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Les vertus de l’huile d’olive

L’huile d’olive peut prévenir la progression d’une tumeur cancéreuse, révèle une étude.

Par Pierre-Etienne Caza

11 avril 2016 à 9 h 04

Mis à jour le 11 avril 2016 à 15 h 04

Photo: iStock

L’huile d’olive extra-vierge, qui avait déjà bonne presse depuis la popularisation du régime méditerranéen, risque de gagner de nouveaux adeptes. «Nos recherches ont démontré que les polyphénols de l’huile d’olive extra-vierge ont la capacité de freiner la progression d’une tumeur cancéreuse et possiblement de réduire les risques de récidive en ciblant les mécanismes moléculaires qui en sont responsables», affirme Borhane Annabi, professeur au Département de chimie et titulaire de la .

Le chercheur et son équipe poursuivent les travaux amorcés en 2004 par le professeur émérite Richard Béliveau, premier titulaire de la Chaire. «Notre programme de recherche est voué à l’identification de molécules d’origine alimentaire possédant des propriétés préventives afin de mieux comprendre leur mode d’action anticancéreux. L’objectif global est de prévenir le cancer et de réduire les risques de rechute des patients qui sont en rémission», rappelle Borhane Annabi.

Sylvie Lamy et Borhane AnnabiPhoto: Nathalie St-Pierre

Les travaux de la Chaire, précise-t-il, constituent le socle scientifique des ouvrages de Richard Béliveau, lesquels sont axés sur l’adoption de saines habitudes alimentaires et de saines habitudes de vie. Le professeur émérite, qui est toujours directeur scientifique de la Chaire, a d’ailleurs fait paraître en février dernier une nouvelle édition de son ouvrage Les aliments contre le cancer: la prévention du cancer par l’alimentation (Trécarré).

Une des grandes difficultés associées au traitement du cancer est liée à la capacité des cellules cancéreuses de détourner à leur profit des processus associés au fonctionnement normal de l’organisme, leur permettant ainsi de croître et d’envahir les tissus. «Dans le but d’assurer leur survie et leur croissance, les tumeurs stimulent la formation de nouveaux vaisseaux sanguins à partir de vaisseaux déjà existants. Ce phénomène, appelé angiogenèse, génère un nouveau réseau de capillaires qui représente une excellente cible thérapeutique», explique Sylvie Lamy (Ph. D. biochimie, 03), directrice des projets de la Chaire.

Des freins à l’angiogenèse tumorale

Les composés de l’huile d’olive extra-vierge, réputée pour ses propriétés bénéfiques pour la santé, sont de puissants freins à l’angiogenèse tumorale, ont découvert les chercheurs. «Certains polyphénols présents dans l’huile d’olive empêchent l’activation d’une protéine essentielle à ce phénomène, poursuit Sylvie Lamy. Cette inhibition réduit de façon significative la formation de nouveaux vaisseaux par les cellules qui composent la paroi interne des vaisseaux qui sont à proximité de la tumeur, empêchant celle-ci de progresser.»

Contrer l’inflammation chronique

En plus de ces polyphénols, les acides gras, tel l’acide oléique, freinent l’angiogenèse en bloquant l’action de messagers chimiques pro-inflammatoires. Or, il existe une étroite association entre l’inflammation chronique et le développement de certains cancers. «L’inflammation provoque la formation de molécules très actives, sécrétées par les cellules du système immunitaire, qui endommagent le matériel génétique – l’ADN, explique Sylvie Lamy. Au lieu d’éliminer les “envahisseurs”, ces molécules fournissent un environnement idéal aux cellules cancéreuses pour se développer et faciliter l’angiogenèse.»

L’équipe de la Chaire en prévention et traitement du cancer de l’UQAM.Photo: Nathalie St-Pierre

Les chercheurs ont démontré que plusieurs molécules présentes dans l’huile d’olive, mais aussi dans le thym, le céleri, le poivron vert, les mangues, les olives, les figues, les raisins, les mûres, et le vin rouge freinent l’action des messagers chimiques pro-inflammatoires dans les cellules cancéreuses, empêchant l’inflammation chronique dans les tissus, ce qui a pour effet de freiner la progression du cancer. «Nos recherches portaient sur les tumeurs cérébrales, mais les résultats s’appliquent à plusieurs autres formes de cancer», note Borhane Annabi.

