Au Québec, comme ailleurs en Occident, les élèves du primaire et du secondaire sont de moins en moins enclins à choisir les études menant à des carrières en sciences et en technologie (S&T). Cette lacune dans le développement de la culture scientifique, au moment où la demande sociale pour des personnes qualifiées dans ces domaines est grandissante, constitue une source de préoccupation. Une enquête codirigée par les professeurs Patrice Potvin, du Département de didactique, et Abdelkrim Hasni, de l’Université de Sherbrooke, jette un nouvel éclairage sur les facteurs qui influencent l’intérêt des élèves du primaire et du secondaire envers les S&T à l’école. Ses résultats ont été présentés le 15 octobre dernier, dans le cadre du 50e congrès de l’Association pour l’enseignement de la science et de la technologie au Québec (AESTQ).
Ce n’est pas la première fois que des chercheurs se penchent sur ces questions, mais l’étude réalisée par les deux professeurs, également cotitulaires de la Chaire de recherche sur l’intérêt des jeunes pour les sciences et la technologie (CRIJEST), est l’une des plus complètes menées à ce jour. Elle brosse un portrait détaillé de la façon dont les élèves perçoivent les S&T et de la préférence qui leur est accordée parmi l’ensemble des matières. «Notre enquête, qui comportait 139 questions, a été effectuée auprès de plus de 2 500 élèves – de la cinquième année du primaire jusqu’à la cinquième année du secondaire – répartis dans 40 écoles de 8 commissions scolaires du Québec», précise Patrice Potvin.
L’enquête s’intéresse, notamment, au degré de difficulté des S&T perçu par les élèves. «Nous les avons aussi sondés sur l’importance qu’ils donnent aux S&T par rapport aux autres disciplines scolaires, comme le français et les mathématiques, une question négligée par les études antérieures», souligne le professeur.
Un rôle positif
Les élèves ont une perception globalement positive du rôle des S&T dans la société, révèle l’enquête. «Les S&T ne sont pas des disciplines mal aimées, note Patrice Potvin. Les jeunes considèrent qu’elles apportent une contribution sociale importante, notamment dans les domaines de la santé et de l’environnement. Cependant, moins de la moitié des élèves ont affirmé avoir l’intention de faire des études menant à une carrière associée aux S&T.» Les chercheurs constatent, en effet, que les études conduisant à une profession ou à un métier relié aux S&T sont perçues par les jeunes comme difficiles et peu accessibles. La moitié d’entre eux estiment qu’il faut posséder un talent naturel pour réussir ces études.
Les résultats de l’enquête indiquent, par ailleurs, que les S&T se classent au quatrième rang à l’école parmi les matières ou disciplines dites préférées et parmi celles considérées comme les plus importantes. «Ce statut intermédiaire n’est pas figé, mais évolue avec l’âge, note le chercheur. L’importance accordée aux S&T augmente progressivement par rapport aux autres disciplines à partir de la fin du primaire jusqu’à la fin du secondaire.»
La recherche décrit également une baisse de l’intérêt à l’égard des S&T lors la transition entre la fin du primaire et le début du secondaire, une période difficile pour la plupart des élèves et qui affecte les résultats scolaires dans l’ensemble des matières. L’intérêt remonte par la suite, jusqu’à la fin du secondaire.
Garçons et filles
On remarque que pour la majorité des aspects abordés dans l’étude, les différences entre les garçons et les filles sont marginales, «beaucoup plus marginales que celles observées dans d’autres études internationales», souligne Patrice Potvin.
Cela dit, les filles et les garçons expriment des intérêts différents selon les domaines disciplinaires. Les garçons affichent une préférence pour la physique, la chimie et l’informatique, tandis que les filles s’intéressent davantage aux sciences de la vie: biologie, santé, soins. «Les filles ont aussi tendance à se percevoir moins bonnes en S&T que les garçons, alors qu’elles performent aussi bien, sinon mieux qu’eux», note le professeur.
Solliciter l’intelligence des élèves
L’une des conclusions de l’enquête concerne les méthodes d’enseignement les plus susceptibles de stimuler l’intérêt des jeunes pour les S&T, de créer chez eux une attitude de curiosité et d’ouverture. «Les élèves sont particulièrement motivés quand ils peuvent faire des choix dans leurs apprentissages et que leur intelligence est sollicitée, soutient Patrice Potvin. C’est le cas dans les démarches d’investigation où les élèves doivent concevoir la procédure de résolution d’un problème. Les démarches de contextualisation, qui visent à expliciter les liens avec la vie à l’extérieur de l’école en traitant de problèmes – santé, nutrition, environnement – touchant les individus, sont aussi appréciées des élèves.»
Le rapport s’adresse à tous les acteurs concernés par l’éducation scientifique et technologique à l’école. Patrice Potvin souhaite que ses résultats permettent de guider les interventions des enseignants, des conseillers pédagogiques et d’orientation, des directions d’écoles et des parents, tout en éclairant les décideurs.
«En Occident comme dans les pays en développement, la présence d’une riche culture scientifique facilite l’exercice d’une citoyenneté éclairée et sous-tend le progrès social, au même titre que les progrès technologiques, industriels et commerciaux. D’où l’importance que nous devons accorder collectivement aux questions touchant l’éducation scientifique et technologique à l’école», concluent les chercheurs dans leur rapport.