Il y avait de la fébrilité dans l’air lors de la dernière séance du cours Créer et manager en mode startup, le 13 décembre dernier à l’UQAM. Après un trimestre à développer leurs projets d’entreprise, les huit équipes composées de trois à cinq étudiants devaient les présenter à leurs pairs, devant un jury constitué de deux professionnelles œuvrant au sein d’organismes d’accompagnement ou de financement en entrepreneuriat: Myriane Baril, conseillère aux entreprises à la Fondation Montréal inc., et Aurore Olszanowski, directrice principale, acquisition, à la Banque de développement du Canada.
Chaque équipe bénéficiait de huit minutes pour présenter son projet et de cinq minutes pour répondre aux questions du jury. «Il s’agit d’une présentation de type “investisseur”, avec 10 éléments de contenu à aborder: une mise en contexte, le problème, la solution, le marché, le modèle d’affaires, la compétition, la commercialisation, l’équipe entrepreneuriale, les projections et les besoins pour le développement de l’entreprise», précise la doctorante Julie Delisle (M.G.P., 2012), qui donnait le cours, offert au certificat en dynamiques entrepreneuriales, à titre de chargée de cours au Département de management et technologie de l’ESG UQAM.
Les membres du jury évaluaient les projets par rapport à leur potentiel de réussite, à la validation du marché, au modèle d’affaires et à la qualité de la présentation. La nature du projet et la difficulté à développer un prototype fonctionnel ont également été prises en compte. «Certaines équipes ont eu des surprises lors de l’étape de la validation du marché, comme c’est souvent le cas en entrepreneuriat, raconte Julie Delisle. Parfois, on s’aperçoit que les clients potentiels n’ont aucun intérêt envers le produit qu’on leur propose, qu’ils ont plutôt besoin d’une autre solution. Il faut alors se retrousser les manches et métamorphoser son projet.»
La chargée de cours a vécu de près la création d’une jeune pousse il y a quelques années. Avec des collègues étudiants de l’ESG UQAM, elle a participé au développement et à la commercialisation de beeye, un outil qui favorise la gestion des activités, des ressources humaines et des finances des petites et moyennes entreprises. Elle en est toujours actionnaire.
PowerBank, Wasabe, Smoothie Bar…
Les premiers à briser la glace sont les membres du projet PowerBank, un dispositif qu’on fixe à un vélo et qui emmagasine l’énergie cinétique pour un usage ultérieur, comme la recharge d’un téléphone cellulaire ou le fonctionnement d’une lampe. «Nous visons d’abord le marché européen, où le vélo est omniprésent, pour ensuite développer des partenariats avec des organismes comme World Bicycle Relief, qui œuvre, entre autres, en Afrique», souligne l’un des étudiants.
Les premières questions des membres du jury portent sur les projections financières du projet. C’est l’occasion pour Julie Delisle de rappeler que le cours ne visait pas tant à détailler avec précision un plan d’affaires et des projections financières, mais bien à valider l’adéquation entre un produit et un marché.
L’équipe Wasabe présente ensuite sa plateforme web visant à faciliter l’accès des entreprises à des instructeurs de yoga. «Les bénéfices du yoga sur la santé mentale et physique ont été maintes fois démontrés et plusieurs entreprises veulent offrir des cours à leurs employés, sur les lieux de travail, mais elles ne savent pas où chercher. Notre plateforme leur offre un accès direct à des instructeurs certifiés», explique Jeanne Dubé, elle-même instructrice de yoga et ambassadrice de Wasabe, qu’elle a fondée avec trois partenaires (les étudiants avaient la possibilité de travailler sur un projet déjà en développement).
Les cinq étudiantes derrière le projet Smoothie Bar proposent, pour leur part, d’offrir des jus frais aux membres de la communauté universitaire. «Nous avons constaté qu’il y avait peu de produits santé dans les machines distributrices sur le campus et nous souhaitons y remédier», souligne l’une des étudiantes. «Avez-vous pensé à la logistique qu’implique la distribution d’un produit frais sans agent de conservation?», demande Myriane Baril après leur présentation. «Nous avons rencontré le propriétaire d’un restaurant sur le campus qui nous donnerait accès à sa cuisine pour la fabrication de nos smoothies», répond avec aplomb l’étudiante.
La poudre de grillon est à la mode et l’équipe derrière le projet GRLLN compte bien en profiter. «Nous proposons de concocter une gamme d’aliments pour bébé cuisinés à partir de farine de grillons pour répondre aux préoccupations environnementales des parents milléniaux», explique l’un des étudiants. «N’oubliez pas que mettre des recettes au point pour en arriver à proposer une nouvelle gamme de produits alimentaires, c’est très long, prévient Myriane Baril. Et vous devrez investir massivement dans l’emballage dans lequel vous proposerez vos produits.»
