De Ville-Marie à Montréal
Il aura fallu un peu plus d’un siècle pour que le petit établissement de Ville-Marie devienne la ville de Montréal. Dans L’émergence de Montréal dans le système urbain nord-américain, 1642-1776, le professeur émérite du Département d’études urbaines et touristiques Luc-Normand Tellier soulève plusieurs questions. Pourquoi le Saint-Laurent ne s’est-il pas imposé comme l’axe principal de diffusion de l’urbanisation sur le continent? Pourquoi l’axe naturel New York-Albany-Montréal n’a-t-il pas été exploité? Pourquoi la cour de Versailles, contrairement à celle de Londres, a-t-elle failli à ses responsabilités face au peuplement de ses colonies nord-américaines? «Le moment est peut-être venu d’écrire une autre histoire de la naissance de Montréal, une histoire qui ne cherche pas à créer des héros […] ni à présenter comme des décideurs de premier ordre ceux qui mirent les pieds à Ville-Marie en reléguant dans l’ombre ceux qui, sans jamais avoir quitté la France, ont conçu, appuyé, financé, organisé et défendu auprès de la Cour et des bienfaiteurs privés le projet montréaliste», écrit l’auteur, qui s’intéresse aux caractéristiques géographiques qui ont présidé à l’essor de Montréal, de même qu’à ses relations avec les autres villes du Nord-Est américain de l’époque. Publié chez Septentrion.
Journal intime: un vrai genre littéraire?
«Fondamentalement, les journaux intimes répondent au besoin de s’exprimer, de s’aménager un espace d’écriture où le scripteur puisse évoluer en toute liberté», écrit la chercheuse Manon Auger (Ph.D. études littéraires, 2012) dans un ouvrage intitulé Les journaux intimes et personnels au Québec. Poétique d’un genre littéraire incertain. Malgré l’intérêt marqué pour les textes autobiographiques, le journal intime continue de faire piètre figure au sein des pratiques littéraires reconnues. Les théoriciens considèrent le journal intime comme un fourre-tout, un genre sans forme ni enjeux textuels valables et dépourvu de réel intérêt littéraire. En réponse à ce discours réducteur, l’auteure fait la démonstration que le journal intime est un genre littéraire à part entière, en proposant d’en montrer la poétique, tout en dressant un portrait fouillé des journaux intimes publiés au Québec sur presque trois siècles. Professionnelle de recherche au Centre de recherche interuniversitaire sur la littérature et la culture québécoises (CRILCQ), Manon Auger fait découvrir certaines œuvres autobiographiques, dont le Journal d’Auguste Viatte, un intellectuel d’origine française venu s’installer au Québec durant la Deuxième Guerre mondiale. Publié aux Presses de l’Université de Montréal (collection Nouvelles études québécoises).
Eaux troubles en Asie du Sud-Est
La mer de Chine méridionale est bordée par 10 États: la République populaire de Chine (Chine), Taïwan (République de Chine), les Philippines, l’Indonésie, le Brunei, la Malaisie, Singapour, la Thaïlande, le Cambodge et le Vietnam. À l’exception de Singapour, de la Thaïlande et du Cambodge, les sept autres États revendiquent une partie ou la totalité de cet espace maritime. Au cours des dernières années, les différends se sont multipliés pour des raisons économiques (exploitation des ressources, circulation du trafic maritime), politiques (affirmation de la puissance) et militaires (sécurisation des voies maritimes, liberté de passage). Qu’en dit le droit international? Quels sont les desseins de la Chine? Ces enjeux sont décortiqués par les experts réunis dans Géopolitique de la mer de Chine méridionale: eaux troubles en Asie du Sud-Est, sous la direction d’Éric Mottet, professeur au Département de géographie, de Frédéric Lasserre, professeur à l’Université Laval, et de Barthélémy Courmont, membre externe de la Chaire Raoul-Dandurand en études stratégiques et diplomatiques. L’ouvrage cherche à montrer dans quelle mesure les conflits actuels (certains durent depuis des décennies et même des siècles dans certains cas) s’articulent autour de paradigmes aux contours encore mal définis. Publié aux Presses de l’Université du Québec.
