
Depuis quelques jours, les organisations humanitaires sollicitent la population afin de recueillir des dons pour le peuple népalais, durement éprouvé par le tremblement de terre du 25 avril dernier. Mais à qui donner? L’anthropologue sociale et historienne des religions Chiara Letizia, professeure au Département de sciences des religions, connaît bien le Népal, où elle mène des recherches depuis 1997. Elle a constitué une liste (voir l’encadré) d’ONG, d’associations et de groupes humanitaires fiables qui œuvrent dans différents districts du Népal et couvrent différents besoins.
Chiara Letizia suggère aux personnes désireuses d’aider les Népalais de diviser le montant de leur don en trois parties. Selon la chercheuse, une somme pourrait être allouée dans un premier temps à de grandes ONG internationales comme la Croix-Rouge ou Médecins sans frontières, basées à Katmandou et dans sa vallée, pour l’aide humanitaire urgente (aide médicale, distribution de nourriture et d’eau potable). «Elles sont certes très efficaces pour gérer la situation, mais seulement sur une portion du territoire népalais, note la professeure. Or, on sait qu’il y a eu beaucoup de dégâts dans des villages reculés et désormais difficilement joignables. Ces grandes ONG ne connaissent pas bien ces endroits et, pour rejoindre ces populations, doivent passer par le gouvernement qui se révèle inefficace en ce moment, mauvaise foi ou pas.»
Le gouvernement se soucie peu du Népal rural, ce qui n’est pas une réalité nouvelle, précise Chiara Letizia. Il vaut donc mieux réserver une deuxième partie de son don à de petites ONG locales. «Les ONG de plus petite taille sont mieux réparties dans les villages, connaissent bien la région et les besoins de la population locale.»
Une troisième partie de son don, enfin, pourrait être allouée à la reconstruction du Népal et aux associations qui coordonnent les bénévoles. «Des équipes de secours provenant entre autres de la Chine et du Japon sont déjà sur place, mais comme leurs membres ne connaissent ni la langue ni la géographie du territoire, des Népalais doivent être mis à contribution afin de coordonner ces bénévoles puisque le gouvernement, encore une fois, n’est pas très actif de ce côté», souligne Chiara Letizia. Quant à la reconstruction, c’est une aide qui s’inscrit sur le long terme. «Dans quelques semaines, quand les besoins urgents seront comblés dans la mesure du possible, il faudra commencer à reconstruire les villes, les villages, les temples et le patrimoine.»
Détentrice d’un doctorat en histoire des religions de l’Université de Rome –La Sapienza, en Italie, Chiara Letizia mène des recherches sur la laïcité de l’État au Népal. «Après avoir été un royaume hindou pendant deux siècles, le Népal a vécu une sécularisation très rapide, explique-t-elle. Quelle est la compréhension des Népalais de la laïcité, un concept qui leur est étranger? Qu’est-ce que cela évoque pour eux? Sont-ils pour ou contre la sécularisation? Que veulent-ils en faire? J’étudie le présent à travers l’histoire du pays qui est intimement liée à la religion.» La professeure a aussi poursuivi des recherches dans la plaine népalaise du Terai, «une région située au sud du Népal, dans la plaine du Gange, à la limite de l’Inde, donc très influencée par ce pays. C’est là que l’on retrouve le plus d’hindouistes de droite s’opposant à la sécularisation de l’État népalais.»
La professeure, qui dirigera en septembre le programme Népal Mandala de l’UQAM, un programme court de deuxième cycle en sciences des religions dont les objectifs sont d’introduire les étudiants à la grande hétérogénéité culturelle, religieuse et ethnique du Népal, ne pense pas qu’il sera annulé pour autant. «Il faudra revoir ce que l’on veut faire avec le projet, mais j’aimerais qu’un volet d’aide à la reconstruction du Népal soit ajouté au programme», dit-elle.
