Série L’actualité vue par nos experts
Des professeurs et chercheurs de l’UQAM se prononcent sur des enjeux de l’actualité québécoise, canadienne ou internationale.
Le député de Borduas Simon Jolin-Barrette, avocat et porte-parole de la CAQ en matière de justice, a déposé, le 11 mai dernier, un projet de loi (P.L. 697) visant à assouplir les prescriptions de la Loi sur le Barreau et de la Loi sur le notariat, afin de permettre aux étudiants inscrits dans les facultés de droit de donner des consultations et des avis juridiques dans le cadre des activités de cliniques juridiques universitaires.
«L’avis et la consultation juridiques sont des actes exclusifs réservés aux avocats (et aux notaires), tout comme le fait de plaider et de préparer des procédures», explique la professeure du Département des sciences juridiques Lucie Lamarche. Les étudiants en droit qui travaillent dans les cliniques juridiques universitaires peuvent actuellement donner gratuitement de l’information juridique sous la supervision de chargés de cours et de professeurs en droit ou de membres bénévoles du Barreau. «Ces étudiant œuvrent dans des conditions difficiles, puisqu’il n’est pas toujours évident de faire la différence entre donner de l’information ou une opinion et offrir un avis ou une consultation juridiques», poursuit la professeure, une spécialiste du droit social qui a formé et encadré de nombreux étudiants dans le cadre de la clinique juridique de l’UQAM. Cet organisme sans but lucratif est géré par des étudiants bénévoles du Département des sciences juridiques.
Les cliniques juridiques universitaires développent chez les étudiants le sens de la citoyenneté professionnelle et leur permettent d’apprendre leur métier sur le terrain au moyen d’études de cas, relève Lucie Lamarche. «L’idée derrière les cliniques juridiques, tant universitaires que communautaires, c’est d’offrir un service de qualité aux personnes défavorisées. La plupart des usagers qui consultent ces cliniques le font pour des problèmes matrimoniaux, familiaux, de consommation ou d’accès au logement, des problèmes du quotidien qui peuvent se régler hors cour, à peu de frais et sans complication. C’est un service essentiel à la population et les cliniques s’inscrivent dans un continuum de services juridiques.»
Accréditer les cliniques juridiques universitaires
La professeure dit être optimiste quant aux chances de voir le projet de loi être adopté prochainement, puisque les consultations et les négociations devraient reprendre cet automne entre le Barreau du Québec, les facultés de droit et la ministre de la Justice Stéphanie Vallée, en vue de déterminer les termes de l’accréditation des cliniques juridiques universitaires, lesquelles pourront élargir leurs activités. «Les facultés de droits et leurs doyens sont favorables au projet, souligne Lucie Lamarche. Tout le monde reconnaît qu’il y a un problème d’accès à la justice et que les cliniques juridiques universitaires contribuent à combler ce manque. Il faut voir ce que le Barreau en pense et, quelles seront, s’il y a entente entre les parties, les conditions opératoires pour que ces pratiques en clinique, toujours sous la supervision étroite de professionnels, soit une exception légale à ce que prévoit la Loi sur le Barreau.» De telles ententes entre le Barreau canadien et les facultés de droits existent déjà en Ontario. «Dans les facultés de droit ontariennes, les cliniques juridiques ont des autorisations spéciales du Barreau afin que les étudiants puissent faire de la consultation juridique, et même parfois de la représentation en cour. Le système judiciaire reconnaît leur légitimité, davantage qu’au Québec», fait remarquer la professeure.
Par quels moyens pourrait-on accréditer les cliniques juridiques universitaires? Il pourrait s’agir d’un protocole d’entente entre les facultés de droit et le Barreau, ou encore d’un amendement à la Loi sur le Barreau, précise Lucie Lamarche. «Ce serait l’idéal, mais ce n’est pas la seule manière de cheminer dans le dossier.» L’accréditation permettrait aux cliniques juridiques universitaires de mieux encadrer et superviser les étudiants et de sortir de l’incertitude. «Il serait ainsi possible de créer un volet itinérant à la clinique ou d’offrir des services en ligne à la population rurale qui a encore moins accès à la justice que la population urbaine», illustre la professeure.