Voir plus
Voir moins

Prix du Québec Léon-Gérin

Yves Gingras reçoit la plus haute distinction accordée à un chercheur en sciences humaines et sociales.

20 novembre 2018 à 11 h 11

Mis à jour le 7 juin 2022 à 10 h 39

L’historien et sociologue de sciences Yves Gingras

D’aussi loin qu’il se souvienne, le professeur du Département d’histoire Yves Gingras a toujours été fasciné par la science. Adolescent, il aimait construire des fusées avec ses compagnons de classe. Des livres de science-fiction qu’il lisait tout jeune, il est ensuite passé aux ouvrages de vulgarisation scientifique. Celui qui enseigne à l’UQAM depuis 1986 et qui est reconnu comme un pionnier de l’histoire et de la sociologie des sciences au Québec vient de recevoir le prix Léon-Gérin 2018, la plus haute distinction accordée à un chercheur en sciences humaines et sociales par le gouvernement du Québec.

Le besoin d’exposer les faits de manière claire et précise a toujours caractérisé le travail du titulaire de la Chaire de recherche du canada en histoire et sociologie des sciences. «Ce qui rend une recherche crédible et utile socialement, dit-il, c’est la robustesse et la rigueur des analyses fondées sur des données empiriques.»

Après l’obtention d’une maîtrise en physique à l’Université Laval, Yves Gingras complète, en 1984, un doctorat en histoire et sociopolitique des sciences à l’Université de Montréal.  De 1984 à 1986, il est chercheur postdoctoral à la prestigieuse Université Harvard. En 2000, il effectue un autre séjour aux États-Unis, au Dibner Institute for the History of Science and Technology du Massachusetts Institute of Technology (MIT), en tant que Dibner Fellow.

Le professeur sera régulièrement invité à enseigner dans des universités au Canada anglais et en France, notamment à l’Université de Toronto, au Conseil national de la recherche scientifique (CNRS), à l’École des hautes études en sciences sociales, à l’Université Louis-Pasteur et à Toulouse-Le Mirail et à l’Université de Provence (Aix-Marseille 1).

Une riche production intellectuelle

La production intellectuelle d’Yves Gingras est considérable: plus de 300 publications, plus de 200 articles et chapitres d’ouvrages scientifiques, 250 participations à des colloques scientifiques et plus de 470 conférences grand public et interventions dans divers médias. Il a dirigé une quarantaine d’étudiants à la maîtrise et au doctorat, a obtenu autant de subventions de recherche et a participé à plusieurs comités éditoriaux de revues savantes.

En plus d’avoir contribué, en 1987, à Histoire des sciences au Québec, de la Nouvelle-France à nos jours, le chercheur publie, en 1991, Les origines de la recherche scientifique au Canada. Il est aussi l’auteur, entre autres, d’une Sociologie des sciences (2013) et d’une Histoire des sciences (2018), ouvrages parus dans la célèbre collection Que sais-je? des Presses universitaires de France. Yves Gingras signe, en 2014, Les dérives de l’évaluation de la recherche. Du bon usage de la bibliométrie (Éditions Raisons d’agir), ouvrage traduit en plusieurs langues, dont l’anglais, le portugais, le russe et le chinois. En 2016, il fait paraître L’impossible dialogue. Sciences et religions (Boréal). Dans cet essai, Yves Gingras appelle à prendre le parti de la raison face à la montée de mouvements religieux et spirituels qui rejettent les acquis des recherches scientifiques les mieux établies.

En 1997, le chercheur participe à la création de l’Observatoire des sciences et des technologies (OST), dont il est le directeur scientifique. Rattaché au Centre interuniversitaire de recherche sur la science et la technologie (CIRST), l’OST est le seul groupe au Canada dédié à la mesure bibliométrique de la science, de la technologie et de l’innovation.

En alliant science, histoire et sociologie – des domaines habituellement séparés –, Yves Gingras a contribué à transformer la façon de voir les sciences en les abordant sous plusieurs angles à la fois.

Prix et distinctions

Plusieurs prix ont souligné l’excellence du travail du professeur. En 1988, l’Institut d’histoire d’Amérique française lui décerne le prix Michel-Brunet pour l’ouvrage sur l’histoire des sciences au Québec qu’il a coécrit avec Luc Chartrand et Raymond Duchesne. La British Society for the History of Science lui remet, en 2001, le Ivan Slade Prize pour son essai The Social and Epistemological Consequences of the Mathematization of Physics. En 2005, Yves Gingras reçoit le prix Gérard-Parizeau, qui rend hommage aux sommités des domaines de l’histoire, de l’économie et de la gestion,. Puis, en 2007, l’Association francophone pour le savoir (ACFAS) lui décerne le prix Jacques-Rousseau, octroyé à un scientifique dont les réalisations ont largement dépassé son domaine de spécialisation et qui a établi des ponts novateurs entre différentes disciplines.

En 2017, le professeur est nommé fellow de l’American Association for the Advancement of Science pour ses contributions remarquables aux domaines de l’histoire, de la sociologie des sciences et de la bibliométrie.

En plus d’être un chercheur prolifique, Yves Gingras est aussi un communicateur hors pair. Depuis 1997, il tient une chronique à l’émission de radio Les années lumière, diffusée sur les ondes de Radio-Canada. Il intervient également comme commentateur lors d’émissions télévisées et agit parfois comme conseiller scientifique auprès de maisons d’éditions et de maisons de production.

Tout au long de sa carrière, le professeur a mené une réflexion historique, sociologique et critique sur le développement des sciences et sur ses impacts sociaux. Son souhait est que les chercheurs en sciences sociales se perçoivent moins comme des moralistes et davantage «comme des éthologues qui étudient les divers aspects des sociétés humaines comme on étudie les fourmis». Selon Yves Gingras, c’est ce regard distancié qui rend possible une juste compréhension des choses.