Il y a peu d’Américains inscrits à l’UQAM – à peine une trentaine – et la barrière linguistique y est sans doute pour quelque chose. Certains osent toutefois s’aventurer dans l’univers francophone. C’est le cas d’Evan Light, originaire du New Jersey, qui s’est inscrit à la maîtrise en communication en 2004, alors qu’il ne parlait pas français du tout. «C’était l’enfer, se rappelle-t-il en riant, mais j’ai appris en mode accéléré!» Aujourd’hui, cet immigrant reçu poursuit fièrement ses études doctorales dans la langue de Molière.
Evan Light est arrivé à Montréal en 1995 afin d’étudier à l’Université McGill. «Je ne connaissais personne, et comme j’avais pris goût à la radio communautaire à l’école secondaire, j’ai eu le réflexe d’aller cogner à la porte de la radio étudiante, CKUT, raconte-t-il. J’y ai tenu une émission hebdomadaire pendant neuf ans, la nuit, entre 1 h et 2 h du matin.»
Membre des conseils d’administration de CKUT et de l’Association nationale des radios étudiantes et communautaires, Evan Light a travaillé quelques années à l’université dans le domaine informatique, puis il a eu le goût de retourner aux études. En s’inscrivant à l’UQAM, il souhaitait orienter ses recherches sur le phénomène de la radio communautaire, sans toutefois savoir sous quel angle aborder le sujet.
C’est la professeure Carmen Rico De Sotelo, du Département de communication sociale et publique, qui l’a aiguillé sur la bonne piste en lui offrant l’occasion de séjourner en Uruguay à l’été 2005 afin d’y effectuer des recherches. «À l’époque, il existait entre 60 et 80 radios communautaires en Uruguay et elles étaient illégales», raconte le jeune chercheur, qui est assistant de recherche du Groupe de recherche interdisciplinaire sur la communication, l’information et la société. «Ces radios diffusaient leurs émissions surtout le samedi soir ou le dimanche matin, et leurs artisans devaient changer d’endroit pour ne pas se faire pincer par la police, ce qui impliquait de transporter le matériel d’un endroit à l’autre», rapporte-t-il.
La pertinence de la radio
À la maîtrise, Evan Light s’est intéressé à une vingtaine de radios communautaires de Montevideo, la capitale de l’Uruguay, qu’il a mises en parallèle avec une demi-douzaine de radios communautaires de Montréal. Les contenus sont semblables, a-t-il constaté. On y parle politique, culture, musique, etc. «Là-bas, toutefois, chaque radio diffuse uniquement dans un quartier et participe aux projets de développement social, explique-t-il. Les stations font beaucoup de travail avec peu de moyens, alors qu’ici, elles font relativement peu avec beaucoup d’argent et d’équipement.»
La Coalition de gauche, qui a pris le pouvoir en 2005 en Uruguay, a légalisé les radios communautaires. «L’an dernier, dans le cadre d’un processus de régularisation, le gouvernement a reçu 413 demandes de licences de radios communautaires, pour un pays d’environ 3,5 millions d’habitants, précise Evan Light. Au Canada, on compte environ 150 radios communautaires pour près de 35 millions d’habitants.»
Même avec la montée d’Internet, la radio communautaire est toujours aussi pertinente afin de donner une voix à ceux qui n’en ont pas, analyse-t-il. «Les radios communautaires sont un endroit où les gens se rassemblent et peuvent confronter leurs points de vue.»
Radio et eau, même combat?
Evan Light se rendra cet hiver en Uruguay pour la cinquième fois afin de poursuivre ses recherches. Son projet de doctorat (conjoint avec l’Université de Montréal et Concordia), pour lequel il a reçu des bourses du FQRSC et du programme Regard canadien sur le développement international, porte sur les politiques de gestion du spectre électromagnétique et de l’eau en Uruguay et au Canada. «L’eau, comme le spectre, est une ressource naturelle qui relève du patrimoine et du bien commun», explique le doctorant, qui travaille de nouveau sous la direction de Mme Rico de Sotelo, mais aussi de Darin Barney, de l’Université McGill.
L’Uruguay vient d’instaurer un conseil de régulation du spectre électromagnétique dédié aux radios communautaires, souligne le doctorant. «Ce conseil est composé de ministres, mais aussi de représentants des universités, des associations de radio communautaire et de groupes sociaux. Il s’agit d’une pratique unique dans le monde.» La population s’est également prononcée par référendum contre la privatisation de l’eau, ajoute-t-il. «Au Canada, dans ces deux domaines, la population n’a pas voix au chapitre et c’est déplorable.»