Plus d’une centaine de panneaux solaires ont récemment fait leur apparition sur les toits de deux immeubles du Complexe des sciences Pierre-Dansereau: celui du Cœur des sciences (CO) et celui de la Bibliothèque des sciences (KI). «Il s’agit de quatre systèmes d’énergie renouvelable que nous testerons au cours des prochaines années», révèle Philippe Lavallée, ingénieur mécanique et électrique au Service des immeubles.
Le pan de toiture du Cœur des sciences qui est orienté vers le sud-ouest (vers le pavillon de Chimie et de Biochimie) a été couvert d’environ 90 panneaux solaires photovoltaïques. «Ces panneaux “traditionnels” produisent de l’électricité, qui servira à alimenter le bâtiment», précise Philippe Lavallée. L’inclinaison de l’installation est idéale pour le rendement des panneaux, influencé par la quantité de rayons qu’ils reçoivent. «Il faut que l’inclinaison des panneaux soit égale à la latitude du lieu. Puisque Montréal est située à 45,5 degrés de latitude, et que le toit du pavillon CO est incliné à 46 degrés, les installations seront performantes tout au long de l’année», explique Jean-Pierre Desjardins (M.Sc. sciences de l’environnement, 1988), chargé de cours au Département des sciences de la Terre et de l’atmosphère et spécialiste des maisons saines et des énergies renouvelables.
Non seulement les panneaux solaires photovoltaïques fonctionnent toute l’année, mais ils fonctionnent mieux en hiver, poursuit le chargé de cours. «C’est un principe élémentaire en physique: les électrons circulent mieux par temps froid que par temps chaud. Pour un rendement maximal, rien ne vaut une belle journée d’hiver ensoleillée et froide.» Plus efficaces sur le plan du rendement en hiver, les panneaux produiront toutefois plus d’électricité sur une base journalière lors de la saison estivale en raison des plus longues périodes d’ensoleillement.
Les trois autres installations se trouvent sur l’appentis mécanique du toit du deuxième étage de la Bibliothèque des sciences, sur la partie orientée vers le sud-ouest. «Nous avons divisé l’espace disponible en trois sections pour y installer des panneaux solaires thermiques utilisant trois technologies différentes», note Philippe Lavallée. Deux de ces trois murs solaires récupèrent l’énergie thermique uniquement, tandis que le troisième combine les technologies photovoltaïque et thermique. Dans le jargon du domaine, on parle de BIPV-T.
Différents phénomènes physiques réduisent la capacité des panneaux solaires à capter toute l’énergie du soleil. Entre autres, les semi-conducteurs de silicium utilisés dans les panneaux solaires photovoltaïques pour produire de l’électricité ne sont pas pleinement efficaces sur tout le spectre solaire. Dans le cas des capteurs thermiques, ceux-ci chauffent sous le rayonnement solaire, entraînant des pertes d’énergie variables selon la température ambiante et le mode de fonctionnement du capteur.
«Environ 15 à 20 % de l’énergie solaire est transformée en électricité par un panneau photovoltaïque traditionnel, alors que 45 %, en moyenne, sera transformée en chaleur utile par un panneau thermique. La combinaison des deux technologies vise donc à maximiser l’énergie solaire récupérée», explique Jean-Pierre Desjardins.
«Il s’agit d’une nouvelle approche qui n’est pas encore utilisée commercialement à Montréal, précise Philippe Lavallée. L’Université Concordia possède une installation de recherche similaire, mais les capteurs sont différents.»
L’énergie produite par ces trois murs solaires servira à chauffer l’air du système de ventilation de la Bibliothèque des sciences lors de la saison froide.
Un geste écocitoyen
Ce projet de panneaux solaires s’inscrit dans le cadre du programme d’efficacité énergétique du Complexe des sciences, amorcé en 2012. Les travaux de modernisation des équipements de chauffage, de ventilation et de climatisation ainsi que des systèmes de contrôle ont permis, à l’échelle du campus central et du Complexe des sciences, de réaliser des économies de 1,9 million de dollars en 2016-2017.
Au cours des dernières années, Philippe Lavallée a organisé plusieurs visites dans la salle mécanique située au 8e étage du pavillon Président-Kennedy. «L’objectif était de mieux faire comprendre aux Uqamiens le fonctionnement des systèmes de chauffage, de climatisation et de ventilation du pavillon et les mesures (optimisation, modernisation, etc.) mises en place par l’Université pour réduire ses dépenses d’énergie, rappelle-t-il. Nous en avions profité pour sensibiliser les usagers à l’importance d’adopter de bonnes pratiques – éteindre leur ordinateur et les lumières lorsqu’ils quittent leur bureau, par exemple – et à la possibilité d’effectuer une requête de service en cas d’inconfort thermique.»
Plus visible que les améliorations dans les salles mécaniques, le projet de panneaux solaires n’aura pas les mêmes retombées économiques, note l’ingénieur. En effet, il est plus coûteux d’installer un système à l’énergie solaire sur un bâtiment existant que de l’intégrer à un bâtiment neuf, et la rentabilité s’en ressent. «Ce projet, l’UQAM accepte de le mettre en place à titre d’institution écocitoyenne exemplaire, car c’est dans la mission universitaire de poser des gestes concrets pour faire avancer la recherche en matière de développement durable», mentionne Philippe Lavallée.
Une croissance spectaculaire
Selon un rapport récent de l’Agence internationale de l’énergie, la capacité de puissance générée par les énergies renouvelables augmentera de 50 % d’ici 2024. La moitié de cette croissance sera attribuable aux installations d’unités solaires photovoltaïques sur les édifices commerciaux, les bâtiments industriels et les maisons. Au fil des développements technologiques, les coûts associés à ce type d’installations diminuent, incitant de plus en plus de gens à les adopter. On estime que d’ici cinq ans, le nombre d’unités solaires installées sur le toit des maisons aura doublé, atteignant 100 millions à travers le monde, principalement en Australie, en Belgique, en Californie, aux Pays-Bas et en Autriche.
Des données pour tous
À la demande de Philippe Lavallée, la classe de la professeure Cécile Bulle, du Département de stratégie, responsabilité sociale et environnementale de l’ESG UQAM, cotitulaire de la Chaire internationale sur le cycle de vie (ICV), a réalisé une étude sur l’empreinte carbone du projet. «Bien que les panneaux de l’un des murs thermiques proviennent de l’Ontario, les panneaux photovoltaïques sont assemblés à partir de pièces fabriquées en Chine», note Philippe Lavallée. À ce jour, les panneaux photovoltaïques ne constituent donc pas une solution avantageuse pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. Mais, selon l’ingénieur, il est important de faire avancer les connaissances sur les systèmes d’énergie renouvelable. «Un projet comme celui-là met en lumière nos initiatives de récupération de chaleur et contribue à attirer l’attention de la communauté universitaire et du grand public sur les enjeux en matière d’efficacité énergétique des bâtiments», insiste-t-il.
Philippe Lavallée espère que les nouveaux aménagements solaires et les instruments de mesure qui les accompagnent – différents capteurs de température, de rayonnement et d’énergie – serviront à la communauté. «Toutes les données récoltées seront accessibles, confirme Jean-Pierre Desjardins. On pourra s’en servir pour un projet de recherche au certificat en ressources énergétiques durables, au certificat en sciences de l’environnement ou à la maîtrise en sciences de l’environnement. Pour ma part, j’utiliserai les données pour en faire une étude de cas.»