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Changements climatiques primitifs

Les plus anciennes parties de la croûte terrestre portent la trace du lien entre l’orbite de la Terre et le climat.

Par Pierre-Etienne Caza

8 avril 2019 à 11 h 04

Mis à jour le 8 avril 2019 à 12 h 04

Image: Getty

Les changements cycliques de l’orbite de la Terre autour du soleil ont influencé le climat il y a 2,5 milliards d’années. C’est ce qu’ont démontré pour la première fois des chercheurs de l’Université d’Utrecht, de l’Université de Genève et de l’UQAM, parmi lesquels Joshua Davies. Le professeur du Département des sciences de la Terre et de l’atmosphère est le deuxième auteur d’un article faisant état de ces résultats de recherche, paru dans Nature Geoscience.

«La forme de l’orbite de la Terre et l’inclinaison de son axe sont sujets à des fluctuations régulières sur des périodes allant de plusieurs milliers à des millions d’années, explique Joshua Davies. Ces fluctuations, appelées cycles de Milankovitch – du nom du géophysicien serbe Milutin Milankovitch –, ont un effet majeur sur la distribution de la lumière solaire à la surface de la planète, et par conséquent sur le climat.»

Alternances régulières dans la formation de fer rubané résultant des fluctuations climatiques.Photo: Margriet Lantink

Ces changements climatiques d’origine astronomique, qui ont été enregistrés dans les archives géologiques de la Terre sous la forme de successions très régulières de strates de roches, ont été étudiées par de nombreux scientifiques. Cependant, on ne sait pratiquement rien sur les changements climatiques qui remontent encore plus loin dans le temps. «Il y a des milliards d’années, les conditions sur Terre étaient très différentes de celles d’aujourd’hui: il n’y avait pas d’oxygène libre dans l’atmosphère, l’activité volcanique était plus violente et aucune végétation ou vie multicellulaire ne s’était encore développée, rappelle Joshua Davies. Néanmoins, il doit y avoir eu des fluctuations de l’orbite et de l’axe de la Terre qui ont pu affecter le climat à l’époque, et donc peut-être la biosphère primitive et la composition chimique des océans.»

Formation de fer rubanée dans une carotte de forage. Photo: Margriet Lantink

L’équipe de chercheurs a cherché à savoir si les cycles de Milankovitch sont identifiables dans des formations de fer rubanées – banded iron formations (BIF) – datant d’il y a 2,5 milliards d’années. «Les BIF sont des roches riches en fer, nettement stratifiées, qui ont été déposées au fond de l’océan à cette époque, et que l’on retrouve aujourd’hui sur les parties les plus anciennes de la croûte terrestre – celles que nous avons étudiées se trouvent en Afrique du Sud, explique le chercheur. Grâce à la datation très précise par l’uranium-plomb des BIF, nous avons pu établir que les cycles de Milankovitch avaient déjà un effet majeur sur le climat de la planète et sur le dépôt de fer dans les océans. Nous démontrons que la forme elliptique de l’orbite de la Terre s’est modifiée sur des périodes plus ou moins longues, la plus courte étant d’environ 405 000 ans, tandis que le cycle le plus long s’étend sur 1,4 à 1,6 million d’années.»

Jusqu’à présent, les scientifiques avaient expliqué le dépôt de ces formations de fer et leur stratification régulière comme étant principalement dus à une activité volcanique sous-marine accrue produisant du fer hydrothermal. «Nos résultats n’invalident pas ces hypothèses, mais ils indiquent que le climat a joué un rôle important dans la formation de ces roches. Nous suggérons que l’évolution de la photosynthèse pourrait avoir produit de l’oxygène dans les parties les moins profondes de l’océan, entraînant l’oxydation du fer dissous dans l’eau et son dépôt sur le fond océanique», explique le professeur, qui poursuit ses recherches afin de percer tous ces anciens mystères.