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Mobilisatrice de talents

Lynn Jeanniot, lauréate 2018 du prix Reconnaissance pour l’École des sciences de la gestion, a mené une brillante carrière dans le milieu financier.

Par Pierre-Etienne Caza

22 mai 2018 à 10 h 05

Mis à jour le 7 juin 2022 à 10 h 40

Série Prix Reconnaissance UQAM 2018
Sept diplômés de l’UQAM seront honorés à l’occasion de la Soirée Reconnaissance 2018 pour leur cheminement exemplaire et leur engagement. Ce texte est le cinquième d’une série de sept articles présentant les lauréats.

Lynn Jeanniot
Photo: Nathalie St-Pierre

L’expression «gravir les échelons» s’applique parfaitement au parcours de Lynn Jeanniot (M.B.A., 1993). La lauréate 2018 du prix Reconnaissance pour l’École des sciences de la gestion, première vice-présidente à la direction – Ressources humaines et Affaires corporatives à la Banque Nationale du Canada, a débuté sa carrière comme caissière à la Banque Scotia en 1981.

Le contexte économique était difficile à l’époque, se rappelle Lynn Jeanniot. «Je venais de compléter un bac en relations industrielles à l’Université de Montréal et j’y avais rencontré des représentants de la Banque Scotia dans le cadre d’une foire d’emploi. Je souhaitais travailler en ressources humaines, mais on m’a plutôt conseillé de travailler d’abord dans le réseau des succursales, question d’apprivoiser le milieu.»

La jeune femme passe rapidement de caissière à directrice adjointe d’une succursale et vit son premier choc de gestionnaire. «J’avais 21 ans et je croyais naïvement que des gens payés pour faire un travail produisaient tous au même rythme, raconte-t-elle avec amusement. Je me suis aperçue assez vite que certains performent mieux que d’autres et que la mobilisation constitue l’enjeu essentiel dans toute organisation.»

Lorsqu’elle accède à son premier poste de conseillère en ressources humaines, son expérience en succursale lui permet de cerner rapidement les problèmes soulevés par les employés. «Le travail en succursale fut pour moi une très bonne école», juge-t-elle avec le recul.

Un milieu de formation

En 1989, Lynn Jeanniot accepte un poste à l’Institut des banquiers canadiens, un organisme de formation subventionné par les banques à charte. «À l’époque, peu de banquiers possédaient un diplôme universitaire, explique-t-elle. L’institut a été fondé pour établir des partenariats avec les universités et créer des programmes de formation spécialisés, dont le MBA en services financiers de l’ESG UQAM.» Prêchant par l’exemple, elle s’inscrit en 1992 au MBA pour cadres afin d’acquérir de meilleures bases en finance. «J’ai choisi le programme de l’ESG UQAM, car il était avant-gardiste et plus ouvert aux nouvelles réalités du marché du travail», se rappelle la diplômée.

Lynn Jeanniot avait également un préjugé favorable envers l’UQAM, puisque son père, Pierre J. Jeanniot, a été président du Conseil d’administration de l’Université pendant de nombreuses années (la salle où se réunissent les membres du Conseil porte son nom), président-fondateur de la Fondation de l’UQAM, de 1979 à 1991, et premier chancelier de l’UQAM (1995-2008). «Disons que l’UQAM fait partie de mon ADN», dit-elle en riant.

Un peu moins de 10 ans après son entrée à l’Institut des banquiers canadiens, Lynn Jeanniot en devient la directrice et s’établit à Toronto, centre névralgique de la haute finance au Canada.

Passage à la Banque Nationale

Elle revient à Montréal en 2002 lorsqu’elle accepte un poste à la Banque Nationale du Canada. «Trois banques m’avaient approchée, raconte la gestionnaire. J’ai choisi la Banque Nationale parce que j’appréciais sa culture entrepreneuriale et que l’on m’y offrait un poste près de la haute direction.»

