Au Québec, le taux de décrocheurs qui quittent l’école avant l’obtention de leur diplôme d’études secondaires peut s’élever à 52 %, voire à 59 %, dans certains quartiers défavorisés, révélait une étude du Réseau réussite Montréal, en 2012. Dans une autre étude, publiée en 2008 et intitulée En route pour l’école!, la Direction de la santé publique de Montréal constatait que 35 % des enfants montréalais étaient vulnérables au moment de leur entrée à l’école et risquaient, à divers égards, d’éprouver des difficultés dans leur cheminement scolaire.
Afin de favoriser la persévérance et la réussite scolaires, l’UQAM et sa Faculté des sciences de l’éducation, en collaboration avec d’autres facultés, ont convenu avec la Commission scolaire de Montréal (CSDM) et la direction de l’école Champlain d’adopter cette école primaire, située dans le quartier défavorisé Centre-sud de Montréal, à proximité de l’Université. «Cette initiative s’inscrit dans un projet plus large, baptisé “Adoptez une école”, qui vise à rapprocher des écoles de la CSDM, des universités et des cégeps, explique Monique Brodeur, doyenne de la Faculté des sciences de l’éducation. Elle est née dans le cadre de l’événement Je vois Montréal, tenu à l’automne 2014, où quelque 200 projets d’action structurante, portés par des leaders de divers milieux, avaient été soumis afin de relancer la métropole en vue de son 375e anniversaire, en 2017.»
Le projet consiste à soutenir les efforts de l’école Champlain dans le développement des habiletés sociales des enfants et de leurs compétences en lecture, en écriture et en mathématiques. Il cible plus particulièrement les classes de maternelle 4 et 5 ans et celles de 1re et 2e années. «Il faut intervenir tôt, dit Monique Brodeur. Dès l’âge de 7 ans, les difficultés en lecture et les comportements problématiques – agressivité, hyperactivité et inattention – sont les deux plus grands indicateurs de décrochage scolaire.»
De toutes les commissions scolaires au Québec, la CSDM est celle qui regroupe le plus grand nombre d’écoles situées en milieu défavorisé. L’école Champlain, par exemple, affiche depuis plusieurs années l’indice de défavorisation le plus élevé sur une échelle de 10. «Plusieurs études l’ont démontré: les enfants de milieux défavorisés qui arrivent à la maternelle accusent un retard par rapport à ceux provenant de milieux plus aisés, notamment sur les plans du langage et de la motricité. D’où l’importance de leur accorder une attention particulière», observe la doyenne.
Adoption mutuelle
L’adoption sera mutuelle, car des professeurs et des étudiants de la Faculté des sciences de l’éducation pourront aussi apprendre au contact des enfants, des enseignants et des autres intervenants de l’école Champlain, poursuit Monique Brodeur. «Nous visons à consolider et à enrichir le partenariat afin qu’il se poursuive au-delà de 2017 et qu’il profite éventuellement aux élèves des autres classes. Nous envisageons également d’établir des liens avec le CPE du quartier et avec la polyvalente Pierre-Dupuy.»
Des contacts ont déjà été amorcés entre l’école et la faculté. Ainsi, la responsable de la classe maternelle 4 ans est accompagnée par la professeure France Capuano, du Département d’éducation et formation spécialisées, titulaire de la Chaire Robert-Sheitoyan sur la prévention de la violence et du décrochage scolaire. Des liens ont aussi été établis avec le Centre de services orthopédagogiques de la faculté. «L’orthopédagogue de l’école considère d’ailleurs s’inscrire à un cours de notre programme de maîtrise en orthopédagogie», note la doyenne. Enfin, les chercheurs de la faculté qui s’intéressent à l’apprentissage des sciences et des technologies seront invités à participer. Des rencontres sont prévues entre d’autres professeurs et des enseignants de la maternelle et du premier cycle du primaire pour examiner les mesures permettant de soutenir les premiers apprentissages en lecture.
Collaboration inter-facultaire
Les expertises d’autres facultés de l’UQAM seront mises à profit. «Les enfants pourront bénéficier des camps de jour scientifiques offerts par la Faculté des sciences ainsi que des connaissances de la professeure Francine Duquet, du Département de sexologie, en éducation à la sexualité», souligne Monique Brodeur. Le Département d’histoire pourrait être sollicité pour faire découvrir aux enfants la richesse du patrimoine montréalais, de même que la Faculté des arts en ce qui concerne l’organisation d’activités d’animation.
L’Orchestre métropolitain de Montréal, Télé-Québec et le Cégep Maisonneuve comptent parmi les partenaires externes du projet. «Le cégep pourra faire bénéficier les enfants et leurs parents de ses ressources en éducation physique et en dentisterie», indique la doyenne.
Chargée de cours au Département de didactique et lauréate du Prix Reconnaissance UQAM 2010, la diplômée du baccalauréat en adaptation scolaire Yolande Brunelle a mis, elle aussi, l’épaule à la roue. «Cette ancienne directrice de l’école Saint-Zotique, dans le quartier Hochelaga-Maisonneuve, a noué des liens avec une Caisse populaire du quartier Centre-sud, laquelle a accepté de verser une somme d’argent permettant d’abonner les parents des enfants de l’école à des revues éducatives», souligne Monique Brodeur.
Pour un Institut national en éducation
Évidemment, il n’y a pas suffisamment d’universités au Québec pour accompagner chaque école primaire. Mais il serait possible de mieux faire connaître les pratiques exemplaires dans la lutte contre le décrochage scolaire, soutient la doyenne. C’est pourquoi, à l’instar d’autres acteurs du milieu, elle appuie la création d’un Institut national en éducation, qui permettrait d’orienter les choix du ministère et des écoles en fonction des connaissances et des données probantes issues de la recherche.
«Un tel institut pourrait s’inspirer de l’Institut national de santé publique et de l’Institut national d’excellence en santé et en services sociaux (INESSS) et faciliter les liens entre les milieux de l’éducation, de la santé et des services sociaux, dit Monique Brodeur. Il pourrait également devenir une référence pour les parents, les enseignants, les gestionnaires et les intervenants scolaires.»