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«En classe!»: activité physique et santé

Antony Karelis porte un regard scientifique sur l’importance d’intégrer de saines habitudes de vie.

Série

En classe!

Par Jean-François Ducharme

26 février 2018 à 15 h 02

Mis à jour le 2 juin 2022 à 21 h 31

L’amphithéâtre du pavillon Hubert-Aquin est plein à craquer. Plus de 150 étudiants assistent au cours «Activité physique, alimentation et santé», qui porte un regard scientifique sur l’importance d’intégrer de saines habitudes de vie à son quotidien. Dans la classe se trouvent des étudiants de tous les domaines – en gestion, en communication, en arts, en science politique –, ainsi que des étudiants libres. Les seuls qui ne sont pas admis sont les étudiants au baccalauréat d’intervention en activité physique. «Ce serait redondant pour eux, puisque les concepts vus dans ce cours sont enseignés dans d’autres cours de leur programme», précise Antony Karelis, professeur au Département des sciences de l’activité physique.

La séance d’aujourd’hui porte sur une panoplie de sujets: les dangers du sédentarisme, la motivation à l’entraînement, l’exercice à jeun, le surentraînement, l’entraînement par intervalles… Un programme musclé! Prêts? Partez!

Rester debout

«Combien de pas avez-vous fait aujourd’hui?», demande le professeur à son auditoire. Aucune des 150 personnes présentes dans l’amphithéâtre ne répond. «Pour le savoir, vous pourriez vous équiper d’un podomètre, un appareil peu coûteux que l’on accroche à sa ceinture ou que l’on laisse dans sa poche.» Cet objet en apparence anodin a un grand impact sur la motivation. Une étude a démontré que les gens qui achètent un podomètre font en moyenne 2500 pas de plus par jour qu’avant leur achat. «C’est énorme si l’on considère que la différence entre une personne sédentaire et une personne active est de 5000 pas par jour», dit le professeur.

«Trois heures debout entraîne une dépense énergétique moyenne de 350 calories, ce qui équivaut à courir sur un tapis roulant à très haute intensité durant 30 minutes.»

Antony Karelis,

Professeur au Département des sciences de l’activité physique

Quand il est impossible de marcher – à l’école ou au bureau, par exemple – rester debout demeure une excellente option. «Trois heures debout entraîne une dépense énergétique moyenne de 350 calories, ce qui équivaut à courir sur un tapis roulant à très haute intensité durant 30 minutes», mentionne Antony Karelis.

À l’inverse, rester assis trop longtemps comporte des risques énormes pour la santé. Les travailleurs qui restent assis la majeure partie de la journée – les chauffeurs de camion, par exemple – ont deux fois plus de chances de développer des maladies cardiovasculaires que ceux qui occupent un emploi debout. Une étude menée auprès d’un million de participants sur une vingtaine d’années a révélé que la sédentarité était mortelle: une personne qui reste assise plus de huit heures par jour, sans faire d’activité physique, voit son risque de mortalité précoce augmenter de 70 % par rapport à celle qui reste assise moins de quatre heures et qui fait au moins 50 minutes d’activité physique! «Pour contrer les effets néfastes de la position assise prolongée, il faut faire au moins une heure d’activité physique par jour», précise le chercheur.

Piano-escaliers et vélos-pupitres

Des initiatives incitant les gens à bouger ont vu le jour ces dernières années, notamment dans les transports en commun. À Moscou, on peut obtenir un billet de métro gratuit si l’on fait 30 squats – plier les jambes en position accroupie et se relever – en moins de deux minutes. À Stockholm, des pianos-escaliers font entendre des notes de musique à mesure que l’on monte les marches. Le taux d’achalandage des escaliers a augmenté de 66 % dans cette station de métro. «Une activité amusante peut effectivement amener les gens à changer leur comportement», dit le professeur.

Au travail, y compris à l’UQAM, des postes de travail qui permettent de travailler parfois assis, parfois debout ont commencé à apparaître. Au Département des sciences de l’activité physique, il y a même une salle de classe équipée de tables qui s’ajustent pour assister au cours debout. De même, des écoles sont maintenant équipées de vélos-pupitres: les élèves peuvent apprendre tout en pédalant. «Est-ce que ces vélos-pupitres permettent de mieux se concentrer?», demande Sarah-Julie Haché, étudiante au baccalauréat en communication marketing. «Ça peut aider les élèves turbulents à canaliser leur énergie, mais c’est plus difficile de garder sa concentration longtemps, mentionne Antony Karelis. Rester debout est amplement suffisant pour contrer les méfaits de la position assise prolongée.» Pour briser les périodes de sédentarité, on recommande de se lever et de bouger au minimum toutes les 30 minutes.

Obstacles à l’entraînement

Une première pause permet aux étudiants de se dégourdir les jambes. «Avec ce que l’on vient de voir sur les risques de la sédentarité, j’espère que vous étiez tous debout durant la pause!», blague Antony Karelis.

«Les gens qui font de l’activité physique en groupe ou sous la supervision d’une autre personne – un entraîneur ou un ami – s’entraînent deux fois plus souvent que ceux qui vont au gym seuls.»

La deuxième partie de la séance aborde l’entraînement physique… ou plutôt l’absence d’entraînement. En effet, même si les bienfaits de l’activité physique sont amplement démontrés, nombreux sont ceux qui ne font jamais d’activité physique ou qui arrêtent d’en faire au bout d’un moment. Le manque de temps, la baisse de la motivation, l’environnement social, la douleur et la peur de se blesser sont des arguments régulièrement évoqués. «Les gens qui font de l’activité physique en groupe ou sous la supervision d’une autre personne – un entraîneur ou un ami – s’entraînent deux fois plus souvent que ceux qui vont au gym seuls, dit le professeur. C’est pourquoi les cours de groupe comme le zumba ou le BodyPump sont si populaires. L’intensité des entraînements augmente aussi lorsque l’on est supervisé.»