Les quatre étudiants suivants présentent le projet Fitness FYBY (pour «for you, by you»). «Nous voulions proposer une application de mise en forme personnalisée aux jeunes dans la vingtaine, mais en effectuant notre étude de marché dans les centres d’entraînement, nous avons constaté qu’ils n’étaient pas intéressés! En revanche, les clients de la tranche des 30 à 60 ans ont signifié leur intérêt», souligne Gabriel Legault. «C’est un peu comme un Tinder de l’entraînement, poursuit son collègue Tommy Delorme. L’utilisateur n’a qu’à choisir les exercices que l’application lui propose en fonction de ses besoins et il se compose ainsi une routine d’entraînement qu’il peut bonifier en tout temps.» Quelle est l’avantage de l’application par rapport aux applications concurrentes?, demande Aurore Olszanowski. «Nous ne bombarderons pas les utilisateurs avec des publicités et l’application proposera toujours de nouveaux exercices selon le profil de chacun, ce qui favorisera la motivation», répond Gabriel Legault.
C’est en travaillant dans le monde de la rénovation pendant quelques années que Quentin Vuarnet a observé avec effarement le nombre de planches de bois qui allaient au rebut. «J’ai eu l’idée de créer du mobilier à partir de ce bois recyclé», explique l’étudiant, qui compte lancer son entreprise, baptisée SecondKut. Il espère pourvoir proposer au départ 5 ou 6 modèles de bibliothèques, cadres et bancs, avant d’offrir un site transactionnel qui permettra de créer virtuellement son propre meuble et de le commander.
Si la poudre de grillon est à la mode, le jeu vidéo est littéralement en pleine explosion. «La plateforme Twitch attire des millions de joueurs et de spectateurs qui regardent des parties de différents jeux, en temps réel ou en différé, observe l’un des membres du projet Stream3. Il y a toutefois très peu de contenu québécois et nous souhaitons créer une chaîne pour pallier ce manque de visibilité.»
Les quatre étudiantes derrière le projet Fertilizer ont l’ambition de créer une plateforme pour mettre en relation les designers émergents et les consommateurs de mode de luxe écoresponsable. «Nous avons demandé à Marie-Ève Aubry (B.A. gestion et design de la mode, 2018) de créer une collection écoresponsable pour une clientèle de 18 à 35 ans», explique Rose Katembo. Le projet Fertilizer a été retenu dans le cadre de l’édition 2019 du concours Mon entreprise du Centre d’entrepreneuriat de l’ESG UQAM. «Notre objectif est de mettre sur pied une plateforme éditoriale pour nous positionner dans l’univers de la mode haut de gamme écoresponsable, puis une plateforme de commerce électronique qui proposera, pour débuter, les créations de cinq stylistes, précise l’étudiante. Nous aimerions lancer notre marque à l’été 2019.»
Et les gagnants sont…
Avant de dévoiler les trois projets les mieux ficelés, les membres du jury ont tenu à souligner la qualité des présentations. «Je suis fière de vous tous, a renchéri Julie Delisle. Rappelez-vous: l’important n’est pas de remporter le concours, mais d’apprendre sans cesse pour faire évoluer vos idées. Des concours, il y en aura d’autres et il ne faut jamais hésiter à y participer, car ce sont souvent d’excellents tremplins, et toujours de bonnes occasions de réseautage.»
La classe a voté pour son projet coup de cœur et c’est SecondKut qui a été choisi. Ce projet a aussi obtenu la troisième place selon le jury, GRLLN étant sélectionné en deuxième place.
C’est l’application Fitness FYBY qui a remporté les grands honneurs. «Votre présentation était complète, vous avez une bonne compréhension de votre clientèle cible et votre modèle d’affaires est bien défini», a souligné Myriane Baril à propos du projet gagnant. «Même si un produit bénéficie du meilleur plan marketing, il ne connaîtra pas de succès s’il ne répond pas à un besoin. Or, vous avez su cerner le besoin exact de votre clientèle et vous avez élaboré votre modèle d’affaires avec précision en réponse à ce besoin. Votre application recèle un très bon potentiel», a ajouté Aurore Olszanowski. «Merci pour vos commentaires. C’est un beau cadeau de Noël pour finir le trimestre!», s’est exclamé Patrice Jean, de l’équipe gagnante.