En 2004, Antony Karelis faisait figure de pionnier en s’intéressant aux metabolically healthy but obese (MHO), les personnes obèses mais métaboliquement en parfaite santé. Aujourd’hui, les études sur le sujet se multiplient pour tenter de comprendre les phénomènes physiologiques qui font en sorte que certaines personnes sont à risque de développer des complications métaboliques associées à l’obésité, tandis que d’autres, les MHO, semblent en être prémunies. «Certaines études ont démontré qu’il y aurait jusqu’à 30 % de MHO parmi les obèses», souligne le chercheur, qui poursuit ses travaux sur le sujet au Département de kinanthropologie.
Pour sa plus récente étude, toujours en cours et dont les premiers résultats ont été publiés dans le Scandinavian Cardiovascular Journal, Antony Karelis a constitué un échantillon de 47 femmes obèses postménopausées âgées entre 50 et 70 ans, qui ne présentaient pas de problèmes orthopédiques, ni de diabète de type 2 ou de maladies cardiovasculaires. Les caractéristiques physiologiques et métaboliques (le pourcentage de masse grasse, le profil lipidique et le taux d’insuline dans le sang, par exemple) ont permis de répartir les sujets en deux groupes : 16 femmes ont été identifiées comme MHO, tandis que les 31 autres ont été considérées comme des obèses à risque.
Le chercheur a ensuite analysé des mesures de variabilité du cœur. «Un bon fonctionnement du cœur est généralement associé au fait d’être moins à risque de développer des maladies cardiovasculaires», précise-t-il.
Lui et son équipe ont recueilli chez les sujets au repos une série de données faisant état de la façon dont leur cœur bat. «Cela nous a donné un portrait de la variabilité cardiaque de nos sujets», dit-il.
Les résultats vont dans le sens attendu : les MHO ont un profil de variabilité cardiaque plus favorable que les obèses à risque. «Les MHO présentent, entre autres, une fréquence cardiaque plus basse», note le chercheur, qui a mesuré huit composantes du battement du cœur.
Une étude en trois temps
Il s’agissait là de la première phase d’une étude en trois temps, qui regroupe à ce jour près de 80 sujets. Ceux-ci seront soumis à un programme d’exercices et de musculation pendant quatre mois, puis le chercheur mesurera de nouveau la variabilité cardiaque au repos. «Nous analyserons également les tissus adipeux pour tenter de comprendre pourquoi, chez certaines personnes, des protéines arrivent à capter les gras et à les garder prisonniers dans le tissu adipeux sous-cutané», précise-t-il.
Les répercussions de ce genre d’étude pourraient modifier l’approche clinique de l’obésité. «Lorsqu’une personne obèse se présente devant son médecin, ce dernier ne devrait pas conclure immédiatement qu’elle risque d’avoir des problèmes de santé, poursuit Antony Karelis. Il faut l’évaluer correctement.»