L’Équipe de recherche Qualité éducative des services de garde et petite enfance de l’UQAM demande au gouvernement du Québec de renoncer à l’augmentation et à la modulation des tarifs des services de garde en fonction du revenu familial, prévues au projet de loi n° 28. «Cette loi s’attaque directement à l’universalité des services de garde par leur commercialisation, affectant l’accessibilité, l’équité et la qualité des services, ainsi que le développement des enfants, en particulier les plus vulnérables » affirment les chercheurs spécialisés en petite enfance.
Les professeures Nathalie Bigras et Lise Lemay, du Département de didactique, et Liesette Brunson, du Département de psychologie, déposeront un mémoire au nom de l’équipe de recherche, le 11 février, devant la Commission des finances publiques. Ce mémoire, intitulé «Qualité, universalité et accessibilité, éclairages de la recherche et recommandations pour les politiques», sera présenté à Québec à l’occasion des Consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 28.
Selon les auteurs du mémoire, l’augmentation et la modulation des tarifs auront pour effet d’exclure les familles les plus vulnérables et celles de la classe moyenne des services de garde de qualité. Ils estiment que la réforme alourdira le fardeau économique des familles qui comptent de jeunes enfants et les forcera à se tourner vers les services les moins coûteux. Pour les chercheurs, la structure de crédits d’impôts favorisera la fréquentation des garderies à vocation commerciale, où la qualité des services est beaucoup plus faible comme plusieurs recherches l’ont démontré.
«Par-dessus tout, c’est le principe de l’universalité du réseau des Centres de la petite enfance (CPE) qui est remis en question », soutient Nathalie Bigras, directrice scientifique de l’équipe de recherche.
Investir dans la petite enfance
«La modulation des tarifs en fonction des revenus des familles réduira l’accès des enfants aux CPE, notamment ceux issus de familles vulnérables, ce qui affectera directement leur développement et aura un impact tout aussi direct sur les coûts supplémentaires que l’État devra assumer tout au long de leur parcours scolaire», soulignent les auteurs du mémoire.
Nathalie Bigras croit qu’il est possible pour l’État, même en période de rigueur budgétaire, de choisir d’investir dans les enfants et leur avenir. «Pour cela, il faut que le gouvernement reconnaisse la valeur indéniable, à court et à long terme, d’un investissement dans l’éducation dès la petite enfance», dit-elle.
Créer des places
En plus de réclamer le retrait du projet de loi, les membres de l’équipe de recherche demandent au gouvernement de relancer la création de places dans les CPE, comme le prévoyait le plan de développement de 2012. Ils prônent aussi l’instauration d’un suivi de la qualité dans tous les services de garde régis par l’État, de même qu’un moratoire sur le développement de nouvelles places dans les services de garde à vocation commerciale, et ce d’ici la parution des résultats de l’Enquête québécoise sur la qualité des services de garde éducatifs 2014 intitulée «Grandir en Qualité ».
Les chercheurs invitent également le gouvernement à créer un groupe de travail non partisan, composé d’experts, ayant pour mandat de proposer des recommandations «afin que la société québécoise bénéficie d’un réseau de services éducatifs à la petite enfance universel, accessible, équitable et de haute qualité».
Les auteurs du mémoire recommandent enfin d’offrir gratuitement des places en CPE à tous les enfants du Québec, «puisque les services de garde éducatifs à la petite enfance sans but lucratif doivent être considérés comme un droit au même titre que les écoles publiques».
Créée en 2009, l’Équipe Qualité éducative des services de garde et petite enfance est composée de trois autres chercheurs de l’UQAM – Annie Charron (didactique), Geneviève Cadoret (kinanthropologie) et Gilles Cantin (didactique) – et des professeurs Caroline Bouchard, de l’Université Laval, Gordon Cleveland, de l’Université de Toronto, et Sylvain Coutu, de l’Université du Québec en Outaouais. L’équipe a obtenu, à ce jour, 12 subventions de recherche pour près d’un million de dollars et compte une soixantaine de publications.