Ces résultats de recherche, publiés dans Experimental Cell Research (2014), Biochimica et Biophysica Acta (2015) et Journal of Nutritional Biochemistry (2016), sont réjouissants à plus d’un titre, soulignent les deux chercheurs. «Les molécules que nous avons étudiées possèdent un champ d’action diversifié, c’est-à-dire qu’elles peuvent agir à la fois sur l’angiogenèse et sur le processus inflammatoire, explique le titulaire de la Chaire. On ne retrouve pas cette polyvalence dans les molécules synthétiques.»

En plus, toutes ces molécules se retrouvent naturellement dans des aliments que nous pouvons consommer quotidiennement. «Nous documentons l’impact individuel de certaines molécules, mais ultimement, ni vous ni moi ne les consommerons ainsi, précise Borhane Annabi. Voilà pourquoi nous nous assurons de vérifier qu’il y a une synergie entre toutes ces molécules et que les effets bénéfiques se produisent également lorsque l’on consomme l’aliment en entier, que ce soit l’huile d’olive extra-vierge, des fruits, des légumes, des herbes ou des épices.»

D’autres projets en cours

Un des projets de recherche en cours à la Chaire amènera les chercheurs à se pencher sur la relation entre cancer et obésité. «Nous tentons de caractériser les propriétés inflammatoires et angiogéniques des cellules souches adipeuses humaines, explique Borhane Annabi. Le syndrome inflammatoire chronique est fréquent chez les obèses. L’hypersécrétion de messagers pro-inflammatoires par les cellules adipeuses et par les cellules du système immunitaire favorise un environnement propice à la croissance des tumeurs.»

Un autre projet consiste à prévenir la formation des métastases en s’attaquant à la périostine, un nouveau biomarqueur associé à l’acquisition de propriétés invasives par les cellules cancéreuses.

Des soirées gastronomiques anti-cancer

La Chaire en prévention et traitement du cancer de l’UQAM a un nouveau partenaire: le restaurant H4C Place Saint-Henri. Ouvert en 2013 par deux architectes et un chef cuisinier dans un ancien bureau de poste restauré, ce restaurant utilise des produits frais et locaux, en intégrant la cuisine végétarienne, végétalienne et sans gluten dans certains de leurs plats. «Les propriétaires ont décidé d’organiser des soirées gastronomiques avec un menu concocté à partir d’aliment anti-cancer. Des initiatives de la sorte démontrent que le travail de terrain de Richard Béliveau a porté fruit!», souligne Borhane Annabi. 

Des donateurs appréciés

Plusieurs donateurs, dont Nautilus Plus, un important partenaire, permettent à la Chaire de mener ses travaux. Borhane Annabi déplore toutefois le fait que les grands organismes subventionnaires ne la soutiennent pas davantage. «On a traditionnellement subventionné davantage les recherches sur les traitements – surtout les mécanismes d’action des médicaments – au détriment de la prévention, mais le discours change peu à peu, note-t-il. Il faut poursuivre nos efforts auprès des gouvernements pour les sensibiliser à l’importance de nos recherches en amont de la maladie, qui ont un impact sur la santé des populations.»

Le cancer ne doit plus être perçu comme une fatalité, souligne Sylvie Lamy. «On sait maintenant que les habitudes de vie et l’alimentation sont responsables de plus de 70 % des décès par cancer chaque année. Il faut travailler à changer les mentalités et à promouvoir les aliments sains.»

Appuyer la Chaire

Les dons versés au Fonds Richard Béliveau pour la Chaire en prévention et traitement du cancer permettent d’accélérer la recherche et de soutenir la relève des étudiants-chercheurs dans ce domaine. «Depuis 2004, quelque 80 étudiants de maîtrise, de doctorat et de postdoctorat sont passés par notre laboratoire. Ceux-ci contribuent significativement à l’avancée des recherches et aux efforts afin de conscientiser le public à l’importance de saines habitudes alimentaires», souligne fièrement Borhane Annabi.