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Fenêtre sur collection

L’exposition Salle des maquettes propose un regard inédit sur la Collection d’œuvres d’art de l’UQAM.

Par Marie-Claude Bourdon

19 mars 2019 à 17 h 03

Mis à jour le 20 mars 2019 à 10 h 03

L’exposition Salle des maquettes, présentée à la Galerie de l’UQAM, offre une rare occasion de découvrir un éventail d’œuvres choisies de la Collection d’œuvres d’art de l’Université.  Près de 50 artistes sont représentés, dont plusieurs diplômés de l’École des arts visuels et médiatiques – parmi lesquels Stéphane La Rue (B.A. arts plastiques, 1994), Julie C. Fortier (M.A. arts visuels et médiatiques, 2001) et Yann Pocreau (B.A. histoire de l’art, 2005; M.A. arts visuels et mediatiques, 2008) –, des artistes canadiens tels que Michael Snow et Edmund Alleyn ainsi que des créateurs de la scène internationale: Sophie Calle, Olafur Eliasson, Wim Delvoye et bien d’autres. C’est la conservatrice adjointe de la Galerie et responsable de la gestion de la Collection, Anne Philippon (M.A. études des arts, 2013), qui a instauré le dialogue entre les œuvres.

«Cela faisait un certain temps que les œuvres de la Collection n’avaient pas été présentées, dit la commissaire. C’était aussi une occasion de montrer des œuvres nouvellement acquises ou des pièces qui ont rarement ou même jamais été exposées à l’UQAM. L’exposition souhaite créer des rapprochements inédits et inusités, mais aussi des rapprochements naturels entre les œuvres de la Collection.»

Les principes qui guident les acquisitions de la Galerie reflètent son caractère universitaire, note Anne Philippon. Tout en étant attentif aux préoccupations artistiques les plus actuelles, on veut que la Collection joue un rôle actif dans la formation des artistes, des historiens de l’art et des muséologues. «L’exposition Salle des maquettes s’inscrit dans cette logique en mettant en lumière des œuvres récentes, mais aussi historiques», précise la commissaire.

Les œuvres choisies sont tirées à la fois de la Collection d’œuvres d’art de l’UQAM, en grande partie héritée de l’École des beaux-arts  lors de la création de l’Université, en 1969, puis enrichie au fil des années, et de la Petite collection. Assemblée depuis 2009 à la façon d’un cabinet de curiosités, cette collection comprend un ensemble d’objets multiples produits en série par des artistes de renom, plus souvent numérotés, signés et en éditions limitées.

Un cabinet de curiosités

Parmi les œuvres de la Petite collection, on retrouve, entre autres, Oops Phone Float (2018), un étonnant matelas gonflable en forme de téléphone de l’artiste américaine Cindy Sherman. L’objet a été produit en collaboration avec + POOL. Cet organisme veut construire une piscine flottante qui va filtrer les eaux de la rivière Hudson pour permettre aux New-Yorkais de se la réapproprier. La citation signature de l’artiste apparaît sur le sac de transport transparent attaché au matelas: «I’d rather be swimming».

On peut aussi voir l’éventail de papier Death after Life (1987) du duo d’artistes Gilbert & George, créé dans le cadre d’un projet visant à récolter des fonds pour les enfants vivant avec le VIH. Mona/Marcel/Marge (2014), de l’artiste féministe Martha Wilson, offre dans une vision revisitée de la Mona Lisa de Vinci un portrait de l’artiste portant la coiffe du personnage de dessins animés Marge Simpson.

Les œuvres souvent très colorées de la Petite collection sont regroupées dans une présentation qui évoque l’idée du cabinet de curiosités qui a inspiré sa création, juxtaposées sur un présentoir ou dans des blocs de plexiglass. Chacune raconte une histoire, traduisant les différentes dynamiques qui enrichissent la démarche des artistes. Instant Therapy (2006), la collection de produits pharmaceutiques fictifs fabriqués par l’artiste canadienne Dana Wyse dans son studio de Paris – des pilules pour se rappeler de ses rêves, prendre contact avec les ovnis ou effacer son passé instantanément!– empruntent à l’imagerie publicitaire des années 1960 tout en révélant les peurs et fantasmes de notre société.

