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Lutte aux pesticides

Louise Hénault-Éthier se bat pour faire passer la science avant les lobbys de l’industrie.

Série

Doc en poche

Par Marie-Claude Bourdon

25 avril 2017 à 16 h 04

Mis à jour le 9 septembre 2020 à 9 h 09

Série Doc en poche
Armés de leur doctorat, les diplômés de l’UQAM sont des vecteurs de changement dans leur domaine respectif.

Louise Hénault-Éthier (Ph.D. sciences de l’environnement, 2016)

Titre de sa thèse: Usage des bandes riveraines composées d’herbacées ou de saules arbustifs pour limiter les flux agro-chimiques des grandes cultures vers les cours d’eau et produire de la biomasse dans la plaine agricole du Saint-Laurent.

Directeur: Marc Lucotte, professeur au Département des sciences de la Terre et de l’atmosphère

Codirecteur: Michel Labrecque, professeur à l’Institut de recherche en biologie végétale de l’Université de Montréal

Enjeu social: le pesticide le plus utilisé au monde

«J’ai travaillé sur le potentiel des bandes riveraines végétalisées à filtrer la pollution de source agricole et, plus spécifiquement, j’ai étudié le glyphosate, qui est l’ingrédient actif de l’herbicide le plus vendu au Québec et dans le monde, le Round-Up de la multinationale Monsanto, explique Louise Hénault-Éthier. En soi, cette substance constitue un enjeu de société gigantesque.»

Typiquement, les agences de réglementation classent le glyphosate parmi les pesticides les moins toxiques, les moins persistants dans l’environnement, ceux qui ont le moins de chance d’être lessivés vers les cours  d’eau et, éventuellement, de contaminer l’environnement et l’eau potable, dit la diplômée. «En réalité, on le retrouve dans toutes nos sources d’eau, il est persistant et peut-être plus toxique que ce qui est reconnu.»

Il existe une controverse autour de la toxicité de ce produit, affirme la chercheuse. Il y aurait eu des irrégularités dans les études de toxicité menées pour le compte des industriels qui le mettent en marché et les agences réglementaires qui l’ont homologué seraient soumises à des influences indues.

«C’est un sujet chaud qui fait beaucoup parler en ce moment, dit Louise Hénault-Éthier. Le 18 avril dernier, un jugement a d’ailleurs été rendu par un tribunal citoyen de La Haye, aux Pays-Bas, contre Monsanto.»  Ce tribunal, qui réunissait des juges professionnels, n’a pas de reconnaissance officielle, mais ses travaux pourraient faire progresser le droit de l’environnement. La commercialisation de produits toxiques, incluant le glyphosate, était au cœur des charges retenues contre Monsanto.

Quant aux bandes riveraines, sont-elles efficaces pour protéger les cours d’eau de la contamination par le glyphosate? «Malheureusement non», dit Louise Hénault-Éthier. Un article faisant état des résultats de sa thèse a été accepté pour publication par la revue Science of the Total Environment et paraîtra sous peu.

Ce qu’il faut changer

Tout de suite après l’obtention de son doctorat, en 2016, Louise Hénault-Éthier a obtenu un poste de chef des projets scientifiques au bureau de Montréal de la Fondation David Suzuki. Un emploi taillé sur mesure pour elle. «Je peux à la fois continuer à produire de la science originale, en m’occupant, entre autres, de créer des liens entre des réseaux de chercheurs, et faire de la vulgarisation scientifique à l’intention des décideurs et du grand public», explique la lauréate 2014 de la finale uqamienne du concours Ma thèse en 180 secondes, qui avait terminé deuxième au concours national.

Si elle pouvait changer une seule chose, «ce serait que les décisions gouvernementales se basent sur la science indépendante et non sur la science soumise aux intérêts des industriels». À l’heure actuelle, ce sont les entreprises intéressées par la mise en marché d’un produit qui procèdent aux tests de toxicité et qui préparent les dossiers soumis au gouvernement pour son homologation. «Selon le principe du pollueur payeur, c’est bien, dit Louise Hénault-Éthier. Mais le fait que ces évaluations soient conduites par des industriels laisse poindre des conflits d’intérêts. Que ceux-ci soient avérés ou potentiels, pourrait-on faire en sorte que les décisions gouvernementales concernant des pesticides toxiques pour l’humain et l’environnement soient prises à l’abri de l’influence des lobbys industriels?»