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Jean-François Lépine, à l’affût  du monde

Correspondant à l’étranger pendant plusieurs années, l’ancien journaliste demeure un observateur passionné de la politique internationale.

Série

L'esprit UQAM

14 mai 2019 à 11 h 05

Mis à jour le 17 mai 2019 à 10 h 05

Série L’esprit UQAM
On les reconnaît à leur audace, à leur esprit d’innovation, à leur sens de l’engagement. Ils ont «l’esprit UQAM». À l’occasion du 50e, des diplômés qui ont fait leur marque dans toutes les sphères de la société évoquent leur parcours uqamien. Cette série a été créée pour le site web UQAM: 50 ans d’audace.

À gauche, photo de la Tribune parlementaire à Québec, 1980. À droite, photo de Radio-Canada.

Le visage de Jean-François Lépine (M.A. science politique, 1981) est indissociable de Radio-Canada. C’est à la chaîne publique que ce journaliste, connu pour sa grande rigueur, a mené toute sa carrière. Encore un tout jeune homme quand il est embauché comme rédacteur-reporter à la radio, en 1971, il sera bientôt journaliste et animateur du magazine radiophonique Présent. En 1978, sa carrière à la télévision est lancée: il devient correspondant parlementaire à Québec, à une époque tumultueuse marquée par le premier référendum sur la souveraineté.

En 1983, Jean-François Lépine quitte le pays pour occuper plusieurs postes de correspondant à l’étranger: on le voit à Pékin de 1983 à 1986, à une période où la Chine commence à s’ouvrir au monde, à Paris de 1986 à 1988, puis à Jérusalem, en pleine Intifada, de 1988 à 1990. En 2014, il publie Sur la ligne de feu (Libre Expression), un livre qui raconte comment il a vu le monde évoluer sous ses yeux en 42 ans de carrière.

Jean-François Lépine a aussi animé et contribué à créer de prestigieuses émissions d’affaires publiques, dont Enjeux, Le Point, Zone libre et Une heure sur Terre. Très attaché à l’UQAM, il présidera pendant 10 ans, de 2002 à 2012, le conseil de direction de la Chaire Raoul-Dandurand en études stratégiques et diplomatiques, et, de 2011 à 2015, l’Observatoire sur le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord, dont il a participé à la création. Nommé en 2015 directeur des Représentations du Québec en Chine, il demeure, encore aujourd’hui, un observateur passionné de la scène politique internationale.

Quel type d’étudiant étiez-vous?

Je travaillais déjà à Radio-Canada quand j’ai commencé ma maîtrise à l’UQAM: j’avais un bac en science politique de l’Université Laval et je souhaitais faire des études de deuxième cycle. Au début des années 1970, il y avait beaucoup de gens comme moi à la maîtrise, qui étudiaient tout en occupant un emploi. L’UQAM était une université populaire qui acceptait toutes sortes de modalités d’entrée. On pouvait y faire une maîtrise sans passer ses journées à l’université. J’ai choisi l’UQAM en partie pour des raisons géographiques: l’Université était située tout près de Radio-Canada, ce qui me permettait d’aller à mes cours tout en poursuivant ma carrière. Si j’ai mis du temps à terminer ma maîtrise, c’est d’ailleurs parce que j’étais très pris par mon travail. J’ai eu trois directeurs et c’est le troisième, André Bernard, qui m’a forcé à finir mon mémoire. Le professeur Bernard était un analyste politique que j’interviewais souvent. J’ai toujours été un partisan de l’utilisation des universitaires dans les médias. On investit des fortunes pour former des chercheurs dans les universités. Il faut que ces gens-là soient des éléments dynamiques davantage impliqués dans la société. Très jeune, je disais à mes profs qu’il fallait qu’on les voit à la télévision. Plus tard, quand je me suis impliqué au conseil d’administration de la Chaire Raoul-Dandurand, un des grands objectifs que nous avions était de favoriser la présence des chercheurs dans les médias.

Quelle idée, quel concept, quel buzzword était à la mode dans votre domaine à l’époque de vos études?

Il faut imaginer que j’arrivais de l’Université Laval, une université plus traditionnelle, avec des grands maîtres comme Léon Dion et Gérard Bergeron, plutôt modérés politiquement, et que je suis tombé, au pavillon Read, dans un nid de marxistes! C’était des gens très brillants, qui nous ouvraient à toute une pensée politique de gauche. En science politique, à l’époque, le buzzword, comme vous dites, c’était la lutte des classes. Pour moi, c’était tout un contraste avec l’Université Laval. Mais l’UQAM elle-même était différente. Et il y avait un intérêt à faire partie de ce projet complètement nouveau: la création d’une université populaire au centre-ville de Montréal. C’était une expérience emballante.

Quel était l’endroit préféré des étudiants pour se réunir?

Nous nous retrouvions à l’Université pour les cours, mais très peu en dehors parce que nous travaillions, nous faisions tous autre chose ailleurs… Nous nous retrouvions principalement parce que nous voulions approfondir nos connaissances. Il faut dire, aussi, que l’UQAM n’était pas, à l’époque, un campus universitaire comme les autres. L’Université logeait dans plusieurs bâtiments répartis au centre-ville, comme le pavillon Read, où se concentraient les sciences sociales et qui était, en fait, un ancien édifice à bureaux.

Pouvez-vous nommer un professeur, une phrase ou un cours qui vous a marqué?

Je me souviens de Cary Hector, un professeur haïtien qui s’était opposé à Duvalier et qui était allé faire un doctorat à l’Université libre de Berlin. Il s’intéressait à la théorie de la révolution en Amérique latine, aux idées de gauche. Malheureusement, quand je l’ai interviewé plus tard à la télévision, alors qu’il était retourné en Haïti pour s’impliquer politiquement, il était devenu conseiller d’un président fantoche placé au pouvoir par un coup d’État militaire. Je lui ai dit en entrevue que je ne reconnaissais plus le professeur progressiste que j’avais eu à l’Université.

Que souhaitez-vous à l’UQAM pour ses 50 ans?

L’UQAM a atteint une maturité et doit maintenant développer encore plus la recherche de pointe, et je pense qu’elle a tout pour le faire. L’UQAM doit développer les créneaux de spécialisation qui sont les siens. Pensons, par exemple, à la Chaire Raoul-Dandurand, aux sciences, aux sciences juridiques ou aux sciences de la gestion. Maintenant qu’elle a développé un modèle unique de gestion interne axé sur la démocratie, l’UQAM doit se concentrer, au cours des 50 prochaines années, sur ses niches d’excellence. C’est ce qu’il faut faire pour se démarquer dans un monde de plus en plus compétitif.