Si les gains les plus rapides s’observent dans les trois premiers mois suivant le début de l’entraînement, il ne faut surtout pas prendre ces gains pour acquis. «Le corps humain doit être constamment stimulé, dit Antony Karelis. Après une semaine d’inactivité, on commence déjà à observer un déclin.» Mauvaise nouvelle pour les gens qui ont de bonnes résolutions en janvier et qui les perdent en février: une étude a démontré qu’arrêter l’entraînement durant trois mois annulait tous les gains réalisés durant les trois mois précédents. «Dans certains cas, on observait même une détérioration par rapport à l’état initial, notamment au niveau de la force musculaire.»

Exercice à jeun

Pour perdre du poids, le professeur suggère de s’entraîner en matinée avant de déjeuner. «Nos réserves de glycogènes – la forme sous laquelle les glucides sont stockés dans l’organisme – étant moins importantes le matin, le corps va puiser l’énergie dans les acides gras». À l’inverse, les gens qui souhaitent augmenter leur masse musculaire devraient s’entraîner en soirée, lorsque leurs réserves de glycogènes sont au maximum.

Si l’on suit ce raisonnement, devrait-on s’entraîner à jeun pour perdre davantage de masse grasse? Antony Karelis affirme que oui! Des personnes obèses – avec un tour de taille de 96 cm et un pourcentage de gras de 45 % – ont combiné un entraînement physique de 30 minutes par jour à une diète particulière: manger seulement 450 calories une journée sur deux, sans restriction pour l’autre journée. En 12 semaines, elles ont perdu 5 kilogrammes de masse grasse et 8 cm de tour de taille. Ces gains étaient deux fois plus rapides que ceux d’autres personnes obèses de la même étude qui ne suivaient que la diète, et cinq fois plus rapides que ceux des participants qui ne faisaient que de l’activité physique. «À court terme, l’entraînement à jeun ne présente pas d’effets néfastes sur la santé», rassure le professeur.

Surentraînement

Après une activité physique intense, il est important de permettre à son corps de récupérer. «Le surentraînement peut entraîner plusieurs complications: blessures, fatigue, même des infections», soutient Antony Karelis, qui ajoute que l’on ne devrait pas faire d’activité physique au lendemain d’un marathon, par exemple. Frédéric Mouton, étudiant au baccalauréat en administration, émet une réserve.  «Je participe depuis quelques années au Grand défi Pierre Lavoie – un marathon cycliste de 1000 kilomètres en 60 heures, du Saguenay-Lac-Saint-Jean à Montréal, dit l’étudiant. Si je ne fais rien le lendemain, un lundi, je suis complètement crispé le mardi.»

«Évidemment, certaines personnes récupèrent mieux que d’autres, concède le professeur. Ce que je veux dire, c’est que l’on ne peut pas s’entraîner à intensité maximale tous les jours.» Pourtant, certains le font – l’ultra-triathlète français Ludovic Chorgnon a d’ailleurs complété 41 triathlons sur distance ironman en 41 jours consécutifs en 2015. «Ces personnes ont toute mon admiration, mais l’entraînement extrême n’est vraiment pas recommandé», dit Antony Karelis.

Entraînement par intervalles

La dernière partie du cours est consacrée à la consommation maximale d’oxygène, mieux connue sous le nom de VO2 max. «C’est un excellent indicateur de performance et de santé cardiovasculaire», souligne le professeur. Lors d’un effort physique maximal, une personne qui a un VO2 max élevé parviendra à tirer davantage d’oxygène de son sang vers ses muscles. Les cyclistes du Tour de France ou les athlètes olympiques en ski de fond peuvent absorber deux fois plus de millilitres d’oxygène par minute qu’un adulte moyen.

«Un entraînement par intervalles de 10 à 20 minutes, soit de 6 à 8 répétitions, est suffisant pour augmenter son VO2 max et retirer des bénéfices pour sa santé cardiovasculaire.»

Comment peut-on améliorer son VO2 max? «L’entraînement par intervalles est beaucoup plus efficace que l’entraînement continu», soutient Antony Karelis. Pour ce faire, on effectuera un effort soutenu de 30 à 60 secondes à très haute intensité, suivi d’une période de récupération de 60 à 120 secondes. «Un entraînement par intervalles de 10 à 20 minutes, soit de 6 à 8 répétitions, est suffisant pour augmenter son VO2 max et retirer des bénéfices pour sa santé cardiovasculaire», mentionne le professeur.

L’entraînement par intervalles n’est pas réservé aux athlètes d’élite. En Norvège, un centre pour patients cardiaques a soumis ses patients à ce type d’exercice. En plus de 46 000 heures d’activité à haute intensité, aucun patient n’est décédé. «Les chances de faire un arrêt cardiaque sont plus grandes si l’on ne fait pas d’activité physique», observe Antony Karelis. La seule exception? Pelleter de la neige. Lors des bordées de 40 centimètres et plus, on observe, en effet, une hausse du nombre d’arrêts cardiaques. «Soulever une charge lourde en étant penché vers l’avant met beaucoup de pression sur le thorax et sur la veine qui transporte le sang au cœur. Il faut donc pelleter avec prudence.»

En terminant, Antony Karelis mentionne que l’entraînement par intervalles est aussi un excellent moyen de perdre de la masse grasse autour de l’abdomen, une affirmation qui produit aussitôt beaucoup d’enthousiasme dans la classe. «Vous voulez en savoir plus? Je vous expliquerai cela au prochain cours», lance-t-il pour garder le suspense.