«Le fait d’avoir contribué, par mes recherches, à la mission universitaire de services aux collectivités m’a procuré la plus grande des satisfactions. Je n’aime pas me sentir inutile», lance Karen Messing, professeure associée au Département des sciences biologiques, qui a enseigné à l’UQAM de 1976 à 2008. Le 19 septembre dernier, l’Université lui a décerné le titre de professeure émérite.
Détentrice d’un baccalauréat en relations sociales de l’Université Harvard, d’une maîtrise en génétique et d’un doctorat en biologie de l’Université McGill, cette ergonome de réputation internationale a toujours mis ses compétences au service de la protection des travailleuses. Elle a d’ailleurs participé, à la fin des années 1970, à la création du Groupe interdisciplinaire d’enseignement et de recherche sur les femmes (GIERF), l’ancêtre de l’Institut de recherches et d’études féministes (IREF).
Spécialisée en génétique moléculaire quand elle entreprend sa carrière, Karen Messing étudie dans les années 1980 l’exposition aux radiations des techniciens en radiologie, poste occupé majoritairement par des femmes. Elle s’aperçoit alors que les travailleuses souffrent davantage de leurs conditions de travail qui s’alourdissent que du niveau de radiation relativement faible auquel elles sont exposées. Pour la chercheuse, la misère quotidienne des travailleuses constitue un objet d’étude aussi noble que la biologie moléculaire. En 1985, avec sa collègue et complice Donna Mergler, elle fonde le Centre de recherche interdisciplinaire sur la biologie, la santé, la société et l’environnement (CINBIOSE), dont les travaux sont axés sur une approche écosystémique de la santé.
Auteure de dizaines d’articles scientifiques et de plusieurs ouvrages, dont La Santé des travailleuses : la science est-elle aveugle?, traduit en six langues, Karen Messing contribue à la mise sur pied, en 1993, du groupe de recherche L’invisible qui fait mal, en collaboration avec les centrales syndicales. La mission de cette équipe multidisciplinaire : révéler le caractère pénible de certaines tâches accomplies par les femmes et donner à ces dernières des outils pour revendiquer leurs droits en santé et sécurité au travail. La professeure s’intéresse notamment au sort des employées – vendeuses, serveuses, caissières, personnes au bas de l’échelle – forcées de travailler debout pendant de longues heures, sans possibilité de s’asseoir pour se reposer.
«Depuis 25 ou 30 ans, certaines choses ont changé, observe Karen Messing. La communauté scientifique s’intéresse davantage aux problèmes des travailleuses et les recherches qui y sont consacrées sont plus nombreuses. Les conditions de travail des femmes, toutefois, se sont détériorées dans plusieurs secteurs, notamment avec la précarisation des emplois et l’extension des heures de travail.»
En 1993, la chercheuse est la première femme issue des sciences naturelles à recevoir un prix de l’ACFAS, le prix Jacques-Rousseau en recherches interdisciplinaires. L’année suivante, elle est nommée «Femme de mérite» par le YWCA de Montréal.
Même si elle a pris sa retraite de l’enseignement, Karen Messing continue de superviser des étudiants de cycles supérieurs et de participer à plusieurs projets de recherche subventionnés par le Réseau de recherche en santé et en sécurité du travail du Québec et le Conseil de recherches en sciences humaines du Canada (CRSH). Elle s’intéresse notamment aux déterminants des troubles musculo-squelettiques, à la prise en compte des préoccupations des travailleuses par les logiciels utilisés pour établir les horaires de travail et au transfert générationnel des connaissances et des compétences dans le mouvement communautaire.
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Hommage à Armel Boutard
En plus d’honorer Karen Messing, la Faculté des sciences a aussi décerné le titre de bâtisseur enseignant, à titre posthume, à Armel Boutard. Décédé en août 2008, le professeur du Département des sciences de la Terre et de l’atmosphère enseignait à l’UQAM depuis 1970. Membre fondateur de l’Institut des sciences de l’environnement, il a été à l’origine de plusieurs programmes d’études, notamment en sciences de l’atmosphère, en environnement, en ressources énergétiques et en génie-microélectronique.
Avec son diplôme de génie physique de l’INSA-Lyon en poche, Armel Boutard est arrivé au Québec au milieu des années 60. Après avoir obtenu un doctorat en physique nucléaire de l’Université de Montréal, il est embauché au Département de physique de l’UQAM et en devient le directeur en 1971.
Dans les années 90, Armel Boutard s’est impliqué dans des projets de l’ACDI, dont le projet EDAMAZ (1993 à 2001), qui visait la formation de formateurs en environnement en Colombie, au Brésil et en Bolivie. En 2007, il a fait partie du projet ECOMINGA axé sur la formation de leaders communautaires en écodéveloppement dans les domaines de l’eau et de l’alimentation en Bolivie.