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Expert en gestion des risques

Jean Savard a joué un rôle déterminant auprès des citoyens de Lac-Mégantic après la tragédie.

Par Jean-François Ducharme

31 août 2018 à 15 h 08

Mis à jour le 3 juin 2022 à 9 h 11

Jean Savard.Photo: Ministère de la Sécurité publique

Issu du milieu financier, Jean Savard (DESS gestion des risques majeurs, 2010) a été recruté par le ministère de la Sécurité publique pour administrer un programme d’aide financière à des sinistrés en Beauce et en Estrie au début des années 2000. Il a tout de suite eu la piqûre pour ce domaine où l’on a un impact direct sur les citoyens.

Afin de parfaire ses connaissances, le gestionnaire s’est inscrit au DESS en gestion des risques majeurs, un programme multidisciplinaire unique au Québec qui lui a procuré une vision globale de la gestion des risques et des mesures d’urgence. Depuis, il n’a cessé de gravir les échelons au sein du ministère de la Sécurité publique.

Tour à tour gestionnaire du Service de la planification, de 2009 à 2012, puis du Centre d’opérations gouvernementales (COG), de 2012 à 2017, Jean Savard a été nommé directeur des opérations à la Direction générale de la sécurité civile et de la sécurité incendie en janvier dernier. Il supervise le COG ainsi que les 10 sections régionales sur l’ensemble du territoire québécois. Son rôle: coordonner l’ensemble des ressources gouvernementales pour soutenir les communautés touchées par des aléas naturels ou anthropiques.

Quelle est la plus grande qualité pour être heureux dans votre domaine?

Il faut aimer travailler durant de longues heures. Les déraillements de train, inondations et mouvements de sols surviennent rarement durant les heures ouvrables! Il faut aussi aimer le contact humain et avoir suffisamment d’empathie pour se mettre à la place des sinistrés et les aider à trouver des solutions.

Votre plus grande réussite?

Lors de la tragédie de Lac-Mégantic, le 6 juillet 2013, j’assurais l’intérim du directeur des opérations durant ses vacances. Le train a déraillé à 1 h 15 le matin et, quelques minutes plus tard, j’entrais au bureau pour mettre en place la structure de sécurité civile. Tous les jours, durant un mois, j’ai travaillé de 15 h à 20 h par jour. Au même moment, nous devions aussi gérer des feux de forêt d’ampleur historique dans le Nord du Québec et sur la Côte-Nord. Tout cela alors que ma conjointe était enceinte de huit mois – elle a accouché le 5 août! Malgré l’ampleur du défi, nous avons été en mesure d’apporter un soutien adéquat aux citoyens touchés par cette terrible catastrophe.

Je suis également fier d’avoir mis sur pied un programme d’aide financière pour des citoyens situés dans des zones à risque d’avalanche dans la région de la Basse-Côte-Nord et d’avoir contribué à la certification de plusieurs centres d’urgence 911.

Un faux pas qui vous a servi de leçon?

Au début de ma carrière, j’avais tendance, lors de réunions avec des partenaires, à vouloir avoir réponse à tout. Je m’aventurais donc sur des sujets que je ne maîtrisais pas. Si j’avais écouté les partenaires au lieu de vouloir meubler le silence à tout prix, je me serais rendu compte qu’ils avaient déjà probablement des pistes de solution au problème évoqué…

Un bon coup d’un compétiteur que vous auriez aimé faire?

Ce n’est pas un compétiteur, mais l’un de nos directeurs régionaux a récemment eu l’idée de mettre en place un sous-comité visant le rétablissement complet des populations touchées. Au-delà du rétablissement financier, ce sous-comité travaille sur plusieurs facettes: soutien psychologique, santé, environnement, soutien aux travailleurs. L’initiative est porteuse et nous songeons à la déployer sur l’ensemble de la province.

La dernière tendance dans votre secteur?

L’autonomie régionale. Nous voulons accroître le support direct aux communautés dans les différentes régions du Québec. Trois nouvelles directions régionales – en Outaouais, en Gaspésie et sur la Côte-Nord – ont d’ailleurs été implantées en 2018.

Et ce qui est définitivement dépassé?

Penser que les citoyens vont contacter les différentes ressources gouvernementales de leur propre initiative. En 2018, nous devons être proactifs et rapprocher les services des communautés.

Sur la scène nationale ou internationale, qui est l’influenceur de l’heure?

La Fondation Rockefeller, basée à New York, a mis sur pied le programme 100 villes résilientes (100 RC), qui aide les villes à travers le monde à surmonter les défis physiques, sociaux et économiques du 21e siècle. Ces défis incluent, entre autres, les inondations, incendies et tremblements de terre. Montréal a adhéré au réseau 100RC en 2016.

Au Québec, Michel C. Doré, professeur invité au Département de géographie, est un influenceur important. Il est très impliqué dans les ressources auxiliaires qui appuient le gouvernement en gestion des risques.

Nommez une étoile montante qui vous inspire

De plus en plus de jeunes apportent de nouvelles idées et de nouvelles façons de faire, par exemple conjuguer les nouvelles technologies avec les besoins en gestion des risques. Leur dynamisme apporte un nouveau souffle au domaine. Je pense, entre autres, à Carolyne Larouche, directrice de la sécurité civile de la Ville de Québec et présidente de l’Association de sécurité civile du Québec (ASCQ).

Quel est le livre qu’il faut lire en ce moment?

Le Plan d’action relatif aux inondations, commandé par le ministre de la Sécurité publique Martin Coiteux, s’appuie sur les bonnes pratiques à mettre en œuvre. Avec ce plan, tous les acteurs ont les informations nécessaires pour aller dans le même sens. Sur un plan personnel, le livre La sixième extinction : comment l’homme détruit la vie, d’Elizabeth Kolbert (Guy Saint-Jean Éditeur), m’a fait prendre conscience de l’impact de l’être humain sur la planète.

Les deux principaux conseils que vous donneriez à un jeune qui commence sa carrière?

Il est important de faire ses classes, de se donner le temps d’apprendre, d’être attentif aux gens d’expérience. On ne peut devenir patron en sortant de l’école. On doit aussi développer son écoute. Quand on devient à l’aise avec les silences, on s’aperçoit que nos interlocuteurs ont souvent la solution à nos problèmes.