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Le choc de la naissance

Une étude lève le voile sur la prévalence et les facteurs de risque liés à un état de stress post-traumatique après l’accouchement.

Par Pierre-Etienne Caza

18 mars 2013 à 0 h 03

Mis à jour le 17 septembre 2014 à 19 h 09

Moment de pur bonheur, de joie et d’espoir, mais aussi de douleur, de souffrance et d’inquiétude, l’accouchement fait vivre aux mamans des montagnes russes d’émotions qui se poursuivent parfois pendant des semaines, voire des mois. Certaines femmes ressentent une détresse qui mène à un diagnostic étonnant : un état de stress post-traumatique (ÉSPT). «Que les femmes enceintes ne s’alarment pas. Peu d’entre elles risquent d’en souffrir, mais le phénomène existe», souligne Nancy Verreault. Guère étudié jusqu’ici au Canada, le sujet a fait l’objet des recherches de la doctorante en psychologie, sous la codirection du professeur André Marchand, du Département de psychologie, et de la professeure Deborah Da Costa, de l’Université McGill. «Le but était de vérifier l’incidence de l’ÉSPT chez les femmes qui accouchent et d’observer s’il y a des facteurs de risque liés à cet état», précise la jeune chercheuse.


L’ÉSPT est un trouble anxieux se caractérisant principalement par le développement de symptômes spécifiques après l’exposition à un événement particulièrement stressant ou à un événement traumatique extrême qui a impliqué la mort, une menace de mort, des blessures graves et/ou une menace à son intégrité physique et/ou à celle d’autrui. «C’est clairement le cas d’un accouchement, un moment où mère et enfant peuvent vivre des complications les mettant en danger», note Nancy Verreault, dont l’échantillon comptait 308 femmes montréalaises.


Les sujets ont participé à l’étude en se soumettant à un questionnaire à 4 moments : entre 25 et 40 semaines de grossesse, puis  4 à 6 semaines, 3 mois et 6 mois après la naissance. «Lors de la première rencontre, nous avons dressé un portrait de chaque femme en ce qui a trait, entre autres, aux variables sociodémographiques et psychologiques, explique la chercheuse. Nous avons aussi sondé les attentes par rapport à l’accouchement, le soutien social disponible pour la mère, la présence de traumatismes antérieurs et l’historique de difficultés émotionnelles, le cas échéant.»


Des critères précis


Un ÉSPT implique d’avoir éprouvé une peur intense, un sentiment d’impuissance ou d’horreur. Par la suite, un ensemble de symptômes et de comportements spécifiques peuvent apparaître : une diminution de la réactivité au monde extérieur (émoussement); des souvenirs et/ou des rêves répétitifs reliés à l’événement traumatique qui sont envahissants, persistants et qui provoquent chez la personne une souffrance importante (reviviscences); un évitement de certains objets, situations et/ou personnes liés de près ou de loin à l’événement traumatisant; et une augmentation de l’état de vigilance se présentant sous forme d’insomnie, d’irritabilité, de problèmes de concentration ou de sursauts (hyperactivité neurovégétative).


«Lorsque les principaux symptômes sont présents pendant un mois après l’événement, on parle d’ÉSPT complet, explique la chercheuse. Pour l’ÉSPT partiel, il devait y avoir au moins un symptôme de reviviscence, en plus d’un symptôme d’évitement ou de diminution de la réactivité, ou de deux symptômes d’hyperactivité.»


Résultats


Nancy Verreault a constaté que 1,1 % des femmes de l’échantillon répondait aux critères d’un ÉSPT complet un mois après la naissance, tandis que 3,2 % présentaient des symptômes d’ÉSPT partiel.  Ces proportions sont semblables aux données des pays scandinaves, de l’Australie et des États-Unis. Les symptômes sont les plus critiques un mois après l’accouchement. Ensuite, ils tendent à diminuer.


«Le facteur qui accentue le plus le risque de souffrir d’un ÉSPT est le fait d’avoir vécu un ou des épisodes d’abus sexuels dans le passé, précise la doctorante. L’accouchement peut réactiver des souvenirs désagréables. Dans une moindre mesure, une sensibilité plus marquée à l’anxiété – la peur des sensations physiques reliées à  l’anxiété –, le manque de soutien social et un accouchement vécu de manière plus négative que ce qui était attendu font également partie des facteurs de risque.»


Des recommandations?


La chercheuse croit que les praticiens qui suivent les femmes enceintes devraient prendre connaissance de ces résultats en regard des antécédents médicaux de leurs patientes, surtout en ce qui concerne les abus sexuels vécus dans le passé. «Il est clair que ces femmes ont besoin d’un suivi particulier. Il serait aussi pertinent de développer des interventions permettant de mieux préparer les femmes à risque à faire face à l’accouchement, ce qui pourrait diminuer leur anxiété», ajoute-t-elle.


Les résultats de cette recherche ont fait l’objet d’un article – «PTSD following childbirth : A prospective study of incidence and risk factors in Canadian women» – paru dans le Journal of Psychosomatic Research.