Croissance économique, état de santé du modèle québécois, politiques d’austérité, avenir de la question nationale, arrivée au pouvoir de Justin Trudeau, élections présidentielles américaines… Ces enjeux nationaux et internationaux étaient au centre des discussions lors d’une table ronde qui a réuni, le 27 janvier, trois leaders d’opinion diplômés de l’UQAM. Josée Legault (B.A. histoire, 1984; M.A. science politique, 1991), politologue, journaliste et chroniqueuse politique, Simon Prévost (M.Sc. économique, 1992), vice-président, clientèle institutionnelle, à la première vice-présidence Entreprises de Desjardins, et Michel Venne (B.A. communication, 1990), écrivain, journaliste et directeur-fondateur de l’Institut du Nouveau Monde, ont participé au débat, qui était animé par la journaliste Marie-France Bazzo (MA. sociologie, 1987).
Intitulée Perspectives 2016, la table ronde a attiré près de 100 personnes à l’Hôtel Hyatt de Montréal. L’événement était organisé par le Bureau des diplômés de l’UQAM, en collaboration avec les conseils de diplômés facultaires.
Sur la scène nationale
D’entrée de jeu, Simon Prévost, lauréat du Prix Performance ESG UQAM 2002, a comparé les indicateurs économiques actuels avec ceux d’il y a 10 ans. «Le taux de chômage n’a pas vraiment bougé, mais le taux de croissance économique, lui, a baissé, passant de 4 % à 1,5 %», a t-il souligné. L’ancien président des Manufacturiers et exportateurs du Québec (MEQ) croit que 2016 sera une année économique difficile. «Le Québec n’aura pas le choix de revoir la mission de l’État et d’établir des priorités dans ses choix budgétaires, surtout dans un contexte où la demande sociale pour des services ne cesse de croître. Pendant que les dépenses en santé explosent, l’éducation, qui contribue de manière importante à la création de la richesse, demeure sous-financée.»
Michel Venne, lauréat du Prix Reconnaissance 2008 de la Faculté de communication, estime que 2016 sera une année de vérité pour certains politiciens. «Le maire de Montréal, Denis Coderre, a accompli la moitié de son mandat. Il a établi de bonnes relations avec ses concitoyens, mais il est confronté à plusieurs défis importants, notamment dans les domaines du logement et des transports publics, a t-il noté. Le premier ministre Couillard a fait le pari que l’austérité nous conduirait à la prospérité et a abandonné le discours d’affirmation nationale qui, selon lui, ne fait pas partie des “vraies affaires”. Quant à Justin Trudeau, qui prétend incarner une nouvelle génération au pouvoir, il est encore tôt pour savoir s’il pourra apporter une vision politique renouvelée et ne pas succomber aux pressions des multiples lobbys.»
Selon Josée Legault, lauréate du Prix Reconnaissance 2015 de la Faculté de science politique et de droit, le modèle québécois est mis à mal par les politiques d’austérité qui affectent durement l’éducation, la santé et les autres services sociaux. «Nous vivons dans une société individualiste, où règne le système D, une société vieillissante, qui a besoin de services publics équitables et accessibles, une société marquée par la croissance de la privatisation et des inégalités sociales, a t-elle lancé. Le Parti libéral est devenu néolibéral et le Parti Québécois, libéral.»
Le directeur de l’Institut du nouveau monde a rappelé que le Québec, à la différence d’autres pays, était parvenu à tempérer la montée du néolibéralisme, survenue au début des années 80, grâce à un modèle de gouvernance qui favorisait le pouvoir citoyen. «Aujourd’hui, nous sommes en train d’abolir cette différence, a t-il affirmé. Plusieurs organisations de la société civile ont été expulsées de lieux de concertation dans divers secteurs, comme les milieux scolaire, municipal et de la santé.» Michel Venne se réjouit, par ailleurs, que les jeunes de la génération Y aient retrouvé le goût de l’engagement.
Et la souveraineté?
La question nationale va-t-elle revenir à l’avant-scène, a demandé Marie-France Bazzo aux panélistes. Pour Simon Prévost, la souveraineté du Québec a été le projet d’une génération. «Les jeunes d’aujourd’hui, qui n’ont pas connu les grandes batailles constitutionnelles du passé, les luttes pour la défense du français et contre l’infériorisation économique des Canadiens français, se sentent moins concernés.»
«Le projet de souveraineté est toujours vivant, mais le mouvement souverainiste est sur ses gardes et parvient difficilement à susciter l’enthousiasme, a commenté Michel Venne. Le chef du Parti québécois, Pierre Karl Péladeau, qui traverse une période difficile sur le plan professionnel et personnel, ne semble pas être l’homme de la situation.»
Depuis le référendum de 1995, «le Parti québécois a cessé de parler de l’option souverainiste, qui a besoin aujourd’hui d’être mise à jour, a soutenu Josée Legault. Nous faisons face actuellement à une triple impasse. Les Libéraux n’ont pas de revendications constitutionnelles, la CAQ défend l’autonomisme et le Parti québécois souffre du faible appui populaire à la souveraineté.»
Du côté des États-Unis
L’année qui vient en sera une électorale chez nos voisins du Sud. «Le fait qu’un clown comme Donald Trump pourrait être le candidat du Parti républicain aux élections présidentielles constitue un phénomène inquiétant», a souligné Simon Prévost. «Son arrivée sur la scène politique témoigne d’une radicalisation de la droite américaine, a observé Josée Legault. Personnellement, je suis incapable de l’imaginer à la Maison Blanche.» Michel Venne, lui, s’est montré moins inquiet. «Donald Trump représente une fraction minoritaire au sein du Parti républicain et une frange importante de la population américaine ne l’appuie pas.»
Une autre table ronde, organisée par le Bureau des diplômés, est prévue en avril prochain sur le thème santé et société, tient à souligner Joëlle Ganguillet, directrice du Bureau. «Ce type d’événement vise, entre autres, à mettre en valeur les lauréats et lauréates des prix Reconnaissance de l’UQAM, dont un bon nombre, d’ailleurs, était dans la salle lors de la table ronde du 27 janvier», dit-elle.