Nombreuses sont les oeuvres qui font sourire, malgré le sérieux ou la gravité du sujet abordé. Ainsi, Contemporary Immaculate Conceptions (1994) présente dans un boîtier en cuir quatre éprouvettes  en forme de décorations de Noël, à la fois une allusion teintée d’humour aux bébés éprouvette (une forme contemporaine d’«immaculée conception») et une réflexion (racontée par l’artiste sur des feuillets explicatifs insérés dans la boîte) sur les difficiles histoires de procréation qui se cachent derrière.

Quelques-unes des œuvres ont déjà été présentées à la Galerie ou sont associées à une exposition qu’on a pu y voir. Ainsi, Cloaca (Stereoscopic View Master Reels) (2007) de Wim Delvoye est un véritable appareil stéréoscopique permettant de visionner en 3D les différentes versions de la célèbre «machine à caca» imaginée par l’artiste belge et présentée lors d’une exposition mémorable à la Galerie de l’UQAM en 2009, sous le titre Cloaca no 5. Sans titre (What’s the matter?) (2017), une œuvre en porcelaine de Charles-Antoine Blais Métivier (M.A. arts visuels et médiatiques, 2018) qui fait maintenant partie de la Petite Collection, avait d’abord été montrée dans la petite salle de la Galerie, dans le cadre de l’exposition Objet de recherche qu’il présentait en 2017 à titre de finissant à la maîtrise en arts visuels.

La Collection

Parmi les œuvres de la collection institutionnelle, un assemblage de Denis Rousseau (qui a été professeur à l’EAVM jusqu’en 2012) accueille le visiteur qui entre dans la Galerie. En permettant de saisir d’un coup d’œil la trajectoire de l’artiste et son processus créatif – puisque chacun des éléments qui la composent témoigne du travail de conception d’une autre de ses œuvres – Démarche (2003-2004) s’inscrit tout à fait dans la logique de l’exposition.

L’idée de Salle des maquettes est, en effet, de présenter des œuvres – esquisses, éléments en série ou petits objets – qui exemplifient le processus de création d’un ou d’une artiste, ou alors des projets plus importants qui traduisent la synthèse de son travail. Il en est ainsi de Salle des maquettes (1995), l’œuvre de Raymond Lavoie (M.A. arts plastiques, 1980) lui aussi un ancien professeur de l’EAVM jusqu’à sa retraite en 2011  qui a donné son titre à l’exposition et qui est accrochée sur l’un des grands murs de la Galerie.

«Nous avons voulu montrer des pièces qui mettent de l’avant le processus de recherche qui se trouve derrière l’œuvre d’art ou qui nous guident dans sa compréhension», explique la commissaire.

Electric Whip (2010), de Shary Boyle – une autre artiste qui a déjà fait l’objet d’une exposition solo à la Galerie – est une œuvre de porcelaine qui reprend des moulages d’œuvres précédentes. Comme dans plusieurs de ses créations, Shary Boyle transpose ici dans le domaine de l’art contemporain les techniques de la porcelaine ancienne. De l’artiste torontoise, on peut aussi voir dans une des niches pratiquées dans le mur de la galerie de délicates – et un peu effrayantes – mains de porcelaine (Untitled, 2011), un motif récurrent dans son travail.

Du côté des arts médiatiques, on retrouve, entre autres, une série d’albums, notamment de Michael Snow, de Sophie Calle et de Cranfield and Slade. Avec Souris Calle (2018), Sophie Calle propose une quarantaine de pièces d’artistes tels que Bono, Laurie Anderson, The National, Pierre Lapointe et Lou Doillon, invités à composer et interpréter une pièce rendant hommage à son chat, décédé en 2014. Dans 12 Sun Songs (2009), les artistes vancouvérois Cranfield and Slade reprennent 12 chansons populaires des années 1960 et 1970 sur le thème du soleil, telles que «Here Comes the Sun» de George Harrison et «Sunrise» de Pete Townshend, choisies de façon à suivre la courbe du soleil, de l’aurore au crépuscule.

