La Clinique internationale de défense des droits humains de l’UQAM (CIDDHU) a soumis, le 10 novembre dernier, un rapport au Comité onusien pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes. Intitulé Shadow report on the State Party : St. Vincent and the Grenadines, Violences against Women and Girls, ce rapport est le fruit d’une collaboration entre la CIDDHU et l’Association pour les droits humains de Saint-Vincent-et-les-Grenadines, un état insulaire situé dans les Petites Antilles. «Saint-Vincent-et-les-Grenadines est un tout petit pays de la taille de Trois-Rivières, avec un peu moins de 110 000 habitants, où la violence sexuelle envers les femmes atteint des proportions alarmantes», souligne Mirja Trilsch, professeure au Département des sciences juridiques et directrice de la CIDDHU.
Ce sont des travailleuses sociales de deux organismes montréalais, le Mouvement contre le viol et l’inceste et la Maison Bleue, qui ont alerté la CIDDHU au sujet de nombreux cas de viols, d’incestes et de violence domestique rapportés par des femmes migrantes de Saint-Vincent-et-les-Grenadines. Entre 2004 et 2011, le taux de viols par 100 000 habitants a doublé, passant de 177,8 à 389,5, peut-on lire dans le rapport. «Saint-Vincent-et-les-Grenadines se classe au quatrième rang mondial à ce chapitre», note Mirja Trilsch.
Produit sous la direction de la professeure, avec le soutien de Me Catherine Lafontaine et de Me Michelle Langlois, le rapport a été rédigé par deux équipes formées d’étudiants et de diplômés de l’UQAM. «Ils ont travaillé fort pour trouver les informations pertinentes, raconte la directrice de la CIDDHU. Une recherche sur le Web et dans les journaux a permis de rassembler certains éléments, mais il nous manquait des données essentielles, comme les lois de Saint-Vincent-et-les-Grenadines et la jursiprudence du pays. Finalement, une bibliothécaire de la High Court de Saint-Vincent-et-les-Grenadines nous a envoyé par courriel le code criminel du pays.»
Saint-Vincent-et-les-Grenadines en bref
Saint-Vincent-et-les-Grenadines est un petit État indépendant des Antilles. Il est constitué de l’île de Saint-Vincent (la plus grande du pays) et des îles septentrionales de l’archipel des Grenadines (une trentaine de petites îles, dont moins d’une douzaine sont habitées).
Les îles des Grenadines les plus importantes sont Bequia, Canouan, Moustique, Mayreau et Union. La superficie totale du pays est de 389 km², l’île de Saint-Vincent représentant 344 km², les Grenadines, seulement 45 km².
Le pays fait partie des Îles-du-Vent dans la mer des Caraïbes du Sud-Est et se situe au sud de Sainte-Lucie et au nord de La Grenade. La capitale est Kingstown.
La population de Saint-Vincent-et-les-Grenadines — comprenant des Saints-Vincentais et des Grenadins — représente environ 110 000 habitants. La majorité de la population (92 %) est concentrée dans l’île de Saint-Vincent, notamment près de la côte sud où se trouve Kingstown, les Grenadines ne comptant que pour environ 8 % de la population totale. L’anglais est la langue officielle et est utilisée comme langue seconde par presque tous les habitants. Dans leur vie quotidienne, les habitants parlent un créole à base d’anglais.
Recommandations
Le rapport explique la situation qui prévaut à Saint-Vincent-et-les-Grenadines et présente quelques recommandations. «Il y a un grave problème d’impunité dû à une absence de législation dans le code criminel, souligne Mirja Trilsch. La violence domestique n’est pas criminalisée de façon explicite et le Domestic violence act, la législation contre la violence domestique au niveau civil, n’est pas mis en œuvre de façon efficace.»
L’impunité est également attribuable à l’absence de confidentialité, poursuit la professeure. «Les poursuites pénales échouent car les agresseurs connaissent des gens qui connaissent des policiers et des juges. Tout le monde connaît tout le monde. Cela explique pourquoi un nombre effarant de femmes ne portent pas plainte. Le pays est petit, elles n’ont pas de refuge et ne peuvent pas être anonymes. Pas étonnant que plusieurs d’entre elles aient choisi de se réfugier au Canada.»
Selon les données de Citoyenneté et Immigration Canada, Saint-Vincent-et-les-Grenadines se classait au huitième rang des dix principaux pays d’origine des demandeurs d’asile arrivant au Canada en 2011, avec 2208 demandes. Selon celles du ministère québécois de l’Immigration et des communautés culturelles, 497 femmes (contre 240 hommes) ont été admises au Québec entre 2007 et 2011 en provenance de Saint-Vincent-et-les-Grenadines.
L’absence de services sociaux adéquats explique par ailleurs le manque de protection des victimes qui portent plainte, souligne le rapport. «Il existe aujourd’hui un refuge pour femmes à Saint-Vincent-et-les-Grenadines, mais ce dernier ne peut accueillir que dix femmes à la fois, pour une période de trois mois, et uniquement si celles-ci ont demandé une injonction au tribunal, un processus qui peut justement durer plus de trois mois», déplore Mirja Trilsch.
Enfin, l’absence de prises de position et de messages clairs de la part du gouvernement de Saint-Vincent-et-les-Grenadines pour dénoncer la violence faite aux femmes et aux filles fait partie du problème endémique. «Le système politique et juridique ne protège pas suffisamment les femmes et la population en général demeure peu éduquée et sensibilisée», conclut la professeure.