Marcher pour aller prendre le métro ou l’autobus afin de se rendre au boulot va de soi pour bon nombre de citadins. Certains le font par choix, même s’ils possèdent une automobile, tandis que d’autres sont dépendants du transport en commun. «Nous nous intéressons de plus en plus au transport actif – marche et vélo – en lien avec l’utilisation du transport en commun et avec le choix de vivre dans certains quartiers des grandes villes», observe Ugo Lachapelle, professeur au Département d’études urbaines et touristiques de l’ESG UQAM. Ce dernier a publié récemment deux articles sur la question, l’un dans le Journal of Planning Education and Research et l’autre dans le Journal of Transport & Health.
Pour des raisons évidentes, le transport actif suscite l’enthousiasme des agences de santé publique. Certains critiques ont toutefois soulevé un doute quant à ses bienfaits réels. «Comme bien des gens invoquent le manque de temps pour expliquer leur sédentarité, on craint donc que ceux qui sont actifs pour se déplacer, sur un mode lent, en général, ne s’allouent pas d’autres moments pour faire une activité physique plus soutenue. C’est ce que l’on appelle l’effet de substitution ou de déplacement», explique Ugo Lachapelle.

Photo: Émilie Tournevache
L’une des ses études, menée dans le cadre de son doctorat à l’Université de Colombie-Britannique auprès de 1622 résidents des villes de Baltimore et de Seattle, aux États-Unis, a démontré que ce raisonnement ne tient pas la route. «Nous avons d’abord constaté que les usagers du transport en commun étaient plus enclins à utiliser le transport actif que les non-usagers, révèle Ugo Lachapelle. Parmi ces usagers, ceux que l’on dit dépendants du transport en commun étaient encore plus actifs que les usagers qui font le choix du transport en commun. On pourrait penser qu’ils sont simplement coincés à marcher plus dans leur quotidien, faute d’une voiture. Mais ces personnes dépendantes du transport en commun ont aussi affirmé consacrer plus de temps à des activités physiques de loisir que les usagers par choix et ceux qui n’utilisent pas le transport en commun!»
L’une des explications avancées par le chercheur pour expliquer ce résultat étonnant: habituées à marcher pour prendre le métro ou l’autobus, ces personnes seraient enclines à développer le goût de l’activité physique et à y consacrer d’autres moments dans leur horaire. Cela demeure une avenue à explorer scientifiquement, indique toutefois le chercheur. «Il reste qu’utiliser le transport en commun, par choix ou par obligation, mène à un mode de vie plus actif de manière générale.»
Une variété de déplacements
Il y a quelques années, une campagne de santé publique suggérait de descendre un ou deux arrêts avant sa destination afin de compléter le trajet en marchant, se rappelle Ugo Lachapelle. «Ce n’est pas mauvais en soi, mais pas vraiment nécessaire non plus, puisque dans les faits, les gens doivent déjà marcher 5 à 10 minutes, parfois plus, pour se rendre à leur travail une fois leur trajet en métro ou en autobus complété.»
Dans le cadre d’une autre étude, menée auprès de 10 867 citadins de grandes villes canadiennes, le chercheur s’est attardé sur les distances parcourues à pied par les usagers du transport en commun afin d’évaluer leur degré d’activité physique. «Ils sont plus enclins au transport actif, ne serait-ce que parce qu’ils doivent nécessairement accéder aux stations de métro ou aux arrêts d’autobus et poursuivre ensuite leur chemin une fois à destination», note Ugo Lachapelle.
«Les usagers du transport en commun marchent, par exemple, pour aller à l’épicerie, au resto, visiter un ami, aller à la bibliothèque, et ce, bien plus fréquemment.»
Ugo Lachapelle
Professeur au Département d’études urbaines et touristiques de l’ESG UQAM
Le chercheur a constaté que les usagers du transport en commun marchent davantage que les non-usagers, et cela même si les premiers ne marchent pas de plus longues distances que les seconds pour tout déplacement à pied. «C’est la variété de leurs déplacements qui explique les différences, précise-t-il. Les usagers du transport en commun marchent, par exemple, pour aller à l’épicerie, au resto, visiter un ami, aller à la bibliothèque, et ce, bien plus fréquemment.»
Tous ces déplacements s’accumulent et font en sorte que 16,7 % des usagers du transport en commun atteignent le niveau d’activité physique recommandé, soit 30 minutes par jour d’activité physique modérée, 5 jours par semaine, seulement grâce au transport actif. «C’est plus élevé que les non-usagers et ils ne font pas moins d’activité physique dans leurs loisirs», se réjouit le professeur.
Impacts sur l’aménagement urbain
Ces résultats de recherche plairont bien entendu aux agences de transport collectif, qui peuvent ainsi faire la promotion de leurs services en avançant des arguments «santé», lesquels s’ajoutent aux effets bénéfiques du transport en commun sur l’environnement. Du côté des villes, on notera l’importance d’aménager les quartiers de sorte qu’on y trouve des commerces de proximité accessibles à pied, mais aussi des infrastructures pour se déplacer vers d’autres quartiers sans automobile, car les amis et le boulot ne se trouvent pas toujours dans le quartier que nous habitons. «En choisissant le transport actif pour se déplacer, les gens ne deviennent pas nécessairement des athlètes, mais ils font un minimum d’activité physique qui leur est bénéfique», conclut Ugo Lachapelle.