Le Népal, dont 80 % de la population vit de l’agriculture, était déjà en crise bien avant le drame, mentionne Chiara Letizia. «Après 10 ans de guerre civile, le Parti communiste du Népal (maoïste) est arrivé au pouvoir en 2008 avec la promesse d’une constitution, mais le pays n’en a toujours pas vu la couleur. Il n’y a pas d’élections, ni dans les villages, ni dans les municipalités, ni dans les villes, donc pas de leaders politiques ayant l’autorité de coordonner l’aide au niveau des villages et des districts. Heureusement, la société civile s’organise et pallie ainsi l’absence de représentants du gouvernement. En ce moment, de plus en plus d’activistes se mobilisent sur le territoire.» La professeure demeure toutefois optimiste pour l’avenir du pays. «Malgré l’horreur de la situation, le tremblement de terre sera peut-être l’occasion de changer le système politique et de reconstruire sur des bases différentes. »
Liste des organisations népalaises et internationales qui acceptent les dons
Les ONG internationales:
—Croix-Rouge canadienne
—Médecins sans frontières
http://www.msf.ca/en/article/msf-sending-teams-to-nepal-to-assist-earthquake-victims
—UNICEF
—Save the Children
—GlobalGiving
http://www.globalgiving.org/projects/nepal-earthquake-relief-fund/
—Oxfam
https://www.jedonneenligne.org/oxfamquebec/frm_detail.php?FrmUID=69
Les ONG de plus petite taille, qui travaillent dans plusieurs districts du Népal:
—Centre canadien d’étude et de coopération internationale (CECI), une association québécoise qui œuvre depuis plus de 30 ans au Népal.
—Educate the Children International, une organisation qui travaille dans les villages détruits du district de Dolakha.
http://www.etc-nepal.org/earthquake_relief.php
—Dzi Foundation s’occupe de la reconstruction dans les villages de l’est du Népal.
—The American Nepal Medical Foundation, active dans la ville de Gorkha.
http://americanepalmedicalfoundation.com/
—International Medical Corps
https://www.facebook.com/nepalearthquakesupport
—Habitat for Humanity
https://www.habitat.org/cd/giving/one/donate.aspx?link=568
—Nepal SEEDS
—One Heart World-Wide
http://www.oneheartworld-wide.org/
—CARE
—Mercy Corps
—Namo Buddha Foundation Canada
—Himalayan Trust
https://givealittle.co.nz/cause/nepalearthquake
Les groupes, les projets, les fondations, les campagnes de financement et les associations caritatives pour la reconstruction ou la coordination sur le terrain:
—Association Abari, campagne de financement organisée par l’architecte népalais Nripal Adhikary pour aider à construire des tentes.
https://www.indiegogo.com/projects/earthquake-nepal-accommodation-medical-camps
—Campagne de financement du Regroupement des étudiants népalais des universités de Londres
http://www.gofundme.com/sxup98
—Campagne de financement organisée par l’entrepreneur américano-népalais Season Shrestha, président de Season Enterprises, et les habitants du village de Sankhu, afin de reconstruire leur village.
http://www.gofundme.com/t9vxng
—Un projet pour soutenir la population des Hyolmo, campagne de financement organisée par l’anthropologue hongroise Zsoka Gelle [gzsoka@yahoo.com].
https://life.indiegogo.com/fundraisers/help-the-yolmo-community-in-nepal
—SOS Népal, campagne de financement lancée par le Comité de solidarité de Trois-Rivières (CS3R) pour reconstruire une école à Chapali.
http://www.cs3r.org/show.php?id=6736
—Post-earthquake Relief Fund Nepal, une fondation menée par l’anthropologue népalais Shrochis Karki [shrochis@gmail.com].
https://life.indiegogo.com/fundraisers/post-earthquake-relief-fund-nepal
—Karuna Shechen, un organisme cofondé par le moine bouddhiste Mathieu Ricard œuvrant dans la région de l’Himalaya.
http://karuna-shechen.org/news/help-earthquake-victims-in-nepal/
— Kathmandu Living Labs, une organisation de charité formée de jeunes informaticiens népalais qui cartographient les zones frappées par le tremblement de terre pour faciliter les secours.
http://kathmandulivinglabs.org/blog/earthquake-relief-in-nepal-how-can-maps-help/
—Buddhist Relief Services, une fondation caritative de tradition bouddhiste tibétaine (basée à Hongkong et à New York). http://relief.utbf.org/work