
Véritable passionnée d’architecture moderne, France Vanlaethem a énormément contribué à faire reconnaître la valeur de ce patrimoine au Québec et sur la scène internationale. Fondatrice du Centre de design de l’UQAM, où elle a monté une trentaine d’expositions et organisé un grand nombre de colloques et de journées d’études, elle a contribué de façon marquante au rayonnement de l’Université tout au long de sa carrière. Elle vient de recevoir, lors de la collation des grades de la Faculté des arts, le titre de professeure émérite de l’École de design.
Pour cette architecte de formation, le fil conducteur de sa carrière, c’est d’avoir inscrit l’étude de l’architecture dans le cadre d’une carrière universitaire. «Cela peut paraître évident aujourd’hui, dit-elle, mais quand je suis arrivée à l’UQAM, en 1975, l’intégration de cette pratique à l’université était encore très récente. Pour une architecte, faire de la recherche universitaire, cela n’allait pas de soi.»
Auparavant, rappelle la professeure, l’architecture était enseignée aux beaux-arts, dans le cadre d’ateliers où le maître, lui-même praticien, transmettait son art à ses élèves. C’est d’ailleurs ainsi qu’elle a elle-même été formée, à l’École nationale supérieure d’architecture et des arts visuels – La Cambre, à Bruxelles. «Parmi mes collègues, j’ai été l’une des premières à compléter un doctorat», précise la professeure, qui a terminé ses études doctorales à l’Université de Montréal, en 1986, avec une thèse sur le mouvement moderne en Belgique.
France Vanlaethem a aimé enseigner dans une université jeune et dynamique, qui favorisait l’initiative et qui lui a permis de privilégier successivement l’enseignement – elle enseigne notamment l’histoire de l’architecture et les théories de l’architecture et du design –, le service à la collectivité, la recherche, puis, à nouveau, l’enseignement. «L’École de design avait une vision transversale des pratiques du design, dit-elle, ce qui a ouvert mes horizons.»
En 1981, elle fonde avec des collègues, dans un couloir du pavillon Arts IV (aujourd’hui le pavillon Sherbrooke), le Centre de design, un lieu d’exposition qui s’imposera progressivement sur la scène culturelle montréalaise comme le haut lieu du design contemporain et dont elle est la première directrice. En 1986, elle y organise l’exposition La chaise, un objet de design ou d’architecture?, l’un des événements phares de l’histoire du Centre. Quelques années plus tard, une autre exposition est consacrée à l’un des grands designers contemporains, l’Italien Gaetano Pesce, sur lequel elle écrit une monographie qui sera publiée à Milan, Londres, New York et Munich.
Alors qu’elle se consacre de plus en plus à la recherche, un événement survenu en 1988 vient infléchir son parcours de manière inopinée: la rénovation du Westmount Square, le grand complexe multifonctionnel construit à Montréal au milieu des années 60 par l’un des maîtres de l’architecture moderne, Mies van der Rohe. France Vanlaethem fait partie de ceux qui se mobilisent pour la préservation de cet ensemble architectural. C’est alors que commence son engagement envers le patrimoine moderne. «Cette action était dans le droit fil de mes intérêts de recherche centrés sur la modernité architecturale, note France Vanlaethem. Mais dorénavant, en plus de contribuer à l’avancement des connaissances, il me fallait travailler à préserver l’authenticité de ces œuvres majeures.»
Dans la foulée, France Vanlaethem crée Docomomo Québec, une antenne basée à l’UQAM de Docomomo international, un réseau voué à la documentation et à la conservation de l’architecture du mouvement moderne. «Le patrimoine moderne suscite une réflexion critique de par sa nature même, remarque-t-elle. L’architecture moderne étant une architecture de novation, le fait qu’elle devienne patrimoniale suscite naturellement des questions.»
Au cours des dernières années, France Vanlaethem a publié plusieurs ouvrages importants sur le patrimoine moderne (certains en collaboration avec d’autres auteurs), dont un livre sur Montréal, Sur les traces du Montréal moderne et du domaine de l’Estérel au Québec, et un autre sur le Québec, Patrimoine en devenir. L’architecture moderne du Québec. Travailleuse infatigable, elle collabore actuellement à la rédaction de l’Encyclopédie critique pour la restauration et la réutilisation de l’architecture du XXe siècle, dirigée par des collègues suisses, et poursuit ses recherches sur la modernité architecturale au Québec, dont elle continue de partager les résultats avec les étudiants du DESS en architecture moderne et patrimoine et de la maîtrise en design de l’environnement. «Je travaille encore beaucoup parce que c’est une passion», dit-elle, heureuse de ce titre de professeure émérite qu’elle vient de recevoir et qui marque le lien qu’elle garde avec l’université où elle a mené toute sa carrière.