Les défis du pluralisme
«Ce qui caractérise la complexité à l’œuvre dans les démocraties libérales du 21e siècle est la reconnaissance formelle de la diversité qui les compose et des enjeux que celle-ci génère», écrit le doctorant en science politique Félix Mathieu dans son ouvrage Les défis du pluralisme à l’ère des sociétés complexes. Animé par un désir de clarifier sur le plan conceptuel des outils permettant d’interpréter le langage complexe du multiculturalisme, de l’interculturalisme, du nationalisme et du fédéralisme, l’auteur propose une analyse théorique, empirique et normative des débats portant sur l’aménagement de la diversité. Adoptant une posture critique, il cherche à repenser les fondements du fédéralisme canadien, de sorte que le Canada soit véritablement ouvert à la diversité tant ethnoculturelle que nationale. La première partie de son ouvrage est consacrée aux théories et aux trajectoires du multiculturalisme, notamment à travers les expériences canadienne, néerlandaise et britannique. La seconde partie tente de répondre à une série de questions. Le modèle du pluralisme prévalant au Canada est-il hospitalier envers les différentes nations qui y évoluent? Quelles sont les conditions qui permettraient à ces diverses communautés nationales de s’émanciper pleinement? Le modèle interculturel québécois peut-il cohabiter avec le multiculturalisme canadien? Paru aux Presses de l’Université du Québec.
Identité professionnelle et enseignement artistique
Les professeures et spécialistes en éducation artistique Hélène Duval, du Département de danse, Denyse Blondin, du Département de musique, Hélène Bonin, de l’Université Laval, et Mariette Théberge, de l’Université d’Ottawa, s’intéressent à la construction identitaire, à la double formation (artistique et pédagogique) et au développement professionnel de leurs collègues. Dans l’ouvrage Identité(s) d’enseignants des arts: arts plastiques, danse, musique, art dramatique, les auteures souhaitent aider les enseignants et les futurs enseignants à trouver des outils pour réfléchir et agir sur le développement de leur propre identité professionnelle. «Le développement de compétences, tant artistiques que pédagogiques, s’actualise dans les programmes de formation à l’enseignement grâce aux formations disciplinaire, artistique, didactique, psychopédagogique et pratique assorties à la pratique réflexive, écrivent les auteures. Par conséquent, il se profile un praticien nouveau, incité à une pratique nouvelle depuis 2000, ce qui ne peut que le mener à la construction d’une identité professionnelle différente de celle du praticien passé.» Plusieurs parcours d’enseignants en musique, en arts plastiques, en théâtre ou en danse sont mis en valeur afin de mieux comprendre les motivations, les pratiques et l’engagement de ces praticiens. En conclusion, les auteures présentent une série de recommandations pour les jeunes enseignants et des moyens pour se ressourcer. Publié aux Presses de l’Université Laval.
Enjeux de pouvoir
Même si les intervenants en travail social sont généralement incités à faire appel à leur sens de l’initiative et à exercer leur créativité, les rapports de pouvoir ne sont pas absents des institutions pour lesquelles ils travaillent. Ces intervenants ont par ailleurs été appelés, au cours des dernières décennies, à participer – sur une base en apparence volontaire, mais en réalité contrainte – à une organisation du travail calquée sur le modèle de productivité de l’entreprise privée et imposée par les gestionnaires. Refuser de participer, c’est s’exposer à des représailles, même quand cette organisation du travail fondée sur la performance et les cibles chiffrées a des conséquences néfastes sur la prestation des services. Pour mieux saisir cette dynamique organisationnelle, le professeur Michel Parazelli et la chargée de cours Isabelle Ruelland, tous deux de l’École de travail social, proposent un détour théorique et historique sur la notion d’autorité dans Autorité et gestion de l’intervention sociale. Entre servitude et actepouvoir. Les deux auteurs, membres du Collectif Désisyphe d’intervention suggèrent en fin d’ouvrage une approche d’intervention à visée démocratique inspirée de la sociopsychanalyse Gérard Mendel, afin de faire face à l’autorité autrement que par le seul affrontement ou par la passivité. Publié aux Presses de l’Université du Québec.