
Pendant que des personnes venues d’ailleurs arborent d’une façon que certains qualifient d’«ostentatoire» leurs appartenances religieuses, la religion des Québécois se fait toujours plus discrète. Selon un récent sondage Radio-Canada CROP, moins de 60% se disent encore catholiques et, parmi ceux-ci, nombreux sont ceux qui se disent catholiques parce qu’ils ont été baptisés ou parce que leurs parents le sont.
Professeure au Département de sciences des religions, la psychologue Mona Abbondanza s’intéresse aux identités religieuses et areligieuses. Selon elle, malgré le fait que les églises se vident et que les gens refusent de s’associer à un groupe religieux, «presque la moitié continuent d’avoir des croyances, font des prières et trouvent cela important dans leur vie».
«La plupart des outils utilisés dans les enquêtes sont basés sur la pratique ou l’appartenance à un groupe religieux, note la psychologue. Cela a donné lieu à l’idée qu’il n’y avait plus de religion. Mais quand nous grattons un peu, nous nous apercevons que les gens ont des croyances et que ces croyances orientent leurs valeurs, leurs choix de vie et leurs réactions.»
Dans la mesure où les gens n’ont plus d’appartenances ou de pratiques, il faut trouver une nouvelle façon de mesurer leurs croyances et de faire un lien entre ces croyances, leurs valeurs et leurs choix de vie. C’est ce que Mona Abbondanza tente de faire dans ses recherches.
La professeure a développé un questionnaire qui permet d’étudier l’identité religieuse ou areligieuse en passant par des concepts abstraits plutôt que par l’appartenance à un groupe. Des affirmations sont soumises aux participants qui doivent dire dans quelle mesure ils s’y identifient ou non. Une première recherche sur l’identité chrétienne a été menée auprès d’étudiants de l’UQAM et de Concordia. «Quand cette mesure d’identité religieuse plus abstraite est utilisée, 56% des étudiants qui cochent être chrétiens indiquent trouver importante ou même très importante leur identité chrétienne», affirme Mona Abbondanza.
Avec ce type d’outil, des personnes peuvent se dire bouddhistes même si elles n’ont jamais fait partie d’un groupe bouddhiste, note la professeure, ou même avoir des identités doubles: athée et bouddhiste, par exemple. Mona Abbondazza est d’ailleurs en train d’adapter son questionnaire aux identités bouddhiste, hindoue, musulmane, juive, athée et agnostique. Son projet de recherche prévoit un échantillon de 600 participants au Québec, aux États-Unis, en France et en Angleterre.
La professeure, qui s’intéresse depuis longtemps aux différences culturelles veut, entre autres, tester le lien entre identité religieuse et ouverture aux autres. «Auparavant, on croyait que les gens plus religieux étaient moins ouverts, dit-elle. Mais dans l’étude que nous avons menée, les étudiants dont l’identité chrétienne était la plus forte étaient ceux qui avaient la plus grande ouverture.»
Mona Abbondanza a été nommée responsable, en novembre dernier, de la section Psychologie et religion de la Société canadienne de psychologie. Le mandat de cette section est de promouvoir le développement d’un secteur d’intérêt particulier sur la religion en psychologie.