Parmi les différentes orientations sexuelles, on connaît l’homosexualité et la bisexualité mais assez peu l’asexualité. La date du 26 avril marque la Journée francophone de l’asexualité (en 2020, la date changera pour le 13 mai). Lancée en 2013 par l’Association française pour la visibilité asexuelle (AVA), cette journée est l’occasion de mieux faire connaître l’asexualité comme orientation sexuelle.
L’asexualité ne relève pas d’une pathologie médicale, comme le trouble de dysfonctionnement sexuel ou de la libido, mais se caractérise plutôt par l’absence d’attirance sexuelle. «Une personne asexuelle n’a pas la volonté ou le besoin d’avoir un rapport sexuel avec une autre personne», précise l’étudiante au doctorat en sexologie Léa Serra Vandekerckhove, qui s’intéresse à la communauté et aux différentes identités asexuelles dans le cadre de ses recherches.
Lors de la Semaine de la diversité sexuelle et de genre qui s’est déroulée à l’UQAM en janvier dernier, Léa Serra Vandekerckhove a donné une conférence, en collaboration avec sa collègue de la maîtrise en sexologie Jessica Bény, dans le but de présenter la diversité des identités asexuelles. La chercheuse effectue ses travaux sous la supervision de la professeure et directrice de la Chaire de recherche sur l’homophobie Line Chamberland.
«Les personnes asexuelles ne sont pas toutes rebutées par le sexe et ne pratiquent pas nécessairement l’abstinence sexuelle, précise la doctorante. Même si elles n’éprouvent pas d’attirance sexuelle, certaines personnes ont du plaisir à se masturber, par exemple, alors que d’autres ne partagent pas du tout ce plaisir. D’autres disent ressentir du désir sexuel à certains moments précis de leurs vies ou de leurs relations. D’autres encore ont des rapports sexuels pour l’aspect sentimental.»
Romantiques ou non
Les personnes asexuelles peuvent s’identifier comme romantiques ou non. «Les premières sont romantiquement attirées par des gens de sexe opposé ou du même sexe. Elles forment des couples qui ne sont pas basés sur la sexualité. On peut rencontrer ainsi des asexuels “biromantiques”, attirés autant par les hommes que les femmes, ou “homoromantiques”», explique la doctorante. Les “aromantiques”, pour leur part, ne sont pas en couple, mais aiment avoir des relations amicales.
Il existe une panoplie d’autres appellations pour définir l’attitude des personnes par rapport à la sexualité: le “lithromantique” est attiré par l’amour à sens unique, le demi-sexuel ressent parfois de l’attirance sexuelle, le “sexpositif”, est à l’aise avec la sexualité alors que le “sexnégatif” n’est pas à l’aise d’en discuter. «On utilise cette terminologie pour s’identifier dans les communautés en ligne, notamment», constate la chercheuse.
Un site rassembleur
Bien que l’asexualité demeure méconnue, la création du forum web Asexual Visibility and Education Network (AVEN), fondé en 2001 par l’activiste asexuel américain David Jay, a permis à un grand nombre de personnes de se reconnaître et de sortir de l’ombre. «C’était le seul média à l’époque qui parlait d’asexualité», précise Léa Serra Vandekerckhove. Le forum se veut un espace de discussion pour la communauté asexuelle, «où il est possible d’obtenir des conseils pour mieux gérer sa relation si on est une personne asexuelle en couple avec une personne sexuelle», illustre l’étudiante. Traduit en plusieurs langues, le site offre de l’aide, de l’information et du soutien en ligne pour les membres et les internautes en questionnement. La Communauté asexuelle de Montréal organise des rencontres mensuelles.
L’orientation sexuelle n’est pas fixe pour la vie. «Il est possible de changer d’orientation sexuelle au cours d’une vie», croit Léa Serra Vandekerckhove. Selon le site AVA, 1% de la population serait asexuelle, «mais cette statistique est basée sur une seule étude menée en Angleterre», nuance la doctorante.
Au cours de ses recherches préliminaires, Léa Serra Vandekerckhove a constaté qu’un plus grand nombre de femmes s’identifient comme asexuelles. «En tant que sociologue de formation, je me demande s’il n’est pas plus facile pour elles de s’identifier comme asexuelles, les femmes étant traditionnellement perçues comme étant moins enclines à aimer le sexe. Et qu’en est-il alors des hommes asexuels? Se perçoivent-ils comme des hommes moins virils parce qu’ils ne sont pas sexuels? Comment se construisent les identités féminine ou masculine en lien avec l’orientation asexuelle?»
Faire la découverte de son asexualité est une expérience positive pour de nombreux membres de la communauté. «Les personnes asexuelles ont souvent un long parcours médical et vivent une réelle souffrance avant de trouver des réponses à leur questionnement», observe Léa Serra Vandekerckhove. Pour plusieurs femmes, se reconnaître en tant qu’asexuelles leur permet de se libérer des affres de la séduction dans une société qui accorde beaucoup d’importance à la sexualité.
Il est peut-être plus facile pour les membres des nouvelles générations de faire leur coming out en tant que personnes asexuelles, suggère la chercheuse. «Quand on voit des gens autour de soi qui assument différentes orientations sexuelles ou asexuelles, cela devient plus acceptable socialement», suppose Léa Serra Vandekerckhove.