«Est-ce qu’il a compris?» Devant un élève peu expressif, bien des professeurs ont connu ce moment de doute. Impossible après tout d’ouvrir le crâne d’un enfant pour voir s’il a appris la leçon. C’est pourtant ce que les chercheurs d’une science toute nouvelle, la neuroéducation, entendent faire. À l’aide de techniques telles que l’imagerie par résonance magnétique (IRM), ces scientifiques étudient ce qui se passe dans le cerveau pendant l’apprentissage. Si les enseignants ne pourront probablement jamais utiliser cette technologie dans les salles de classe pour calmer leurs angoisses quotidiennes, les données révélées par imagerie cérébrale leur permettront peut-être de bénéficier de meilleures méthodes éducatives.
Steve Masson, professeur au Département de didactique, est président de l’organisme Neuroéducation Québec. Depuis novembre 2012, il pilote avec plusieurs collègues du Département une nouvelle revue sur le sujet, simplement intitulée Neuroéducation. «Le but de la neuroéducation est de mieux comprendre les problèmes éducatifs afin de donner des pistes aux professeurs sur les méthodes d’enseignement les plus compatibles avec le fonctionnement du cerveau», explique-t-il.
Les zones d’apprentissage
D’un point de vue neurologique, l’apprentissage est la création et l’optimisation de connexions entre des neurones. Un peu comme un muscle qui s’améliore après utilisation, le cerveau renforce les réseaux de neurones qu’il met à contribution le plus fréquemment. Si on veut, par exemple, augmenter ses capacités de calcul, on doit travailler les régions du cerveau qui en sont responsables. Ce principe en apparence anodin est très utile pour les éducateurs en quête des meilleurs exercices à donner à leurs élèves pour générer les apprentissages les plus importants.
Un exemple? Les analyses par imagerie cérébrale ont établi que le cerveau met à contribution la région occipito-temporale gauche lors de la lecture et ont permis de trancher dans un débat jusqu’ici irrésoluble : laquelle des deux méthodes principales d’enseignement de la lecture – l’approche globale et l’approche syllabique – est la plus efficace? L’approche globale propose aux élèves d’apprendre à reconnaître certaines listes de mots instantanément alors que l’approche syllabique, comme son nom l’indique, travaille plutôt la lecture à partir des syllabes. «Les recherches sur le cerveau montrent que si l’on veut établir des réseaux de neurones en lien avec la lecture, l’approche globale ne mobilise pas les bonnes régions alors que l’approche syllabique, oui», résume Steve Masson.
La neuroéducation constitue pour le chercheur un nouvel outil à utiliser pour perfectionner les manières d’enseigner. «L’UQAM a d’ailleurs été la première université québécoise à offrir des cours sur le sujet.», glisse-t-il fièrement.
Faire le pont
Pour Steve Masson, un des grands défis de la neuroéducation en tant que science est qu’elle se situe à l’intersection de deux domaines différents qui possèdent chacun des méthodes et un vocabulaire qui leur sont propres. «Un neuroscientifique ne comprend pas nécessairement les enjeux en éducation et l’inverse est aussi vrai, souligne-t-il. Ça prend donc un lieu pour évaluer les articles qui nécessitent une expertise dans les deux domaines.» C’est ce qui, aux yeux du chercheur, donne sa pertinence à la revue Neuroéducation, dont le deuxième numéro devrait paraître cet été. Cette revue scientifique pilotée se démarque des deux autres qui existent dans ce domaine par sa liberté d’accès et ses articles bilingues.
Steve Masson espère que cette publication permettra de combattre les mythes qui abondent dans le domaine. «Des compagnies cherchent à profiter de la vogue entourant la recherche sur le cerveau pour vendre à des enseignants et à des écoles des méthodes ou des manuels contenant des faussetés, s’indigne Steve Masson. C’est une des raisons pour lesquelles la revue et les cours de neuroéducation sont importants. Si les professeurs s’appuient sur de fausses croyances pour enseigner, on a un problème.»