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L’art contre la violence

Diplômée du doctorat en sciences de l’éducation de l’UQAM, Sonia Fournier croit que l’art est un formidable outil d’éducation.

Par Marie-Claude Bourdon

18 avril 2011 à 0 h 04

Mis à jour le 17 septembre 2014 à 19 h 09

De nombreux diplômés du doctorat de l’UQAM enseignent aujourd’hui dans le réseau universitaire. Depuis le début de l’année, le journal L’UQAM présente chaque mois le portrait de l’un de ces diplômés.

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«La guerre naît dans l’esprit des hommes, mais c’est dans les esprits des enfants qu’il faut la combattre.» Cette citation d’un guide touareg du Niger, Sonia Fournier l’a placée en exergue de son prochain ouvrage, Papa, raconte-moi le génocide avec les enfants du Rwanda et d’ailleurs, un livre destiné à expliquer le génocide aux enfants, en mots et en images. Artiste peintre et professeure à l’Université du Québec à Rimouski (UQAR), cette diplômée du doctorat en sciences de l’éducation de l’UQAM (1999) dit faire «partie de ces gens qui croient qu’on peut éduquer les enfants à la paix». Et que l’art est un formidable outil d’éducation.

«J’ai fait mes études collégiales en art et je me destinais à devenir artiste professionnelle et enseignante en arts plastiques, raconte Sonia Fournier. C’est mon goût pour la recherche qui m’a entraînée vers une carrière universitaire.» Sans, d’ailleurs, lui faire délaisser sa pratique artistique : l’art demeure au centre de ses intérêts de recherche.

Si elle a consacré les dernières années de sa carrière de chercheuse aux thèmes relatifs au génocide rwandais et à l’éducation à la paix, Sonia Fournier a d’abord été une spécialiste de l’art dans l’éducation. «Mon doctorat portait sur des cas d’enfants souffrant d’un déficit d’attention avec hyperactivité, précise-t-elle. En travaillant comme remplaçante en arts plastiques pendant mes études, je m’étais aperçue que l’art était un outil pédagogique extraordinaire pour aider ces enfants.»

Après son doctorat et tout en poursuivant à partir de 2000 une carrière de professeure à l’UQAR, Sonia Fournier a agi comme consultante en cabinet privé pendant 10 ans auprès de parents d’enfants présentant des troubles du comportement. «J’utilisais l’art dans mes interventions auprès d’eux et cette pratique nourrissait mon enseignement à l’UQAR puisqu’elle me gardait en contact avec des cas vécus.»

Les intelligences multiples

Dans ses recherches, Sonia Fournier tombe, il y a une dizaine d’années, sur la théorie des intelligences multiples du psychologue américain Howard Gardner. Elle devient vite une spécialiste de cette théorie (selon laquelle il existe huit formes d’intelligence : linguistique, logico-mathématique, spatiale, kinesthésique, naturaliste, musicale, interpersonnelle et intrapersonnelle) qu’elle transmet dans ses cours et dans de nombreuses formations et conférences. Elle y consacre aussi un guide destiné aux enseignants, Les intelligences multiples… une idée brillante! (Éditions CEC), puis un livre pour les parents, Les 8 intelligences de votre enfant (Enfants Québec).

«Cette théorie amène à poser un regard différent sur les enfants qui éprouvent des difficultés en lecture, en écriture ou en calcul, souligne-telle. Elle mise sur le potentiel humain dans sa globalité en intégrant les autres formes d’intelligence dans les apprentissages. Si on veut combattre le décrochage scolaire, on devrait tabler sur les forces des jeunes plutôt que de toujours souligner leurs faiblesses.»

L’image et la violence extrême

En 2006, l’artiste-professeure est tombée amoureuse du Rwanda. «J’avais été invitée à présenter mes travaux sur l’utilisation de l’art en éducation dans un colloque et je me suis sentie profondément interpellée par le drame vécu par ce pays», dit-elle. Depuis, elle a peint une série de tableaux sur le génocide rwandais qui sont devenus la base d’un travail d’exploration sur l’éducation à la paix. Elle est retournée au Rwanda, où elle a travaillé avec des jeunes survivants du drame. Mais ses recherches sur le génocide et la violence extrême ne visent pas seulement les écoliers rwandais. «J’ai développé des outils pédagogiques pour aider les jeunes du Québec qui vivent de la violence à petite échelle, que ce soit l’homophobie ou le taxage, à comprendre, à partir de l’exemple de la violence extrême, comment le mal se construit et comment on peut en arriver à exclure l’autre.»

À ceux qui s’interrogent sur la pertinence de montrer des images représentant un génocide à des écoliers, Sonia Fournier demande comment on peut, en tant que société, exposer les jeunes à des images aussi violentes que celles des jeux vidéo. «Les enfants détestent la guerre, dit elle. En passant par des événements comme le génocide, je pense qu’on peut amener les jeunes à réfléchir sur leur humanité et à développer leurs sentiments de solidarité, dans l’espoir que ces choses ne se reproduisent jamais. Bien sûr, il y aura toujours de la violence dans l’être humain. La question est de savoir comment on peut transformer cette violence pour en faire quelque chose de créatif.»