Le Désordre des choses, une exposition collective présentée à la Galerie de l’UQAM, rassemble des œuvres autour de la question de la désobéissance et du désordre. «Nous avons choisi des œuvres qui semblent avoir à première vue une ”apparence normale”, mais qui en réalité n’obéissent pas aux normes, convenances et autres règles de bienséance, explique la professeure Thérèse St-Gelais, du Département d’histoire de l’art, qui assure le commissariat de l’exposition avec la chargée de cours Marie-Ève Charron. On s’amuse en quelque sorte à déconstruire, à déjouer et à faire dévier ces règles.»
Les travaux choisis de Maria Marshall, de Catherine Opie, de Melanie Smith, de Rafael Ortega, de Pilvi Takala, de Mathieu Lefèvre, de Rosemarie Trockel et des diplômés Édith Brunette, Michel de Broin, Arkadi Lavoie Lachapelle, Emmanuelle Léonard et de la professeure Christine Major, de l’École des arts visuels et médiatiques, révèlent ainsi différentes formes de conditionnement tout comme la mise en doute de l’autorité. Dans un cliché, l’artiste queer Catherine Opie prend une pose rappelant la madone à l’enfant. L’image de cette madone allaitante des plus modernes, arborant plusieurs tatouages et à la silhouette virile «peut laisser l’impression d’une mauvaise mère», remarque la commissaire. «Mais qu’en est-il vraiment? Qui sommes-nous pour juger?», demande-t-elle.
Une vidéo absurde de Melanie Smith et de Rafael Ortega montre des gens se promenant avec un immense objet rouge bizarre et à l’allure déformée qu’ils abandonnent par la suite à différents endroits (un salon, un restaurant, etc.) afin de susciter (ou pas) des réactions. «C’est un objet qui ne veut rien dire, qui n’a pas rapport et qui se place en totale discordance peu importe où il passe», rapporte la commissaire.
L’artiste britannique Maria Marshall présente pour sa part une vidéo de ses deux enfants se berçant tranquillement dans leur hamac tout en balançant à leur mère des «Je te déteste» bien sentis! «Cette phrase assassine vient casser ce à quoi l’on peut s’attendre habituellement entre une mère et ses enfants», décrit Thérèse St-Gelais.
Avec son œuvre en verre cassé qui peut littéralement blesser les visiteurs, le défunt jeune artiste et ancien étudiant en arts visuels Mathieu Lefèvre brise les convenances en art. Michel de Broin présente une voiture des plus loufoques. «Il y a grande part d’humour dans l’exposition, remarque Thérèse St-Gelais. La déroute est bien souvent acceptable lorsqu’elle passe par une telle voie.»
L’idée d’une telle exposition est venue aux commissaires de leur intérêt commun pour le travail esthétique réalisé durant les manifestations étudiantes du printemps 2012, dont elles ont présenté certains aspects dans des communications. Dans le cadre de cette exposition, seule Édith Brunette présente toutefois une vidéo directement en lien avec les événements du printemps érable portant sur l’altercation survenue au Cégep Lionel-Groulx en mai 2012 entre des enseignants, des policiers, des étudiants et des parents. «Le Désordre des choses ne présente pas des œuvres militantes; il n’y a pas d’engagement de la part des artistes. Les œuvres de cette exposition nous donnent plutôt des ouvertures, la liberté de penser, le droit de dire ce que l’on pense», observe la commissaire.
Transcender l’architecture
La Galerie présente également Transcender l’architecture, de Marie-Ève Martel, finissante à la maîtrise en arts visuels et médiatiques. C’est à travers l’étude de deux bâtiments distincts – la cabane rustique dans les bois à Walden Pond (Concord, MA) inspirée du livre Walden ou la Vie dans les bois de Henry David Thoreau; et la bibliothèque moderne Beinecke Rare Book and Manuscript Library de l’Université Yale (New Haven, CT) – que l’artiste crée un dialogue poétique et philosophique sur ce qu’est un «lieu de la connaissance». D’un côté, la cabane de Walden représente l’autonomie, l’autosuffisance et l’expérimentation, tandis que la bibliothèque de la prestigieuse université américaine symbolise, d’une certaine façon, le savoir institutionnalisé et le pouvoir de l’État. Au moyen de la peinture, de la sculpture et du dessin, les œuvres, qui prennent la forme d’un dialogue entre les deux bâtiments, questionnent notre manière de construire, à travers l’architecture, un ordre existentiel, social/politique, tout en explorant l’impact psychologique de cet ordre physique, le rapport «subconscient» aux lieux et à la «poétique de l’espace».
Récipiendaire de différentes bourses (CALQ, Fondation Elizabeth Greenshields), Marie-Ève Martel s’intéresse à notre façon d’habiter et de construire l’espace, aux lieux et à leur histoire, ainsi qu’aux valeurs que ces lieux véhiculent et à l’imaginaire qu’ils déclenchent. Son travail a fait l’objet de plusieurs expositions individuelles, notamment au Centre national d’exposition à Jonquière, en 2013, et a aussi été présenté dans des expositions collectives au Québec, à Vancouver et à Toronto.
Les deux expositions se poursuivent jusqu’au 21 février.