Plusieurs chercheurs de l’UQAM ont collaboré au dernier numéro du magazine français Diplomatie, consacré à la géopolitique du commerce. Intitulé «Vers une guerre commerciale mondiale?», ce numéro – actuellement disponible en kiosque à Montréal – a été piloté par la professeure du Département de science politique Michèle Rioux, directrice du Centre d’études sur l’intégration et la mondialisation (CÉIM).
Créé en 2002, Diplomatie est un magazine financièrement et politiquement indépendant, destiné à un large public francophone et dont la ligne éditoriale allie rigueur d’analyse, ouverture d’esprit et impartialité face aux grandes problématiques internationales.
«Les manuels d’histoire présentent souvent le commerce comme un facteur de paix parce qu’il permet de créer des liens d’interdépendance entre les pays, observe Michele Rioux. Pourtant, il est arrivé plus d’une fois dans l’Histoire récente que des enjeux économiques et commerciaux soient à l’origine de guerres ou de conflits à l’échelle internationale.» Au lendemain de la Première Guerre mondiale, dans son ouvrage Les conséquences économiques de la paix, le célèbre économiste britannique John Maynard Keynes analysait les relations entre guerre et économie et mettait l’accent sur les solidarités des économies nationales européennes. «Keynes critiquait l’imposition par la communauté internationale de conditions extrêmement sévères à l’Allemagne, lesquelles ont créé des problèmes internes insolubles qui devaient se répercuter sur la paix mondiale, rappelle la professeure. L’Histoire lui a donné raison.»
Unilatéralisme et bilatéralisme
Dans un article de Diplomatie, le professeur du Département de science politique Christian Deblock observe que, depuis l’accession de Donald Trump à la présidence des États-Unis, le débat entre accords commerciaux régionaux et système commercial multilatéral a brutalement pris un tour nouveau. «Il n’est plus question de complémentarité ni de cohérence. L’unilatéralisme et le bilatéralisme sous leur face la plus sombre ont resurgi, rappelant les jours les plus noirs de l’histoire du commerce mondial», écrit-il
«Cela ne signifie pas que l’on se dirige inévitablement vers une guerre commerciale, note Michèle Rioux. On a vécu une situation semblable dans les années 1980, marquée par l’unilatéralisme américain, ce qui n’a pas empêche la signature de l’ALÉNA et des négociations ayant conduit à la création, en 1995, de l’Organisation mondiale du commerce (OMC).»
Montée des multinationales
La chercheuse a cosigné deux articles dans le magazine, l’un portant sur les grandes ruptures dans l’histoire moderne du commerce mondial et l’autre sur la montée en puissance des multinationales. «Pensons aux grandes entreprises du monde numérique et de l’informatique, dont les projets contribuent à structurer l’économie mondiale et les routes du commerce, électronique notamment, dit Michèle Rioux. La Société Alphabet, par exemple, qui détient Google, est un acteur majeur et est appelée à définir, avec d’autres, les contours futurs de l’intelligence artificielle. Tout le monde se fait concurrence pour s’insérer dans le jeu de la mondialisation, que personne ne contrôle.»
Certains chercheurs sont d’avis que l’OMC doit retrouver son rôle dans la régulation des relations économiques et commerciales. «L’OMC peine à livrer la marchandise dans un contexte où il est difficile d’établir des consensus entre plusieurs pays, remarque la professeure. C’est pourquoi les accords régionaux et bilatéraux se sont multipliés. Le défi est de faire en sorte que l’OMC puise assurer une cohérence au niveau international. Mais sa structure institutionnelle l’empêche de réagir rapidement. Peut-être faudra-t-il envisager de créer des formes de régulation parallèles à l’OMC pour affronter les puissances économiques privées.»