La station de métro Peel, le pavillon du Québec à l’Exposition universelle de 1967, l’aérogare internationale de Mirabel… Si ces grandes réalisations sont connues, leurs architectes le sont beaucoup moins. Le Centre de design invite le public à les découvrir, du 12 novembre au 17 janvier prochains, grâce à l’exposition Papineau, Gérin-Lajoie, Le Blanc. Une architecture du Québec moderne, 1958-1974. Plans, esquisses et maquettes font revivre les projets les plus marquants de cette agence qui concevra certains des bâtiments les plus techniquement novateurs, visuellement mémorables et symboliquement chargés de l’architecture moderne du Québec.
Louis-Joseph Papineau, Guy Gérin-Lajoie et Michel Le Blanc se rencontrent dans les années 1950 à l’École d’architecture de l’Université McGill. En 1958, à l’aube de la Révolution tranquille, les trois jeunes hommes s’associent pour fonder l’agence Papineau, Gérin-Lajoie, Le Blanc (PGL), bien connue aujourd’hui des architectes, mais bien peu du grand public. Les commissaires de l’exposition – les professeurs Louis Martin, du Département d’histoire de l’art, ainsi que Carlo Carbone et Réjean Legault, de l’École de design – ont sélectionné neuf de leurs projets, conçus entre 1958 et 1974, dont ceux de la station de métro Peel (1962-1966) – l’une des premières à intégrer des œuvres d’art –, de la résidence des étudiantes de l’Université de Montréal (1964-1965), du pavillon du Québec à Expo 67, du Centre culturel de la Cité des jeunes de Vaudreuil et de l’aérogare internationale de Mirabel, inaugurée en 1974 et démolie 40 ans plus tard.
L’exposition propose des documents d’archives, des photos de construction, des esquisses, des croquis, des maquettes d’interprétation ainsi que deux maquettes originales et inédites du pavillon du Québec et de l’aérogare de Mirabel, fabriquées par l’agence PGL. Tous ces éléments permettent aux visiteurs de saisir l’ampleur et la nature complexe des projets, leur genèse, leurs soubresauts et leur transformation au fil du temps.
Une œuvre originale
Ce corpus exceptionnel d’équipements publics se distingue par son innovation. L’agence PGL préconise une architecture épurée et géométrique, dont la forme dépouillée mise sur le raffinement du détail.
«Ces architectes ont travaillé pendant une période fascinante, celle de la modernisation politique du Québec, qui s’accompagnait de la modernisation des infrastructures, notamment en éducation et en transport», souligne Louis Martin. Le professeur et ses collègues ont voulu mesurer dans l’exposition l’écart ou, dans certains cas, la proximité entre la commande de départ du client et la culture moderniste des architectes de PGL. «Ceux-ci appartiennent à une génération qui a été confrontée à un dilemme: copier les formes des architectes modernistes qui les avaient précédés, tel que Le Corbusier, ou s’inspirer de leur inventivité pour en créer de nouvelles, explique Louis Martin. Leur originalité a consisté à importer et à adapter au Québec les formes qui circulaient dans le milieu international de l’architecture.»
PGL a été la première grande firme d’architectes francophones d’ici. «Des architectes qui effectuaient un travail interdisciplinaire en faisant appel à des graphistes et à des artistes, comme le peintre Jean-Paul Mousseau, qui a réalisé les cercles en céramique à la station de métro Peel», observe l’historien de l’art.
Ce projet de la station Peel, particulièrement complexe, est l’incarnation d’un ordre architectural moderne en béton, aux formes rondes. «La station était située immédiatement sous la rue et il n’y avait pas d’édicule pour y entrer, souligne Louis Martin. Il fallait passer par les bâtiments environnants. C’était inédit à l’époque. L’exposition permet de voir les différentes solutions envisagées par les architectes.»
En 1964, PGL remporte le concours pour la construction du pavillon du Québec en vue de l’exposition universelle de Montréal, qui doit se tenir quatre ans plus tard. «Ce bâtiment, carré comme une boîte, qui fut l’une des icônes de l’architecture des années 1960, a été célébré dans la presse internationale», rappelle le professeur. Dans ce cas-ci, les membres de PGL, en collaboration avec l’architecte Luc Durand, ont opté pour le verre plutôt que le béton. «Tout autour des salles d’exposition, ils avaient imaginé un corridor permettant aux visiteurs de se déplacer derrière un rideau et de contempler le spectacle à l’extérieur. Le pavillon réfléchissait la lumière le jour et s’éclairait le soir, permettant aux passants de voir à l’intérieur.»
En plus des nombreux bâtiments institutionnels et résidentiels, l’agence PGL développe une expertise, à la fin des années 1970, pour la construction d’édifices adaptés aux climats extrêmes et aux sites difficiles d’accès en exploitant les potentialités des matériaux synthétiques et de la préfabrication.
La firme continue à œuvrer sous le nom de PGL jusqu’en 1981 et élabore par la suite des projets internationaux en Afrique et au Moyen-Orient. Elle poursuivra ses activités jusqu’en 1990, avant d’être dissoute.