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Les calottes glaciaires de notre planète sont-elles en péril ? Au cours des 20 dernières années, l’augmentation des températures à l’échelle mondiale a entraîné une fonte marquée de la calotte glaciaire du Groenland, tandis que des études démontrent le risque d’un effondrement d’une partie de la calotte glaciaire de l’Antarctique Ouest. La déstabilisation engendrée pourrait causer une élévation du niveau de la mer de trois mètres. «Il est toutefois prématuré de croire à un effondrement des calottes glaciaires en l’état actuel des choses», affirme Carolyne Pickler, doctorante en sciences de l’environnement.
Afin de comprendre les effets des changements climatiques sur les calottes glaciaires, la chercheuse a remonté dans le temps et creusé dans la Terre… jusqu’à la dernière ère glaciaire! «Il s’agissait de mieux comprendre la croissance, la décroissance et l’effondrement des glaciers», précise celle qui vient de faire paraître ses observations dans la revue Climate of the Past en collaboration avec ses codirecteurs de thèse, les professeurs associés Jean-Claude Mareschal, du Département des sciences de la Terre et de l’atmosphère, et Hugo Beltrami, du Centre pour l’étude et la simulation du climat à l’échelle régionale, également professeur à l’Université Saint-Francis Xavier, en Nouvelle-Écosse.
«La température augmente avec la profondeur de la Terre, explique Carolyne Pickler. S’il n’y a pas de changement de température de surface, il est supposé que ce profil température-profondeur dépend du flux de chaleur provenant de l’intérieur de la Terre. Toutefois, quand il y a des hausses persistantes de la température de surface, la chaleur supplémentaire se propage dans la Terre, laissant une trace sous forme de perturbations du régime thermique souterrain.»
Dès les années 1930, les scientifiques ont déduit le climat passé à partir de ces perturbations des températures souterraines. Cette méthode d’investigation s’est répandue dans les années 1980, de pair avec les préoccupations au sujet de l’augmentation des températures due aux changements climatiques. «La plupart des études ont porté sur la reconstruction du climat des 1000 dernières années à partir de forages relativement peu profonds, soit environ 500 mètres, poursuit la doctorante. Mais les variations persistantes à long terme de la température de surface affectent la température de la Terre à de grandes profondeurs. Il est donc possible de reconstruire l’histoire des variations de température de surface pour le dernier cycle glaciaire et de déterminer la température à la base de la calotte de glace.»
La calotte glaciaire Laurentienne
Les chercheurs ont analysé 13 profils de température provenant de forages profonds – plus de 1500 mètres – effectués par des compagnies minières dans l’est et le centre du Canada, une région couverte par la partie sud de la calotte glaciaire Laurentienne lors du dernier cycle glaciaire, qui a commencé il y a 120 000 ans et s’est terminé il y a 12 000 ans.
Leurs résultats indiquent une température entre -1,4 et 3 degrés Celsius à la base de la calotte. «Ces températures sont près du point du fusion de la glace et donc de l’écoulement d’eau à la base de la calotte de glace, note Carolyne Pickler. Il est donc possible qu’il y ait eu de grandes quantités d’eau à l’intérieur de la calotte glaciaire, avec pour effet d’amincir la calotte, climatiquement vulnérable. Sauf que la couche de glace a tout de même tenu le coup pendant plus de 30 000 ans avant son effondrement.»
Pas de panique!
À l’instar de ce qu’ont observé les chercheurs pour la dernière ère glaciaire, les calottes glaciaires actuelles du Groenland et de l’Antarctique ont des températures basales près du point de fonte de la glace. «Notre travail a démontré que ce phénomène ne représente pas une source d’inquiétude. Cependant, s’il était combiné avec d’autres processus – comme des modifications atmosphériques ou des changements dans la salinité des océans –, cela pourrait accélérer le processus de fonte de la glace, voire l’effondrement de la calotte», conclut la jeune chercheuse, dont les résultats pourront désormais être intégrés dans les modèles touchant les calottes glaciaires actuelles.