Les Québécois seraient-ils les champions de la consommation responsable? L’affirmer serait faire preuve d’un peu trop d’optimisme, mais les résultats colligés dans la 4e édition du Baromètre de la consommation responsable sont plus qu’encourageants. L’outil, publié annuellement par l’Observatoire ESG UQAM de la consommation responsable (OCR) a pour objectif de mesurer le degré de consommation responsable des Québécois et de dresser un portrait de leurs attentes, de leurs attitudes, de leurs motivations d’achat et de leurs actions responsables.
«L’indice de la consommation responsable s’établit à 65,4, soit trois points de plus que l’an passé», indique Fabien Durif, professeur au Département de marketing, cofondateur et directeur de l’Observatoire. L’indice, en hausse constante, montre que les Québécois sont des consommateurs de plus en plus responsables, note le professeur. «Ils recyclent, réfléchissent aux impacts de leur consommation et achètent des produits et services écoresponsables.»
Selon Fabien Durif, l’année 2013 marque un tournant pour le Québec. «C’est la première fois que plusieurs des comportements responsables, dont le recyclage, la consommation locale et la déconsommation, sont en progression.» La tendance est à la consommation locale et à la protection de l’environnement (au recyclage, par exemple). Les Québécois sont de plus en plus friands de produits écoresponsables, remarque Fabien Durif, et les produits locaux ont la cote. «Ce sont les fraises, les pommes, les laitues et les viandes et volailles produits ici que l’on retrouve le plus souvent dans le panier d’épicerie des Québécois.» La certification la plus connue auprès des Québécois après Energy Star, c’est d’ailleurs Aliments du Québec, qui fait la promotion des produits d’ici. «L’entreprise a fait beaucoup de publicité pour faire connaître sa certification et sensibiliser les gens à l’achat local», note le professeur. Le prix, qui constituait un frein à l’achat local ou éco-responsable, compte moins. «Les gens sont prêts à payer un produit plus cher par conviction ou pour faire leur part pour l’environnement.»
«Les femmes et les baby-boomers sont les consommateurs les plus responsables.»
Parmi les marques de produits responsables les plus connues figurent Cascades et Biovert. «Cascades reste à la fois la marque et l’organisation jugée comme la plus responsable par les Québécois.» Fait intéressant: de plus en plus de Québécois affirment faire confiance aux entreprises. «On observe une reprise de la confiance, dit Fabien Durif. Les entreprises réussissent mieux à faire passer leur message.»
Les femmes et les baby-boomers sont les consommateurs les plus responsables. «Les femmes semblent être plus motivées et sensibles que les hommes. Elles sont prêtes à faire l’effort pour obtenir de l’information sur les produits et les marques écoresponsables.» Les jeunes de 15 à 24 ans, quant à eux, traînent de la patte. «Ils utilisent davantage les transports en commun que les autres. Mais peut-être n’ont-ils pas le budget pour s’acheter une voiture…», commente le professeur. Règle générale, les consommateurs toutes catégories confondues estiment qu’ils manquent d’information sur les attributs des produits, qu’ils se disent novices ou habitués.
La folie des petites annonces
Deux autres études de l’Observatoire ont été publiées récemment. Intitulée «Le point sur l’achat et la vente de produits d’occasion au Québec», la première, réalisée auprès de 1104 répondants, révèle que près des trois quarts des Québécois ont acheté au moins un produit d’occasion dans la dernière année. «On observe une forte croissance dans ce secteur en raison de la crise économique et du fait que l’achat en ligne est en progression, constate Fabien Durif. Des plateformes comme Kijiji sont faciles à utiliser dans le confort de son foyer, accessibles et conviviales. L’accès aux annonces n’est pas limité aux abonnés, tous les internautes peuvent fureter sur le site. Il y a aussi un aspect communautaire que les gens aiment; cela permet de tisser des liens, de bâtir des communautés.»
Pour près de 65% des Québécois, acheter des produits d’occasion est un moyen de diminuer son impact sur l’environnement tout en ayant l’impression de payer un prix juste.
Les biens durables, comme les meubles, les accessoires de décoration et les voitures, comptent parmi les achats de seconde main les plus populaires. «En France, où la crise économique frappe plus durement, les sites de vente d’occasion explosent. On retrouve même des sites Web strictement réservés à la vente de cellulaires et de tablettes usagés!»
Autre constat: malgré le fait que la tendance semble bien ancrée chez les Québécois, moins de la moitié d’entre eux se sont départis de biens pour les revendre.
Des détaillants responsables?
L’autre étude publiée par l’Observatoire concerne «La valorisation par les Québécois de l’engagement responsable des détaillants». Elle a été réalisée en collaboration avec le Conseil québécois du commerce de détail (CQCD), auprès de 1103 répondants répartis à travers la province. L’objectif était de mesurer l’impact des stratégies écoresponsables des détaillants auprès des consommateurs et de dresser un palmarès des détaillants perçus comme les plus responsables. «Cette étude cherche entre autres à comprendre les critères pris en considération par les consommateurs pour qualifier une entreprise de responsable et à déterminer si les consommateurs croient en l’engagement responsable des organisations», explique Fabien Durif.
Selon le professeur, les consommateurs ont des attentes élevées envers les entreprises. «Ils s’attendent à ce que les entreprises prennent des mesures pour être plus responsables, observent des règles d’éthique, respectent leurs employés, fassent preuve de transparence et adoptent des politiques d’approvisionnement et d’achat responsables.» Les consommateurs ont par ailleurs tendance à valoriser les détaillants impliqués dans des activités écoresponsables et à les trouver plus crédibles. Un peu plus de 40% des répondants sont prêts à boycotter un détaillant qui n’a pas une politique de pratiques responsables.
Les consommateurs restent tout de même méfiants face aux discours des entreprises. «Bien des gens croient que les détaillants adoptent des pratiques écoresponsables pour faire bonne impression. La motivation mercantile des entreprises est souvent pointée du doigt», affirme le professeur.
Quant au palmarès des détaillants les plus responsables, les répondants ont choisi dans une faible proportion Metro, IGA et Walmart. Plus de la moitié des répondants sont en effet incapables de nommer un détaillant responsable. «Davantage d’entreprises s’engagent dans des pratiques responsables, mais les stratégies de communication à ce sujet restent inefficaces, déclare le professeur. Les entreprises ont peur des critiques. Le défi, c’est de trouver les bonnes stratégies de communication, de communiquer ses pratiques et ses bons coups de manière crédible.»