Le 26 janvier dernier, nous avons eu droit à Montréal à quelques flocons de neige, puis à du grésil et enfin à de la pluie. Tout ça en l’espace d’une heure! Pour la plupart d’entre nous, il s’agissait d’une journée plutôt moche et grise où la météo était «déréglée». Pas pour Julie Thériault! «Il s’agissait d’une transition neige-pluie très rapide, influencée par une foule de processus microphysiques», affirme la professeure du Département des sciences de la Terre et de l’atmosphère.
La jeune chercheuse s’intéresse depuis quelques années aux différentes précipitations hivernales qu’apporte le climat canadien, parmi lesquelles la pluie verglaçante. Les experts ont d’ailleurs tiré la sonnette d’alarme récemment: l’approche du courant chaud El Niño pourrait causer un autre épisode de pluie verglaçante semblable à celui de la crise du verglas de 1998. «Le verglas se forme lorsque les flocons de neige traversent une couche d’air chaud qui les rend liquides et ensuite une couche d’air froid qui transforme cette pluie en glace à la surface terrestre», explique Julie Thériault. La vallée du Saint-Laurent, avec les basses chaînes de montagnes qui la ceinturent, est un environnement «parfait» pour le verglas. «L’orientation nord-est de la vallée fait en sorte que les masses d’air froid demeurent emprisonnées près de la surface terrestre. Si le courant d’air chaud en altitude demeure stable pendant quelques jours, comme ce fut le cas en 1998, cela peut donner lieu à des épisodes de verglas prolongés», ajoute-t-elle.
Prédire le verglas
Les phénomènes comme le grésil et la pluie verglaçante sont bien compris, mais ils n’ont jamais pu être intégrés dans les modèles de prévisions climatiques en raison du trop grand nombre de processus microphysiques qu’ils impliquent – le type de précipitations (flocons ou gouttes d’eau, de dimensions et de poids différents et qui tombent donc à des vitesses variées), la température de l’air, les mouvements ascendants ou descendants des masses d’air, le mouvement du vent au niveau du sol, etc. «Il y a aussi une autre raison d’ordre pratique: ce sont des phénomènes qui ne surviennent pas suffisamment souvent dans une année pour justifier que l’on y investisse beaucoup de temps et d’argent. Pourtant, ils peuvent avoir des impacts catastrophiques, entre autres sur nos infrastructures et nos réseaux de transport», souligne Julie Thériault, qui supervise plusieurs étudiants aux cycles supérieurs qui s’intéressent à ces phénomènes.
Son équipe peut compter depuis la semaine dernière sur un nouvel appareil: un disdromètre optique. L’instrument, installé à la station météorologique sur le toit du pavillon Président-Kennedy, calcule le nombre de particules qui tombent, en pluie, en neige, en grésil ou en pluie verglaçante. Il indique la vitesse à laquelle tombent ces particules ainsi que leurs dimensions. «Nous avons amassé des données lors de l’épisode neige-grésil-pluie du 26 janvier dernier. J’ai hâte d’analyser ces mesures!», souligne la chercheuse.
Campagne de terrain
Dans les hautes montagnes de l’ouest du pays, il y a souvent des transitions neige-pluie, sans passage par la case «grésil» ou «verglas». «Cela s’explique parce qu’il y a rarement la présence d’une couche d’air froid près de la surface terrestre», souligne Julie Thériault.
L’an dernier, la chercheuse et son équipe d’étudiants ont participé à une campagne de terrain dans la région montagneuse de Kananaskis, en Alberta. «C’était une initiative d’un groupe de recherche canadien qui souhaitait mieux comprendre comment les précipitations se forment dans cette région, en lien avec les inondations monstres vécues à Calgary en 2013 – la région avait été inondée par environ 300 millimètres de pluie en 4 jours», rappelle-t-elle. Or, lors de leur séjour, les chercheurs n’ont pu observer que 20 millimètres de pluie en deux mois ! «Nous avons obtenu des données, mais pas autant que nous l’aurions souhaité, ajoute-t-elle. Il faisait 15 degrés en plein hiver!»
Leur séjour a toutefois été pimenté par la présence de l’équipe de tournage du film The Revenant sur la même montagne. «Des surveillants vérifiaient chaque matin si nous avions des caméras avec des téléobjectifs… au cas où nous aurions voulu jouer les paparazzi, se rappelle-t-elle en riant. Entre nous, notre leitmotiv est devenu: “We’re looking for rain, snow and Leo!” (“Nous cherchons de la pluie, de la neige et Leo” – pour Leonardo Di Caprio, vedette du film). Mais nous ne l’avons jamais aperçu…» Comme quoi les vedettes hollywoodiennes sont encore plus insaisissables que certains processus microphysiques !