»

Luc Couillard se rappelle de deux professeurs qui l’ont marqué particulièrement: Robert Petrelli au baccalauréat en urbanisme, «un érudit proche de ses étudiants», et Pierre Dansereau à la maîtrise, le père de l’environnement au Québec, qui a donné son nom au Complexe des sciences de l’UQAM. «J’étais fasciné par la passion qui animait cet homme âgé de plus de 80 ans. Je le revois se promenant à l’extérieur des murs de l’Université avec ses étudiants, agenouillé sur le trottoir et expliquant comment la nature prenait le dessus sur la surface minéralisée. Regardez, disait-il aux étudiants, une petite plante est en train de pousser à travers les failles du béton

Après sa maîtrise, le diplômé se voit offrir un emploi à l’Agence métropolitaine de transport par la professeure associée du Département d’études urbaines et touristiques Florence Junca-Adenot, alors à la tête de l’Agence. En 2003, Luc Couillard est à l’origine du premier projet de vélos en libre-service à Montréal, qui deviendra BIXI en 2009. «Florence, qui était pour moi une mentore, a appuyé ce projet. Ensemble, nous avons cherché à sortir des sentiers battus en matière de mobilité et de transport. Depuis 20 ans, jamais je ne prends une décision sans me demander ce qu’elle en penserait.»

Électriser Montréal

Pour contribuer à la lutte contre les émissions de GES, Montréal a adopté en 2016 une stratégie d’électrification des transports, «Électrisons Montréal», qui a donné naissance l’année suivante à Jalon Montréal, l’Institut des transports électriques et intelligents. «On m’avait confié le mandat de créer Jalon Montréal pour mettre en œuvre la stratégie d’électrification, explique le diplômé. Depuis 2016, on a vu apparaître les premiers projets d’expérimentation d’autobus 100 % électriques, le déploiement de véhicules électriques par des compagnies d’auto-partage, comme Communauto, et la mise en place de 600 bornes de recharge sur les rues, une condition essentielle à l’arrivée de véhicules électriques.» Quant aux véhicules autonomes ou intelligents, leur déploiement à large échelle ne se réalisera pas à court terme, croit Luc Couillard. «Il faudra attendre 15 ans, voire davantage, avant de voir des voitures entièrement autonomes en ville, lesquelles devront composer avec la présence des piétons, des cyclistes, des trous dans la chaussée, de la neige et du verglas.»

Montréal possède tous les atouts pour être le leader nord-américain en électrification des transports et en mobilité durable, soutient le diplômé. «Les batteries des véhicules électriques nécessitent du lithium et nous en avons au Québec. Ce sont des ingénieurs d’Hydro-Québec qui ont conçu la batterie du futur et le meilleur moteur électrique. De plus, Montréal abrite des entreprises et des centres de recherche spécialisés en intelligence artificielle. Enfin, le REM sera le troisième plus grand réseau de transport automatisé au monde.»

Luc Couillard est conscient que le transport électrique et intelligent suscite des résistances de la part des grandes entreprises dans le domaine de l’automobile traditionnelle et des produits pétroliers. «Malgré ces résistances, le virage vers la mobilité durable est déjà  entrepris. Des constructeurs ont annoncé qu’ils ne fabriqueront plus de véhicules autres qu’électriques d’ici une dizaine d’années et des villes européennes ont exprimé leur volonté de ne plus autoriser la circulation de véhicules thermiques dans leurs centres-villes d’ici 2030. Au Québec, nous aurons des choix à faire, sachant que les transports collectifs sont financés, notamment, par les taxes sur l’essence.»

Autre cheval de bataille

La livraison de marchandises par camion en milieu urbain, qui s’est accrue avec l’explosion du commerce électronique, constituera le prochain cheval de bataille du diplômé. «On doit s’attaquer à ce problème qui cause de la congestion, affecte la régularité des circuits d’autobus et la sécurité routière, notamment la sécurité des cyclistes et des piétons», souligne-t-il.

À ceux qui pourraient le percevoir comme un rêveur, Luc Couillard rétorque qu’il faut regarder loin devant, voir grand, viser juste et agir rapidement. «Nous sommes condamnés à innover, affirme-t-il. Ceux qui ont conçu le premier train électrique pouvant circuler dans un tunnel souterrain en ville, c’est-à-dire le métro, ont été traités de fous. Comme disait Victor Hugo, l’utopie d’aujourd’hui est la réalité de demain.»

Soirée Trajectoires 2019

La soirée Trajectoires 2019 aura lieu le 6 juin au Centre de création des 7 Doigts de la main. En ce 50e anniversaire de l’UQAM, cette édition spéciale se tiendra sous la présidence d’honneur de Jacques Primeau (B.A. communication, 1984), producteur, agent d’artistes et président des Productions Jacques K. Primeau, lui-même lauréat d’un prix Reconnaissance en 2009. Les billets pour assister à cet événement de célébration et de réseautage sont en vente au coût de 195 $.