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Monsieur Météo

Pascal Yiacouvakis est l’un des seuls météorologues en ondes à la télévision québécoise.

Par Valérie Martin

17 mars 2016 à 15 h 03

Mis à jour le 21 mars 2016 à 14 h 03

Série «Sur le terrain»
Des diplômés de l’UQAM qui ont fait leurs preuves répondent à 10 questions sur leur univers professionnel.

Pascal Yiacouvakis présente la météo au Téléjournal de 22 h sur les ondes de Radio-Canada. Photo: Nathalie St-Pierre

Météorologue à la télévision de Radio-Canada depuis 1994, Pascal Yiacouvakis ne se limite pas à nous annoncer le temps qu’il fera. Titulaire d’un baccalauréat en géographie physique (1985) et d’une maîtrise en sciences de l’atmosphère (1994), c’est un spécialiste qui passe beaucoup plus de temps enfermé dans son bureau à étudier les systèmes atmosphériques qu’à nous les présenter au petit écran. Son projet de maîtrise, effectué à Météo France de Toulouse sous la codirection du regretté professeur Peter Zwack, du Département des sciences de la Terre et de l’atmosphère, portait sur le diagnostic des systèmes frontaux. Pascal Yiacouvakis a commencé sa carrière comme prévisionniste-météorologue pour Environnement Canada, où il a œuvré pendant près de 10 ans avant de faire le saut à Radio-Canada. Il est l’un des seuls météorologues en ondes à la télévision québécoise.

Quelle est la plus grande qualité pour être heureux dans votre domaine?

Il faut aimer les défis et avoir une bonne résistance au stress. Anxieux, s’abstenir! Contrairement aux journalistes qui rapportent les faits passés, les météorologues et les présentateurs météo vivent dans le futur. Mon travail consiste à faire les prévisions les plus précises possibles à partir de différents modèles de prévision météorologique. Prédire n’est pas toujours une tâche facile, puisqu’un événement météo est rarement parfait. Plus on prédit hâtivement, plus grand sera le défi. Il faut donc ne pas avoir peur de prendre des décisions mûrement réfléchies et de les assumer. Cela dit, prédire la météo à la télé ou pour l’aviation n’a pas la même incidence et ne cause pas le même niveau de stress, bien sûr!

Votre plus grande réussite?

Je me suis fait connaître en couvrant la crise du verglas en 1998. Le Québec était alors en état de guerre! À l’époque, il n’y avait pas d’Internet ou de médias sociaux, on n’avait que la télé et la radio pour se tenir informés. Durant la crise, j’ai travaillé 110 heures en une semaine, jusqu’à l’épuisement. Un million de téléspectateurs suivaient le Téléjournal animé par Bernard Derome: du jamais vu! J’entrais en ondes à cinq heures du matin et je quittais l’antenne vers une heure du matin. Je dormais au studio. Ce fut une épreuve d’endurance hors du commun. J’étais seul pour tout faire.

Un faux pas qui vous a servi de leçon?

Je n’ai jamais fait de gaffes majeures en ondes. Le pire que j’ai fait, c’est d’avoir annoncé des précipitations de neige de 5 à 10 centimètres, alors qu’il n’est tombé que 2 centimètres environ. J’imagine que je n’ai pas pris le bon modèle de prévision météorologique ce jour-là!

Un bon coup d’un compétiteur que vous auriez aimé faire?

Je ne regarde jamais du côté des compétiteurs: je n’ai même pas la télévision câblée à la maison! Il faut dire que l’on trouve beaucoup plus de présentateurs qui présentent des bulletins météo que de météorologues en ondes.

La dernière tendance dans votre secteur?

Sur le plan du graphique, nous sommes revenus à une facture visuelle plus classique et plus simple pour annoncer la météo. Exit donc le graphisme 3D de la fin des années 90 qui donnait la nausée… Autre tendance: avec la montée des phénomènes météo extrêmes couplée à l’émergence des téléphones intelligents, des médias sociaux et des sites de partage de vidéos comme Youtube, les chaînes de télévisions ont accès à une quantité phénoménale de capsules vidéo prises aux quatre coins du monde par monsieur-et-madame-tout-le-monde. La qualité n’est pas toujours au rendez-vous, mais les gens veulent avant tout voir l’événement, que cela soit un tremblement de terre ou une tornade!

Pascal Yiacouvakis dans son bureauPhoto: Nathalie St-Pierre

Et ce qui est définitivement dépassé?

Les topos extérieurs systématiques pour annoncer la météo et ceux plantés dans un décor.

Sur la scène nationale ou internationale, qui est le «gourou» de l’heure?

Il n’y a pas vraiment de gourous dans le milieu. À une certaine époque, CNN avait une grande influence, mais beaucoup moins maintenant. Toutes les chaînes de télé se sont maintenant dotées de caméras plus larges afin de s’adapter aux écrans plasma domestiques qui sont très à la mode.

Nommez une étoile montante qui vous inspire.

La météorologue et géophysicienne Johanna Wagstaffe, basée à la CBC Vancouver. Elle fait les bulletins locaux, nationaux et internationaux à la CBC ainsi qu’à CBC Newsworld en plus de présenter des reportages scientifiques. C’est une jeune femme rigoureuse, sérieuse, à l’esprit critique, qui travaille vite et bien.

Quel est le livre qu’il faut lire en ce moment?

J’aime bien lire de temps en temps les articles publiés dans la revue scientifique Nature sur la météo. Autrement, je surveille assidument le site web Centre météo UQAM ou meteocentre.com, hébergé par le Groupe des sciences de l’atmosphère de l’Université. Le site est dédié à la météo de Montréal et du Québec, mais offre aussi des données météorologiques en temps réel pour l’Amérique du Nord et pour l’Europe. C’est le site Web de référence météo en temps réel. La plateforme est gérée et programmée à partir de la France par un type absolument génial du nom de Christian Pagé (B.Sc. physique; 1992, M.Sc. sciences de l’environnement; 1994; Ph.D. sciences de l’environnement, 2006). Cet ingénieur de recherche du Centre européen de recherche et de formation avancée en calcul scientifique (CERFACS) de Toulouse est un grand météorologue. Il a toute mon admiration et j’aimerais être aussi bon comme lui!

Les deux principaux conseils que vous donneriez à un jeune qui commence sa carrière?

Être capable de travailler sous pression et de respecter les échéanciers. Il faut arriver bien préparé en ondes et ne jamais être en retard, sinon on a l’air fou! Il faut aussi savoir travailler de manière méthodique.