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Regard populaire sur les coopératives

Une étude internationale pilotée par la Chaire de coopération Guy-Bernier questionne le regard que porte la population sur les coopératives.

Par Claude Gauvreau

8 octobre 2014 à 16 h 10

Mis à jour le 8 octobre 2014 à 16 h 10

Les entreprises coopératives doivent se recentrer sur leur mission première, soit répondre aux besoins sociaux, économiques et culturels de leurs membres. C’est l’un des principaux constats d’une étude internationale menée par la Chaire de coopération Guy-Bernier de l’École des sciences de la gestion, en collaboration avec la Chaire de recherche Lyon 3 Coopération. Les résultats ont été dévoilés le 8 octobre au Sommet international des coopératives qui se tient à Québec.

Commanditée par le Mouvement Desjardins, cette étude porte sur la perception populaire de la nature des entreprises coopératives et sur leur notoriété. Réalisée auprès de 4 000 personnes provenant de dix pays – Canada, États-Unis, France, Angleterre, Allemagne, Brésil, Argentine, Afrique du Sud, Japon et Corée du Sud – elle s’intéresse à l’image des coopératives et identifie les pratiques qu’elles doivent développer pour démontrer à la population qu’elles respectent les valeurs et les principes coopératifs.

Qu’est-ce qu’une coopérative ?

Selon l’Organisation internationale des coopératives de production industrielle, artisanale et de services, une coopérative est «une association autonome de personnes volontairement réunies pour satisfaire leurs aspirations et besoins économiques, sociaux et culturels communs au moyen d’une entreprise dont la propriété est collective et où le pouvoir est exercé démocratiquement.

Les chercheurs ont couvert quatre secteurs d’activités des coopératives – finances, consommation, travail, production – et analysé l’incidence sur le jugement du grand public des pratiques associées aux principes coopératifs (ouverture, engagement dans le milieu, fonctionnement démocratique, partage des bénéfices entre les membres) et à la mission des coopératives (prise en compte de l’intérêt des consommateurs, des travailleurs et des producteurs).

L’étude s’inscrit dans la foulée d’une autre recherche, amorcée en 2011 par la Chaire de coopération Guy-Bernier à la demande de la Fédération des Caisses Desjardins du Québec. «Nous avions alors sondé 1500 membres des caisses Desjardins pour connaître leurs attentes et leur perception de la nature coopérative de leur caisse, explique Michel Séguin, professeur au Département d’organisation et ressources humaines et titulaire de la Chaire. Selon la recherche, les membres accordaient la priorité à la qualité de l’offre de services financiers et au respect par la caisse de sa mission sociale.»

Se faire connaître

Michel SéguinPhoto: Émilie Tournevache

Même s’il est encore trop tôt pour tirer toutes les conclusions qui s’imposent, quelques grands constats se dégagent des résultats de l’étude internationale. Premièrement, les coopératives sont méconnues. «Une forte majorité de répondants, soit 78,2 %, était incapable d’identifier une entreprise de type coopératif, peu importe le secteur d’activités, souligne Michel Séguin. Au Québec, beaucoup de gens ne savent pas qu’Olymel et Agropur sont des coopératives. Certains dirigeants de coopératives n’osent pas afficher clairement l’identité de leur entreprise, de crainte que celle-ci soit perçue comme folklorique ou de faible envergure.»

L’étude révèle également que les répondants perçoivent de façon positive la responsabilité sociale des coopératives et le fait qu’elles accordent la priorité au rendement financier à long terme plutôt qu’au profit à court terme. L’image est toutefois plus mitigée en ce qui concerne leur capacité d’innover et l’avantage concurrentiel de leur offre de services.

Autre constat, les coopératives ont intérêt à favoriser des pratiques qui correspondent aux principes coopératifs. L’ouverture à tous, l’engagement dans le milieu et les modes de fonctionnement démocratique sont les facteurs les plus susceptibles d’influencer positivement le jugement du public sur la nature coopérative des entreprises. «Les coopératives ont des finalités et des façons de faire qui leur sont propres, observe le professeur. Ces éléments distinctifs méritent d’être mieux exploités.»

Il semble par ailleurs que les répondants sont modérément disposés à recommander la coopérative à un tiers et que leur attirance envers la marque COOP soit tout aussi modérée. Ils ne sont pas prêts à payer davantage pour transiger avec une coopérative et sont faiblement attirés par les coopératives en tant qu’employeur.

Répondre aux besoins

L’autre grand constat de l’étude concerne la finalité des coopératives. Parmi les pratiques associées à la mission des coopératives, ce sont celles relatives à la prise en considération de l’intérêt du consommateur qui ont le plus d’influence sur le jugement du public, révèle l’étude. «Le mouvement coopératif ne pourra pas faire valoir les principes coopératifs auxquels il est attaché s’il ne les considère pas comme une valeur ajoutée à sa véritable finalité, qui consiste à répondre aux besoins des membres», soutient Michel Séguin.

Le chercheur se demande même si, au cours des dernières années, le mouvement coopératif n’a pas été davantage préoccupé par le respect de ces principes au détriment de sa mission première. «Cette hypothèse mériterait à elle seule le développement d’une nouvelle recherche», dit-il.

Michel Séguin conclut en évoquant la figure d’Alphonse Desjardins, le fondateur du Mouvement Desjardins en 1897. «Celui-ci voulait donner aux Québécois un accès à des services financiers pour qu’ils acquièrent une plus grande autonomie, rappelle le professeur. Pour lui, l’ouverture aux autres, le fonctionnement démocratique et l’implication dans le milieu des coopératives étaient avant tout des moyens qui permettaient de mieux répondre aux besoins des consommateurs.»

L’étude est disponible sur le site de la Chaire de coopération Guy-Bernier.