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Un prof fou de techno

Jean-Hugues Roy, l’un des tout premiers journalistes techno au Québec, se lance dans une nouvelle aventure : l’enseignement.

Par Valérie Martin

9 janvier 2012 à 0 h 01

Mis à jour le 17 septembre 2014 à 19 h 09

Assis à son bureau du Pavillon Judith-Jasmin, Jean-Hugues Roy est encore perplexe devant son nouveau statut de professeur. «Je me sens un peu comme une bactérie dans un laboratoire de microbiologie! lance-t-il à la blague. Je ne suis pas un vrai prof dans le sens où je ne viens pas du milieu académique.» Celui qui occupait, depuis 2000, un poste de journaliste à la salle de nouvelles de la télévision de Radio-Canada, a été embauché en juin dernier comme professeur à l’École des médias pour faire profiter les étudiants de son savoir-faire. Dans le cadre de la refonte du baccalauréat en communication / journalisme, ce pionnier du journalisme multiplateforme sera appelé à produire du contenu pédagogique pour de nouveaux cours. «Le but est de former les étudiants pour qu’ils puissent écrire des textes, réaliser et mettre en ligne de la vidéo et des capsules radio sur des plateformes comme le Web et les médias sociaux, tout en sachant comment intégrer tous ces médias. C’est très pratico-pratique.»

Le journaliste n’est pas un inconnu dans le domaine de l’enseignement. Depuis janvier 2008, il donnait en tant que chargé de cours l’Atelier de journalisme télé qu’il continue d’offrir comme professeur. Les étudiants de l’atelier doivent produire chaque semaine un bulletin de nouvelles. «On reproduit les mêmes conditions que dans un vrai téléjournal. À 8 h 30 le matin, nous sommes en réunion de production et nous discutons des sujets qui feront partie du bulletin de nouvelles.» Les étudiants partent ensuite réaliser leur reportage. À la fin de la journée, le bulletin est monté et mis en ondes.

Pour conserver son poste, Jean-Hugues Roy, qui possède un D.E.S.S. en journalisme de l’Université Concordia, a dû retourner sur les bancs de l’université. Pour le quadragénaire, c’est une expérience à la fois passionnante et effrayante! «Notre job, en tant que journalistes, c’est de vulgariser. Nous sommes souvent des généralistes, explique-t-il. Lorsque tu fais une maîtrise, c’est un peu le contraire : tu te spécialises dans un domaine bien précis avec un vocabulaire propre.»

Un reportage de 140 caractères

Depuis l’automne dernier, il est inscrit à la maîtrise en communication publique de l’Université Laval. Son mémoire portera sur l’utilisation des médias sociaux par les journalistes. «Beaucoup de recherches ont été réalisées aux États-Unis sur le sujet, mais rien encore au Québec», fait-il remarquer. Les reportages gazouillés l’intéressent particulièrement. «Lors du démantèlement du camp d’Occupy Toronto, par exemple, les journalistes sur place envoyaient leurs gazouillis au fil des événements, en temps réel, relate-t-il. On a pu observer le même phénomène sur la place Tahrir, en Égypte, et même à l’Assemblée nationale.»

Les médias sociaux sont parfois encore le lieu de dérives, et ce, même pour des journalistes chevronnés. Pierre Sormany, ancien directeur des émissions d’affaires publiques de Radio-Canada, s’est retrouvé, en octobre dernier, au cœur d’une controverse pour avoir publié sur le profil public Facebook d’une collègue des détails jugés compromettants à l’endroit d’un ancien politicien. «Il est facile de se laisser avoir par le côté intime de Twitter et de Facebook et d’avoir l’impression qu’on ne s’adresse qu’à nos proches, reconnaît Jean-Hugues Roy. Envoyer un message dans les médias sociaux, c’est comme s’adresser à un auditoire de milliers de personnes!» Pour le journaliste, la règle à appliquer dans les médias sociaux est fort simple: «Tu ne tweetes ou ne postes rien que tu ne dirais pas en ondes ou que tu n’écrirais pas dans le journal», martèle-t-il.

Technophile de la première heure

Jean-Hugues Roy voue une véritable passion aux sciences et aux technologies. Lorsqu’il était étudiant au baccalauréat en géographie à l’Université de Montréal, et même adolescent, il aimait concevoir des cartes géographiques et rêvait de devenir cartographe (assisté par ordinateur, bien sûr!). «J’aurais aimé créer Google Earth», lance-t-il. Au milieu des années 90, alors qu’il est journaliste pour l’hebdomadaire Voir, il met sur pied le premier répertoire de sites francophones sur Internet. «À l’époque, la Toile du Québec et Yahoo en français n’existaient pas!» Il conçoit les sites Web du magazine Québec Science, du bulletin de nouvelles Newswatch du réseau CBC et de l’émission Branché, un magazine hebdomadaire sur les technologies diffusé sur Radio-Canada et dont il est l’animateur. Il est aussi pigiste spécialisé dans les technologies pour les magazines L’actualité, Québec Science et pour le site Web du magazine américain Wired.

En plus de maîtriser les bases du reportage, un journaliste Web doit connaître les outils techniques d’Internet, affirme le professeur. «Comme le disait Marshall McLuhan, le médium, c’est le message. Tu dois comprendre comment fonctionne le médium pour bien faire passer le message.» La bibliothèque de son bureau en fait foi : les rayons sont couverts d’ouvrages techniques et autres livres sur les langages informatiques.

Jean-Hugues Roy reste attaché à son métier de journaliste. «Je ne veux pas trop m’éloigner du terrain pour ne pas perdre ma pertinence auprès des étudiants, dit-il. Ils ont besoin de professeurs qui possèdent une expérience concrète.»