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David contre Goliath

Le combat de Claude Robinson pour le respect de ses droits d’auteur fera l’objet d’une conférence publique à l’UQAM.

Par Claude Gauvreau

17 avril 2014 à 16 h 04

Mis à jour le 17 septembre 2014 à 19 h 09

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Claude Robinson. Photo: François Roy / La Presse

Septembre 1995. L’auteur et dessinateur Claude Robinson regarde à la télévision le premier épisode de Robinson Sucroë, une nouvelle série d’animation pour enfants. Il constate alors qu’il s’agit d’une copie de son œuvre Robinson Curiosité, qu’il a imaginée au début des années 80.

Le 23 décembre dernier, après une bataille juridique de près de 20 ans, la Cour suprême du Canada, dans un jugement unanime, confirmait les décisions de la Cour supérieure (2009) et de la Cour d’appel (2011) du Québec selon lesquelles les entreprises Cinar, France Animation, Ravensburger et RTV Family Entertainment avaient plagié l’oeuvre originale de Claude Robinson pour produire leur série télévisée. De plus, la Cour ordonnait aux maisons de production de verser au dessinateur l’équivalent d’environ 4 millions de dollars.

Pour retracer le parcours de Claude Robinson et comprendre la portée du jugement de la Cour suprême, le Regroupement des artistes en arts visuels du Québec (RAAV) et Illustration Québec (IQ), en collaboration avec la Faculté des arts, convient le public à une conférence intitulée Claude Robinson: Le combat d’un créateur pour le respect de ses droits d’auteur. L’événement se tiendra au pavillon de Sève (DS-R510), le 22 avril prochain, à compter de 19 heures. 

Cette conférence sera donnée par Normand Tamaro, avocat spécialisé en droit de la propriété intellectuelle et en droit d’auteur, qui a accompagné et représenté Claude Robinson en Cour suprême. Chargé de cours au Département des sciences juridiques, il pratique le droit au sein du cabinet Manella, Gauthier, Tamaro. Il a signé d’importants ouvrages, dont la Loi sur le droit d’auteur – texte annoté, Le droit d’auteur, fondements et principes et Le droit et les contrats en arts visuels, en collaboration avec Georges Azzaria, pour le compte du RAAV.

Une avancée majeure

Normand Tamaro connaissait Claude Robinson depuis plusieurs années et avait suivi de près son dossier avant de devenir officiellement son avocat conseil à la Cour suprême. Selon lui, l’histoire de cet artiste, sa détermination et le jugement de la Cour suprême ont conduit à une avancée majeure pour les droits d’auteur et pour la cause de tous les artistes.

«À l’avenir, les artistes du milieu de la production audiovisuelle seront mieux protégés contre des producteurs de cinéma ou de télévision qui seraient tentés de s’approprier une œuvre en élaboration ou à l’étape du développement, souligne l’avocat. Dans l’esprit de certains producteurs, il suffisait de modifier quelque peu une histoire, de transformer les traits physiques des personnages et de changer des mots dans les dialogues pour s’emparer des idées véhiculées dans un scénario et les exploiter commercialement. La Cour suprême a fait comprendre que ce n’est pas ainsi que la loi sur le droit d’auteur fonctionne.»

Cette loi vise à protéger l’expression originale des idées dans les œuvres littéraires, dramatiques, musicales ou artistiques, telles que la structure de l’histoire, les caractères des personnages et le style graphique de divers éléments. Dans sa décision, la Cour suprême souligne que la violation du droit d’auteur consiste à s’approprier sans autorisation l’originalité d’une œuvre. Elle explique que pour déterminer si une partie importante de Robinson Curiosité avait été reproduite, les caractéristiques reprises par l’œuvre soupçonnée de plagiat devaient être examinées cumulativement en tenant compte de l’ensemble de l’œuvre de Claude Robinson.

Pour l’accès à la justice

Comment expliquer que Claude Robinson ait dû se battre si longtemps pour faire reconnaître ses droits ? Sa cause, hors norme, impliquait de nombreuses entreprises et mettait en jeu des sommes considérables, dit Normand Tamaro. «Claude Robinson a été confronté à des gens puissants et malhonnêtes qui pouvaient compter sur des assureurs, lesquels ont défrayé des millions de dollars en frais d’avocats. C’était David contre un, deux, trois Goliath.»

Le dessinateur est devenu une icône, non seulement du combat pour le respect des droits d’auteur mais aussi pour l’accès à la justice. «Seul au début, il a dit non et a tenu bon. La communauté artistique québécoise lui doit beaucoup», souligne l’avocat.

Le parcours de Claude Robinson n’est pas terminé pour autant puisqu’il devra s’affairer à récupérer une bonne partie des sommes qui lui ont été accordées par la Cour suprême. «Il n’aura peut-être pas tout l’argent qu’on lui doit, mais il ne se retrouvera pas le bec à l’eau», assure Normand Tamaro.

Connaître ses droits

L’avocat estime qu’il y a encore beaucoup trop d’artistes qui ne sont pas conscients de l’importance de protéger et de faire respecter leurs droits d’auteur. Des associations professionnelles, comme le RAAV et IQ, souhaitent sensibiliser les artistes et les informer sur l’importance d’être vigilant, de signer des contrats et de les conserver. «La Société des auteurs de radio, télévision et cinéma (SARTEC) a aussi mis en place un service de dépôt de manuscrits dans le but d’aider les créateurs à faire la preuve du contenu de leur œuvre et de leur statut d’auteur», note Normand Tamaro.  

Selon l’avocat, «le combat de Claude Robinson et le jugement de la Cour suprême pourraient favoriser l’établissement de relations plus sereines entre les artistes et les producteurs, tout en faisant prendre conscience à ces derniers qu’il y a des limites à ne pas franchir.»