Les régimes de retraite sont au cœur de l’actualité au Québec ces jours-ci avec le projet de loi 3. Les tensions qui animent les débats font parfois oublier que les problématiques financières et actuarielles sont complexes. Une étude pilotée par trois chercheurs, dont le professeur Pierre-Carl Michaud, du Département des sciences économiques, s’est penchée sur le niveau de littératie financière des Canadiens, en lien avec la planification de la retraite.
L’étude s’est appuyée sur une enquête réalisée en 2012 auprès de plus de 6 000 Canadiens par les Autorités canadiennes en valeurs mobilières (ACVM), en collaboration avec la firme Innovative Research. «L’intérêt d’une telle enquête était de recueillir des données comparables sur la scène internationale, explique Pierre-Carl Michaud. Pour cela, il fallait poser les mêmes questions utilisées précédemment dans une douzaine de pays.»
L’ACVM a fait appel à Annamaria Lusardi, professeure à la George Washington University School of Business, afin d’analyser les données recueillies. Le professeur Michaud s’est joint à elle en compagnie de David Boisclair, agent de recherche à la Chaire de recherche Industrielle Alliance sur les enjeux économiques des changements démographique. Leur étude a été parrainée par le CIRANO.
Les trois questions
1 – Supposons que vous avez 100 dollars dans un compte d’épargne et que le taux d’intérêt est de 2 % par année. Après cinq ans, combien croyez-vous avoir dans le compte si vous y laissez l’argent fructifier? a) Plus que 102 dollars ; b) Exactement 102 dollars ; c) Moins que 102 dollars; d) Je ne sais pas.
2 – Imaginez que le taux d’intérêt de votre compte d’épargne est de 1 % et que l’inflation est de 2 %. Après un an, que seriez-vous en mesure d’acheter avec l’argent du compte? a) Plus qu’aujourd’hui; b) Exactement la même chose; c) Moins qu’aujourd’hui; d) Je ne sais pas.
3 – Est-ce que la phrase suivante est vraie ou fausse? Acheter des actions d’une seule entreprise procure habituellement un rendement plus sécuritaire qu’un fonds commun de placement. a) Vrai; b) Faux; c) Je ne sais pas.
Les réponses se trouvent à la fin du texte.
Dans la moyenne internationale
Seulement 42 % des répondants canadiens ont répondu correctement aux trois questions. Ce nombre chute à 30 % chez les 18-34 ans. «Ce sont pourtant des questions qui renvoient à des connaissances élémentaires, utiles pour fonctionner en société», observe Pierre-Carl Michaud.
C’est la première question qui a récolté le plus de bonnes réponses (78 %), suivie par la deuxième (66 %) et la troisième (59 %). Les Québécois ont moins bien performé (39 %) que la moyenne des Canadiens. Ils se situent tout de même dans la moyenne internationale – meilleurs que les Japonais (27 %) et les Américains (30 %), mais moins bons que les Néerlandais (45 %) et les Allemands (53 %). «Peu importe le pays, les hommes répondent mieux que les femmes», note Pierre-Carl Michaud. En effet, 51 % des hommes ont répondu correctement aux trois questions, contre 33 % des femmes, qui sont en revanche plus nombreuses à répondre “Je ne sais pas”. «C’est fascinant parce qu’on retrouve ce comportement dans tous les pays», note le chercheur.
Planification de la retraite
On avait également demandé aux participants s’ils avaient souscrit à des produits financiers habituellement associés à la retraite, comme un REER, un CELI, etc. «Les gens qui ont eu trois bonnes réponses sont plus susceptibles d’investir dans ce type de produits financiers liés à la planification de la retraite, et ce dans tous les pays», souligne Pierre-Carl Michaud.
Ces corrélations ne démontrent pas nécessairement un lien causal entre la littératie financière et les comportements en planification de la retraite, note toutefois le chercheur. «Cette étude ne permet pas d’affirmer qu’en haussant le niveau de littératie financière, on augmenterait le niveau de préparation à la retraite. Ce n’est pas encore établi scientifiquement.»
Un cours d’économie?
Malgré l’absence de lien causal clairement établi, hausser le niveau de littératie financière de la population demeure un objectif louable. «La littératie financière est un outil d’autonomie qui permet à la fois au consommateur de mieux juger les produits qui lui sont offerts et de prendre part aux débats de société», note Pierre-Carl Michaud.
Selon lui, les jeunes ont tout à gagner. «Ils n’auront sans doute pas d’employeurs leur offrant des régimes de retraite généreux. Ils devront donc être capables de s’orienter parmi la panoplie de produits financiers pour planifier leur retraite.»
Le cours d’initiation à la vie économique, donné à l’école secondaire, a été aboli en 2009 au Québec. Le professeur n’est pas contre l’idée de réintroduire un cours d’économie dans le cursus, mais les défis sont nombreux. «L’enjeu avec l’éducation financière, c’est d’être capable d’enseigner les bonnes notions au bon moment, poursuit-il. Au secondaire, par exemple, il est inutile d’expliquer les REER. Cela ne fait pas partie des préoccupations des jeunes. Il faut plutôt enseigner comment faire un budget et le respecter, et aborder des sujets comme le crédit et les dettes d’études. Bref, il y a un temps pour chaque type d’apprentissage en matière de finance personnelle. Et il faut toujours garder en tête que les décisions prises au début de la vie adulte ont des impacts à long terme.»
Les bonnes réponses:
1. a
2. c
3. b
