
De plus en plus peuplées, de plus en plus complexes, les agglomérations urbaines sont des écosystèmes fragiles. Soumises à un ensemble de risques sanitaires et de perturbations de leur fonctionnement, que ce soit dans leur approvisionnement en eau ou en énergie, dans leurs systèmes de transport ou de collecte des déchets, elles subissent également les contraintes liées aux changements environnementaux et climatiques. Comment les infrastructures vont-elles résister à ces perturbations et continuer à fonctionner? C’est le sujet du dossier «La résilience en action dans les territoires urbains» présenté dans le dernier numéro de Vertigo, la revue électronique en sciences de l’environnement.
«Le concept de résilience n’est pas nouveau en écologie, mais ce n’est que récemment qu’il est apparu dans le langage scientifique pour analyser les structures urbaines, ce qui inclut les modes de gouvernance et les sociétés», explique le professeur associé et chargé de cours à l’Institut des sciences de l’environnement Éric Duchemin (Ph.D. sciences de l’environnement, 2000), qui a codirigé ce dossier avec la professeure Yona Jébrak, du Département d’études urbaines et touristiques, ainsi que des collègues européens. De plus en plus utilisé par les urbanistes et les ingénieurs, ce concept permet d’approcher la planification des infrastructures urbaines dans une perspective évolutive.
«On essaie de concevoir et de planifier les infrastructures non plus seulement pour la durée, mais dans un mode évolutif, précise Éric Duchemin. Par exemple, on a développé des réseaux routiers qui coûtent extrêmement cher et dont nous sommes devenus dépendants, sans jamais se demander ce qui allait arriver quand il n’y aurait plus de pétrole. Aujourd’hui, on essaie de penser nos aménagements en sachant qu’un jour les conditions ne seront plus propices à ces infrastructures et qu’on devra passer à autre chose.»
À côté d’articles se penchant sur des problématiques urbaines concrètes analysées sous l’angle de la résilience dans les villes de Paris et de Dublin, le dossier propose aussi des approches plus critiques, sociologiques et philosophiques. Ainsi, un article de Florence Rudolf, professeure à l’Institut des sciences appliquées de Strasbourg, se demande si la résilience n’est pas qu’un réformisme de plus. L’engouement pour le concept de résilience «ne risque-t-il pas d’entretenir une nouvelle vague d’illusion quant à la capacité de réforme de notre système économique et social?» se demande-t-elle. «Certains disent qu’au lieu de penser toujours plus loin et plus en avant, on devrait peut-être s’arrêter et se dire qu’il faut changer complètement de paradigme», explique Éric Duchemin.
Tous les dossiers proposés par Vertigo se caractérisent par leur approche multidisciplinaire. Si son comité de rédaction est majoritairement québécois/canadien, la revue compte de nombreux collaborateurs de l’Europe, où se trouve une bonne partie de son lectorat. Elle cultive également des liens avec des collaborateurs de pays en développement. «Avec notre prochain dossier, consacré à l’agriculture, notre objectif est d’attirer des contributions de chercheurs africains, mentionne Éric Duchemin. L’agriculture est un sujet susceptible de les intéresser et pour lequel ils peuvent obtenir des fonds de de recherche de leurs gouvernements.»
Hébergée à l’UQAM, Vertigo est l’une des plus anciennes revues électroniques toujours vivantes. Fondée en 2000, cette revue scientifique en accès libre est subventionnée par le CRSH et le FRQSC depuis que les revues électroniques sont reconnues par les fonds de recherche. Elle publie trois numéros réguliers par année, en plus de numéros hors série. L’an dernier, elle a mis en ligne 135 articles révisés par un comité de pairs, sans compter les recensions d’ouvrages.
Son directeur et fondateur, Éric Duchemin, terminait son doctorat quand il s’est lancé dans l’aventure de Vertigo. «Je trouvais qu’il manquait un média scientifique dédié aux sciences de l’environnement», dit-il. À l’époque où apparaissaient des sites comme Érudit et revue.org, le format électronique s’est imposé. «C’était dans l’air du temps», dit le fondateur de la revue, qui souligne avec fierté que Vertigo est la deuxième publication la plus lue sur la plateforme de revues scientifiques européenne revues.org/opendition, avec 2700 lecteurs quotidiennement, majoritairement en France.