Dans les pays développés, et particulièrement en Amérique du Nord, l’obésité est devenue un problème de santé publique majeur et un enjeu de recherche important. À l’UQAM, un nouveau groupe de recherche facultaire, le Groupe de recherche en obésité et maladies métaboliques, s’est donné pour objectif de mieux comprendre les mécanismes qui engendrent les diverses maladies associées à l’obésité. «Le groupe rassemble des chercheurs en biologie et en kinanthropologie, mais on souhaite l’ouvrir à des chercheurs en sciences humaines, afin d’avoir une vue plus large des problèmes reliés à l’obésité», affirme sa créatrice, Catherine Mounier. Cette dernière est responsable de l’organisation du colloque Des maladies lipidiques à l’obésité, qui se tiendra le 8 mai dans le cadre du congrès de l’ACFAS et qui constituera la première activité de ce nouveau groupe de recherche.
«Les maladies lipidiques, ce sont tous les dysfonctionnements de l’organisme liés à une accumulation de gras dans les tissus, que ce soit le foie, les artères, les muscles ou même le cœur, explique la professeure du Département des sciences biologiques. Les plus connues sont le diabète de type II et les maladies cardiovasculaires, mais il existe énormément de maladies lipidiques.»
Lipides et cancer du sein
Dans ses recherches, Catherine Mounier explore le rôle d’une enzyme associée à l’obésité dans l’apparition de métastases chez les femmes atteintes de cancer du sein. «On a déjà observé qu’il existe un lien entre l’obésité et le risque de développer un cancer du sein, et que plus les femmes sont obèses, plus elles sont à risque de souffrir d’un cancer grave, souligne la chercheuse. Ce que nos recherches démontrent, c’est qu’une enzyme présente en grande quantité chez les personnes obèses, la stéaroyl CoA désaturase 1 (SCD1), transformerait les lipides en facilitant leur stockage plutôt que leur élimination, et aurait pour conséquence de rendre les cellules cancéreuses beaucoup plus agressives.»
Cette enzyme serait aussi impliquée dans le développement de la stéatose hépatique, une maladie causée par une forte accumulation de graisse dans le foie. Le doctorant Mohamed Amine Lounis, qui travaille dans le laboratoire de Catherine Mounier, fera une présentation sur ce sujet. «La SCD1 tout comme la seipine, une protéine qui vient d’être découverte, semblent être liées à la formation des gouttelettes lipidiques qui mènent au stockage du gras dans le foie, mentionne la chercheuse. Les patients présentant une mutation de la seipine n’ont pas du tout de tissu adipeux, mais comme le gras doit être stocké quelque part dans l’organisme, ils développent en contrepartie un foie énorme. On fait donc le lien entre une forte expression de la SCD1, dans le cas de l’obésité, et la mutation de la seipine, dans le cas des lipodystrophies, qui causent des stéatoses dont la conséquence est identique : une destruction du foie.»
Obésité maternelle
Également membre du nouveau groupe de recherche, la professeure du Département des sciences biologiques Julie Lafond travaille sur l’obésité maternelle. «Le nourrisson a besoin de beaucoup de lipides pour son développement et obtient ces lipides à partir du sang de la mère, explique Catherine Mounier. Le problème, chez les femmes enceintes fortement obèses, c’est qu’il y a trop de lipides circulant dans le sang. Dans certains cas, le placenta arrive à compenser l’obésité maternelle, mais quand celle-ci est très importante, trop de lipides parviennent jusqu’à l’embryon, ce qui peut entraîner une prédisposition au diabète de type II et aux maladies cardiovasculaires.»
D’autres chercheurs, comme Antony Karelis, professeur au Département de kinanthropologie, s’intéressent à un paradoxe lié à l’obésité : certaines personnes obèses ne souffrent pas des maladies normalement reliées à l’obésité, alors que d’autres, de poids normal, présentent toutes les caractéristiques de personnes métaboliquement obèses (voir «Le poids santé : un mythe?»). David St-Pierre, un jeune professeur du même département, travaille pour sa part sur le rôle de l’intestin dans le développement des cellules adipeuses.
«Notre groupe vient d’être formé et de recevoir l’appui de la Faculté des sciences, note Catherine Mounier. L’idée, c’est de profiter d’occasions de collaboration avec le Département de kinantropologie, maintenant installé tout près des Sciences biologiques, et de montrer, grâce à ce colloque, que l’UQAM est présente dans ce domaine de recherche très dynamique.»