À titre de vice-présidente, marketing et affaires publiques, Lynn Jeanniot travaille étroitement avec le président de l’époque, Réal Raymond (M.B.A., 1986). «Quand on dirige les relations publiques d’une entreprise, il faut avoir quelques atomes crochus avec le président, et c’était mon cas, dit-elle. J’avais accepté le poste, car j’aimais la philosophie de gestion et l’accessibilité de M. Raymond». Incidemment, Réal Raymond fut le successeur de Pierre J. Jeanniot au poste de chancelier de l’UQAM.

La gestionnaire accède, trois ans plus tard, au poste de vice-présidente, ressources humaines, puis à celui de première vice-présidente à la direction, ressources humaines et affaires corporatives, en 2008. «Le plus grand défi en ressources humaines dans une entreprise comme la Banque Nationale du Canada, qui compte près de 21 000 employés, est de maintenir un haut niveau de mobilisation des gens en période de grands changements», insiste-t-elle.

Les bouleversements technologiques, les modifications réglementaires et les nouvelles attentes des clients à l’ère du numérique font du secteur bancaire un milieu de travail où le maître mot est l’adaptation. «Généralement, les gens ont peur du changement, alors il faut travailler pour les amener à actualiser leurs connaissances et à s’adapter, note Lynn Jeanniot. Une main d’œuvre mobilisée a davantage le goût de se dépasser, de demeurer dans l’entreprise et d’en faire la promotion.»

Le recrutement est une part essentielle du travail de la gestionnaire. «Il faut savoir dénicher les bons talents, puis les développer et les retenir, et ce, tant à l’interne qu’à l’externe, dit-elle. Je crois beaucoup à la promotion interne, qui a un effet mobilisateur. En ce sens, mon rôle est d’amener les gestionnaires de la Banque à identifier le potentiel de leurs employés et de les aider à trouver le poste qui leur convient.»

Le plafond de verre

En 2013, Lynn Jeanniot a été intronisée au Panthéon du Women’s Executive Network après avoir été lauréate pour une quatrième année consécutive du Prix des 100 femmes les plus influentes du Canada, catégorie Cadres d’entreprise. «Il y a de plus en plus de femmes dans des postes de gestionnaires, mais la parité est loin d’être atteinte, observe-t-elle. Je constate dans plusieurs secteurs un réel désir d’aider les femmes à se développer professionnellement, mais nous avons encore tous des préjugés inconscients que nous devons d’abord reconnaître avant de pouvoir modifier nos perceptions.»

La spécialiste en ressources humaines ne croit pas aux quotas pour imposer la parité hommes-femmes. «Il faut plutôt identifier les bons talents féminins et militer pour la diversité, qui apporte plus de mobilisation, d’innovation et de performance dans une équipe.»

Une retraite méritée

Au fil de sa carrière, Lynn Jeanniot s’est investie dans plusieurs organismes, dont la Fondation Dr Clown, qui œuvre auprès des enfants hospitalisés et des aînés isolés, ainsi que la Fondation de l’UQAM – elle est membre du Conseil d’administration et du comité de pilotage de la campagne majeure de financement.

La diplômée quittera la Banque Nationale en juin prochain pour une retraite bien méritée. «Je n’ai jamais pris plus de deux semaines de vacances depuis le début de ma carrière, note-t-elle. J’ai hâte de passer plus de temps avec ma famille et mes amis.»

Il ne serait pas surprenant de la voir siéger à d’autres conseils d’administration dans un avenir rapproché, mais, en gestionnaire consciencieuse, elle ne veut pas s’éparpiller. «Pour contribuer efficacement à un conseil d’administration, il faut s’investir et faire ses devoirs avant les réunions», souligne-t-elle.

Lynn Jeanniot se dit flattée de recevoir ce prix Reconnaissance, qui vient s’ajouter au prix Performance que lui avait décerné l’ESG UQAM en 1999. «Dès que j’ai appris la nouvelle, je l’ai transmise à mon père… qui était bien fier!», conclut-elle.

L’UQAM remettra ses prix Reconnaissance lors d’une soirée qui aura lieu le 14 juin prochain au nouvel Édifice Wilder, au cœur du Quartier des spectacles.