La République de Madagascar a connu des troubles politiques importants au cours des dernières années. Afin de redorer sa crédibilité internationale, le gouvernement en place a annoncé récemment une série de mesures visant à «relever le défi d’une normalisation politique et technique et du rétablissement de l’orthodoxie administrative». Le ministère des Affaires étrangères du pays a souhaité, entre autres, mettre à jour les connaissances de ses agents en charge du protocole. C’est le professeur associé Louis Dussault, du Département de communication sociale et publique, expert reconnu en matière de protocole, qui a été mandaté par l’Organisation internationale de la Francophonie afin de donner une formation à une quarantaine d’agents malgaches, du 12 au 18 novembre dernier.
Dans la société malgache, les questions de protocole et de politesse sont très valorisées, explique le spécialiste. «Cela a facilité le dialogue, dit-il. Personne ne remettait en question les règles de base du protocole: les plans de table, la préséance, les invitations officielles, etc. Nous étions en terrain connu.»
Louis Dussault a effectué quelques mises en situation avec les agents malgaches afin d’observer leurs façons de faire, se rendant même avec eux à l’aéroport afin de simuler l’arrivée d’un dignitaire étranger. La formation portait plus spécifiquement sur les relations publiques, l’étiquette, le cérémonial et les visites officielles. «Ils ne partaient pas de zéro, précise l’expert. Leur Service du protocole existe depuis longtemps. Ce sont des jeunes diplômés qui y travaillent et ils étaient enchantés d’avoir l’occasion de rafraîchir leurs connaissances sur le sujet en conformité avec les normes et pratiques internationales courantes.»
Miser sur les spécificités culturelles
Louis Dussault a porté une attention particulière aux traits culturels et aux façons de faire des Malgaches. «Il était important de partir de ce qu’ils sont afin d’élaborer de bonnes pratiques en matière de protocole, précise-t-il. Bien sûr, il fallait s’assurer que cela n’entre pas en contradiction avec une communication efficace, car le protocole vise d’abord et avant tout à favoriser la communication entre les interlocuteurs.»
C’est ainsi, par exemple, qu’il a pris acte de la réserve des Malgaches, qui s’expriment toujours à voix basse en public. «Or, les personnes en charge du Protocole doivent parfois élever la voix et interrompre des conversations entre présidents, ministres, ambassadeurs, princes et reines, afin de leur indiquer les prochaines étapes de la visite, le début des cérémonies, etc. Il a donc fallu trouver des moyens de contourner cette réserve pour assurer le bon déroulement de visites protocolaires.»
L’expert a également échangé avec ses interlocuteurs sur l’opportunité de miser sur les produits locaux lorsque vient le temps de concocter un menu pour leurs invités de marque. «Les repas officiels font partie de la représentation du pays hôte, note-t-il, d’où l’importance de confectionner des menus officiels conformes à sa culture. Les visiteurs étrangers seront enchantés d’avoir dégusté, par exemple, du foie gras malgache – délicieux et renommé –, un carpaccio de zébu ou un poulet à la vanille!»
Le professeur a également suggéré aux Malgaches de miser sur leur riche histoire précoloniale – le pays a été sous administration française de 1896 à 1960. «Le pays possédait déjà un système diplomatique avant la conquête française, explique Louis Dussault. J’ai eu la chance de voir dans le musée du palais royal d’Antananarivo (ndlr: capitale du pays) trois traités internationaux signés par Madagascar avant la prise de possession par la France. Je leur ai suggéré de mettre ces traités en valeur dans l’entrée du ministère des Affaires étrangères.»
Il a également abordé la question des itinéraires de visites dans le pays. «Ces itinéraires sont un discours en soi sur l’histoire de Madagascar. Il faut donc maximiser ce que le dignitaire étranger voit et entend durant son court séjour. Tout est communication.»
Un manuel de procédure
Il s’agissait de la deuxième visite de Louis Dussault à Madagascar. «Je m’y étais rendu en 1997 à l’occasion de Jeux de la Francophonie, à la demande du gouvernement du Québec», se rappelle-t-il.
Il espère y retourner bientôt. «J’ai pu faire quelques commentaires et suggestions sur place, c’était le but des ateliers de travail, mais un plan élaboré de formation est à l’étude, de même que le projet d’un manuel de procédures devant permettre de systématiser les usages protocolaires du gouvernement malgache. Cela tomberait à point nommé, car Madagascar sera l’hôte du Sommet de la Francophonie en 2017.»
Louis Dussault en bref
Ancien adjoint au chef du protocole du gouvernement du Québec (1975-1978) et chef du protocole de la Ville de Montréal de 1988 à 1995, Louis Dussault a participé à l’accueil de la Reine Élizabeth II, à l’occasion des Jeux olympiques de 1976, ainsi qu’à la visite du Pape au Québec, en 1984. En 2010, il fut le représentant officiel de la Ville de Montréal et commissaire du pavillon de Montréal lors de l’Exposition universelle de Shanghai.
Il est l’auteur d’un livre de référence dans le domaine du protocole, intitulé Le protocole. Instrument de communication (Protos, 1995 et 2003), lequel a été traduit en chinois, en roumain et en vietnamien.
En plus d’être professeur associé au Département de communication sociale et publique de l’UQAM et chercheur à la Chaire de relations publiques et communication marketing, il a enseigné pendant quelques années le protocole occidental aux étudiants en relations publiques de la Shanghai International Studies University.