Série Doc en poche
Armés de leur doctorat, les diplômés de l’UQAM sont des vecteurs de changement dans leur domaine respectif.
Marie-Pier Godin
(M.A. didactique des langues, 2014; Ph.D. éducation, 2018)
Titre de sa thèse : Étude des difficultés en orthographe lexicale chez les élèves dysphasiques: une fenêtre sur les habiletés langagières et les fonctions exécutives
Directrices de recherche :
Andréanne Gagné, professeure au Département de didactique des langues
Nathalie Chapleau, professeure au Département d’éducation et formation spécialisées
Enjeu social: la réussite des élèves ayant un trouble développemental du langage
Au Québec, environ 7 % des enfants – soit 2 élèves dans une classe de 30 – vivent avec un trouble développemental du langage (TDL), autrefois appelé dysphasie. «Bien qu’il s’agisse de l’un des groupes d’élèves en difficulté les plus importants, très peu d’études ont été réalisées en milieu scolaire, souligne Marie-Pier Godin. Et puisque la formation des futurs enseignants accorde peu de place au TDL, ce handicap invisible peut passer inaperçu en classe.»
Présent à la naissance, ce trouble neurodéveloppemental se manifeste par d’importantes difficultés langagières, tant dans l’expression que dans la compréhension. «Ces difficultés constituent un grand obstacle dans la vie quotidienne, affirme la chercheuse, qui est aussi chargée de cours au Département de didactique des langues. Le trouble a des répercussions à long terme, puisqu’après l’école, il constitue un frein à la diplomation et à l’emploi.»
Dans le cadre de sa thèse, Marie-Pier Godin a suivi, durant une année scolaire, 16 élèves de classes de langage – des classes spécialisées pour élèves ayant un TDL – âgés de 7 à 9 ans. Au moyen de dictées, elle a analysé les patrons d’erreurs les plus fréquents et comparé les résultats à ceux d’élèves de 2e année en classe ordinaire. «Les erreurs produites par les enfants ayant un TDL sont similaires à celles d’enfants plus jeunes, souligne Marie-Pier Godin. Ils présentent donc un retard dans l’apprentissage, mais pas un développement atypique.»
Si certains élèves sont plus avancés que d’autres, la plupart ont de bonnes connaissances en orthographe. «On constate, par exemple, la forte présence de lettres muettes à la fin des mots», souligne celle qui effectue un postdoctorat sur ce phénomène des lettres muettes. Le respect de la structure phonologique constitue toutefois un grand défi. «L’une des erreurs les plus fréquentes est l’ajout, l’omission ou la substitution de phonèmes. Par exemple, le mot boulanger devient poulancher.»
Pour améliorer la réussite de ces élèves, Marie-Pier Godin propose d’instaurer des programmes d’intervention structurés, ciblés et intensifs, similaires à ceux proposés pour les enfants plus jeunes. «Les enseignants pensent parfois que les élèves ayant un TDL ne sont pas prêts ou que leurs difficultés sont trop importantes, mais les résultats démontrent qu’ils ont de belles forces et une belle sensibilité à l’orthographe», souligne-t-elle. Elle ajoute qu’il est important de travailler la phonologie (l’oral) et le code (l’écrit) en proximité et d’enseigner le code de façon plus rigoureuse.
La chercheuse préconise aussi une meilleure formation initiale des enseignants. «Il est essentiel de mieux connaître les besoins et les forces des enfants ayant un TDL ainsi que les impacts de leurs difficultés sur l’apprentissage de la lecture et de l’écriture. Mieux vaut agir tôt, car les difficultés risquent fort de s’aggraver si on ne les prend pas en charge rapidement.»