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Un clocher pas comme les autres

L’avenir du clocher de l’UQAM fera l’objet d’une conférence ouverte au grand public.

Par Claude Gauvreau

21 mars 2016 à 16 h 03

Mis à jour le 22 mars 2016 à 16 h 03

Projet Aura des étudiants en médias interactifs lors de la Nuit blanche 2016. Photo: Nathalie St-Pierre

«Point de repère marquant dans le paysage urbain, le clocher de l’UQAM, que tout le monde connaît, n’est pas un clocher comme les autres. C’est l’emblème du Quartier latin», affirme le chargé de cours de l’École de design Denis Boucher. Le clocher de l’ancienne église Saint-Jacques n’est pas seulement un bien patrimonial que l’on doit préserver et restaurer, dit celui qui est aussi membre du Conseil du patrimoine religieux du Québec. «Jusqu’à maintenant, l’UQAM a fait preuve d’audace et d’initiative pour mettre le clocher en valeur lors de divers événements culturels comme Montréal en lumière et La Nuit blanche. Il faut continuer de l’associer à des projets qui suscitent l’intérêt à la fois de la communauté universitaire et des Montréalais.»

Denis Boucher animera une conférence grand public intitulée «Le clocher Saint-Jacques de l’UQAM: perspectives d’avenir», qui aura lieu le 29 mars prochain, à 19h, à la Salle des Boiseries (J-2805). Elle réunira Nathalie Lafortune, une artiste en arts visuels qui s’est intéressée à l’expérience architecturale d’intégration du clocher dans le campus de l’UQAM, ainsi que le professeur Martin Drouin (M.A. histoire, 1996; Ph.D. études urbaines, 2004) et le chargé de cours et architecte paysagiste Jonathan Cha (Ph.D. études urbaines, 2014), du  Département d’études urbaines et touristiques. «Ces panélistes se demanderont si le célèbre vestige peut prendre une place plus grande dans l’imaginaire montréalais et dans l’espace urbain, explique le chargé de cours. Ils discuteront de l’avenir du clocher, de son potentiel symbolique, de sa signification, de sa mise en valeur et avanceront des idées nouvelles pour le faire rayonner davantage.»

Cette conférence, dernière d’une série de trois autour du thème «La ville aux 100 clochers. Quelles opportunités pour Montréal?», est présentée par le Conseil du patrimoine religieux du Québec, à l’occasion de son 20e anniversaire, en collaboration avec l’Institut du patrimoine et le Service des communications de l’UQAM. Leur objectif est de faire connaître la richesse du patrimoine religieux montréalais et d’en questionner l’appréciation, la mise en valeur, le positionnement et le potentiel comme identité culturelle, image distinctive et symbole promotionnel à l’aube du 375e anniversaire de Montréal.

«L’image de la ville aux 100 clochers est associée à Montréal depuis le 19e siècle, rappelle Denis Boucher. En 1882, l’écrivain américain Mark Twain, de passage au Québec, avait déclaré qu’on ne pouvait pas lancer une pierre à Montréal sans risquer de casser un vitrail. Selon le vice-président de Tourisme Montréal, Pierre Bellerose (B.A.A. gestion et intervention touristique, 1985), qui était présent à la conférence du 23 février, cette image est encore vivante aujourd’hui et est utilisée couramment pour présenter Montréal comme une ville qui s’apprécie et se visite à travers, notamment, ses églises et ses clochers.»

Une présence prégnante

Le nombre de lieux de culte à Montréal s’est accru de manière importante au 19e siècle, alors que la ville connaissait un boom démographique favorisant le  développement de quartiers résidentiels. «À cette époque, l’archevêque de Montréal, Monseigneur Bourget, voulait que la ville porte la marque de la présence catholique romaine, note le chargé de cours. On a construit, notamment, la cathédrale Marie-Reine-du-Monde, qui se veut une réplique de la basilique Saint-Pierre de Rome.»

Au 20e siècle, en particulier au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, les clergés catholique et protestant poursuivent la construction de centaines d’églises, dotées d’une architecture moderne, dans les nouveaux quartiers et les nouvelles banlieues de Montréal. «Aujourd’hui, Montréal compte deux fois plus d’églises que Paris, observe Denis Boucher. En 2003, le Conseil du patrimoine religieux du Québec avait inventorié 480 lieux de culte, incluant les églises et les chapelles des monastères et couvents.»

Nouvelle vocation

Plusieurs églises ont toutefois fermé leurs portes et certaines sont dans un piètre état. «Une cinquantaine ont été vendues à des communautés religieuses en croissance, sud-américaines et asiatiques notamment, d’autres à des groupes communautaires, d’autres encore à des promoteurs privés qui les ont transformées en condos, indique le chargé de cours. Plutôt que d’attendre qu’une église ferme ou soit vendue, pourquoi ne pas envisager des partenariats avec des groupes de la société civile pour lui donner une nouvelle vocation? On doit se pencher sur la possibilité de greffer à la fonction religieuse des églises d’autres types d’activités pouvant répondre aux besoins des résidants des quartiers: éducation, loisirs culturels ou sportifs, garderies, etc.»

Malgré une baisse générale de fréquentation des lieux de culte, de nombreux citoyens souhaitent préserver la qualité de l’espace urbain où se trouvent les églises, notamment leur esprit de quiétude. D’autres gravitent autour des églises, dans les sous-sols et autres bâtiments attenants parce que ce sont des lieux qui abritent une vie communautaire: aide aux démunis, services de proximité. «Est-il possible de maintenir et de développer cette logique d’occupation ?, s’interroge Denis Boucher. C’est l’approche qui a été suggérée par l’un des participants aux causeries, l’architecte Ron Rayside, dont le cabinet travaille en collaboration avec des organismes communautaires.»

Plusieurs églises à Montréal sont considérées comme des biens patrimoniaux. Le ministère de la Culture, en vertu de la Loi sur le patrimoine culturel, s’assure que les travaux d’entretien et de réfection se font selon les règles de l’art. «Mais si  une église est vendue et change de vocation, le ministère n’a plus droit de regard, dit le chargé de cours. Il devrait  être possible d’attribuer de nouvelles fonctions aux églises sans altérer leur valeur patrimoniale.» 

Une source d’inspiration

Denis Boucher se réjouit, par ailleurs, que le clocher de l’UQAM soit devenu, depuis quelques années, un espace d’expression privilégié pour les arts visuels et numériques, contribuant à la requalification de la rue Saint-Denis et du Quartier latin comme milieu de vie intellectuelle et culturelle. De nombreux étudiants et professeurs des facultés des arts et de communication ont ainsi participé à des projets d’installation et d’œuvres vidéo ayant permis d’animer et d’illuminer le site du célèbre clocher. «Ces initiatives sont exemplaires et peuvent servir de source d’inspiration pour des projets dans d’autres quartiers de Montréal», souligne le chargé de cours. 

Lors de la conférence du 29 mars, le professeur Martin Drouin parlera de l’importance architecturale et patrimoniale du clocher Saint-Jacques et de ce qu’il symbolise dans l’histoire de Montréal. L’artiste Nathalie Lafortune traitera de la relation entre l’UQAM et son clocher et expliquera comment son intégration au pavillon Judith-Jasmin, à l’époque de la construction de celui-ci, entre 1976 et 1979, a représenté une forme  d’expérimentation architecturale. Jonathan Cha situera le clocher dans son environnement urbain en soulignant le dialogue qu’il établit avec la rue Saint-Denis et la Place Pasteur.