L’exposition propose aussi une vidéo de l’impressionnante performance réalisée par Raphaëlle de Groot (M.A. arts visuels et médiatiques, 2007) lors de la Biennale de Venise de 2013 ainsi que des éléments préparatoires: une photographie tirée d’une vidéo (2007) et une tête en papier (2004) qui témoignent de ses séances de travail. Vide intérieur (2002), de Manon De Pauw (M.A. arts visuels et médiatiques, 2003), est une installation qui met en scène le processus de la création à travers une projection sur une page blanche qui flotte dans l’espace.

Parmi les autres œuvres de cette section, on remarque également l’installation vidéo réalisée par le professeur de l’École des arts visuels et médiatiques Thomas Corriveau. Film d’animation réalisé sur plusieurs années, de 1996 à 2001, Filature recouvre plusieurs des préoccupations de l’artiste: le travail de la couleur, la mise en scène des personnages, le mouvement et la perspective. Des boîtes d’archives renfermant des coupures de magazines ayant servi d’inspiration à l’artiste, ses esquisses et dessins préparatoires accompagnent l’installation.

Parmi les œuvres un peu plus anciennes, on peut aussi admirer trois dessins à l’encre d’Yves Gaucher, un artiste qui a pris part au mouvement plasticien de Montréal dans les années 1960, une oeuvre de Nancy Spero datant de 1981, et trois merveilleux petits tableaux (également à l’encre) du peintre Edmund Alleyn, datant des années 1990. 

La Collection d’œuvres d’art de l’UQAM renferme plus de 4000 objets et œuvres d’art. Avec sa centaine d’œuvres, la Salle des maquettes n’en présente qu’un petit éventail. Mais cette fenêtre ouverte par Anne Philippon constitue une occasion à ne pas manquer pour découvrir la personnalité que la Galerie de l’UQAM a voulu donner à la Collection au fil des ans.

Visite commentée et présentation

Une visite commentée de l’exposition, organisée en collaboration avec le Centre de documentation de l’École supérieure de théâtre (CEDEST), aura lieu le 26 mars, à 17 h 30, dans le cadre de la Journée mondiale du théâtre. La visite sera suivie, au Café des arts de l’UQAM, d’une projection d’extraits de spectacles du chorégraphe américain Trajal Harrell.

Des artistes faisant partie de l’exposition, Thomas Corriveau, Manon De Pauw, Raymond Lavoie et Denis Rousseau, feront une présentation de leurs œuvres le jeudi 4 avril, de 17 h 30 à 19 h.

Des visites de l’exposition, accompagnées par les médiateurs et médiatrices de la Galerie, sont par ailleurs offertes à tous les groupes scolaires et communautaires intéressés.

L’exposition est présentée jusqu’au 13 avril.

Dans la petite salle

En parallèle, une exposition consacrée au travail du finissant de la maîtrise en arts visuels et médiatiques Nans Bortuzzo est présentée dans la petite salle de la Galerie. 5Ws plonge dans les rouages du numérique pour récolter les questions posées sur la toile par plus d’un demi-million d’Américain.e.s  en 2006. What’s hot? What to feed baby rabbits? What to do about moody teenagers?, Why my family kill me? Anodines ou plus graves, ces requêtes personnelles constituent autant de traces donnant un accès direct aux pensées les plus intimes des utilisateurs et reflétant les préoccupations de toute une société.  

Nans Bortuzzo a été artiste en résidence à la Cité internationale des arts de Paris en 2013. Son travail a été présenté, entre autres, à VOX – Centre de l’image contemporaine (2018), chez Occurrence (2017), au Musée des beaux-arts de Montréal (2015) et au festival Art souterrain (2018). Depuis 2009, il participe à la création de spectacles diffusés à l’international et a mis en scène Obsolescence programmée, présenté au théâtre La Chapelle de Montréal (2014).